Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSES

Récession - Les périls extérieurs peuvent compromettre le redressement - Les organismes économiques s’inquiètent - d’un éventuel report du sommet de la francophonie

En matière d’économie, on le sait, tout est lié puisque tout est question de confiance comme de normalité. À première vue, le sommet de la francophonie n’a que peu de choses à voir avec le traitement de la récession dont souffre ce pays. Mais pour les organismes professionnels locaux, il constitue un indice important et son report signifierait sans doute un surcroît de difficultés économiques. Tout d’abord parce que sur un plan ponctuel, il a fallu engager pour préparer cette conférence autant de frais que d’efforts sécuritaires ou organisationnels. La mise au point de la logistique de base a nécessité l’édification, pour les travaux des quelque 4 000 membres des 55 délégations annoncées, d’un bâtiment en bord de mer. Les palaces de leur côté se sont mobilisés à fond pour être en mesure d’offrir les meilleurs services à ces hôtes. Or la région danse aujourd’hui, on ne le sait que trop, sur un fil d’acier. Après l’ajournement de la conférence du Commonwealth, même l’Assemblée générale des Nations unies, traditionnellement tenue fin septembre-début octobre, risque d’être renvoyée à novembre. Si les États-Unis devaient appuyer sur le détonateur dans leur présent combat contre le terrorisme, il y aurait peu de chances de réunir à Beyrouth cette année le sommet de la francophonie. Et, partant, la conférence, tout à fait essentielle, de Paris II se verrait expédier aux calendes grecques. Le Liban devrait alors tirer un trait sur le moratoire espéré, sur les assistances et les emprunts privilégiés supposés alléger le poids de son endettement et de son déficit budgétaire. Les problèmes financiers, économiques et sociaux atteindraient dans ces conditions un tel paroxysme que même des mesures fiscales drastiques ne serviraient plus à grand-chose. Sauf à provoquer un fort mouvement de mécontentement, pour ne pas dire de colère, au sein d’une population appauvrie et néanmoins pressurisée. Directement ou indirectement. Car la privatisation de l’électricité, du téléphone et du cellulaire, qui rapporterait entre trois et quatre milliards de dollars, signifierait pour le public une hausse sensible des quittances. Venant s’ajouter à une longue liste de lourdes surtaxes dont les Libanais ont déjà un avant-goût avec les 3 000 LL de plus sur l’essence. La TVA, même si son application n’est pas bien préparée, même si les corporations s’y opposent, serait mise en œuvre sans tarder. Tout cela avec les retombées négatives que l’on imagine en termes de cherté. Indépendamment même de ces perspectives peu réjouissantes, des professionnels se demandent si Paris II va pouvoir se tenir dans des délais profitables pour le Liban, c’est-à-dire avant la fin de l’année. En effet, les États donateurs ou débiteurs appelés à y participer doivent d’abord assister aux sessions annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international prévues dans les prochaines semaines. Ils auraient ensuite à leur programme, en novembre, l’Assemblée générale des Nations unies. Enfin, et surtout, à partir du début de l’an 2002, la France, pays organisateur, serait trop centrée sur la présidentielle de mai pour se consacrer au dossier libanais. Que faire si Paris II est reporté ? Les cadres cités proposent au Trésor quelques solutions de rechange à effet palliatif : – Exploiter la poldérisation d’une partie du littoral, pour obtenir des avances des banques. – Améliorer la gestion et la perception de l’Électricité du Liban, en la dotant de compteurs électroniques ; prévoir un plan pour réduire en 2002 le coût de l’énergie en remplaçant le fuel par le gaz domestique. – Privatiser la Régie des tabacs ainsi que les raffineries de Tripoli et de Zahrani pour économiser le paiement d’indemnités à des fonctionnaires qui se tournent les pouces. – Enfin, multiplier les facilités pour attirer les investissements dans les secteurs productifs du pays. Le chef de l’État relève pour sa part la nécessité de traiter le dossier économique de manière réaliste et rationnelle. En profitant de l’expérience des pays qui ont passé par les mêmes épreuves et ont pu s’en sortir. Il insiste sur les éléments suivants : – Éradication du gaspillage sous toutes ses formes. – Réorientation des dépenses. – Abolition de la routine bureaucratique, simplification des formalités et modernisation des législations. – Promotion bien étudiée des potentiels effectifs du pays. – Traitement du dossier des biens domaniaux maritimes. – Rééquilibrage des droits et des obligations entre les citoyens et l’État. Le ministre des Finances, M. Fouad Siniora, met l’accent sur la gravité de la situation, sur la nécessité de la traiter avec un sens élevé des responsabilités. C’est-à-dire la nécessité pour les Libanais de consentir des sacrifices, d’accepter de bon cœur les mesures draconiennes que le gouvernement est appelé à prendre. Et de comprendre aussi que la confiance, élément-clé de toute réussite, passe par la démocratie comme par le respect des libertés. L’ensemble des appréhensions, des remarques et des idées qui précèdent devrait conduire, selon des spécialistes, à une relecture du projet de budget lors du débat à la Chambre. Pour que les mesures adoptées soient soutenues de tous et ne provoquent pas de frictions entre les pôles du pouvoir. Ou entre les différents acteurs de la vie économique (et sociale) nationale. Il est évident, notent ces mêmes sources, que le Parlement ne doit pas oublier que rien ne peut se faire sans une réforme en profondeur de l’Administration, condition sine qua non de tout assainissement des finances publiques, comme de la relance de la croissance. Cependant, ces mêmes experts tiennent à souligner que si les temps difficiles sont encore loin d’être révolus, le Liban ne risque pas l’effondrement économique ni la faillite financière. Ils rappellent en effet que les virements des émigrés se traduisent en centaines de milliards de LL ; que les avoirs des Libanais à l’étranger sont évalués à quelque quarante milliards de dollars susceptibles d’être rapatriés en partie dans le climat international actuel, notamment du côté de la Bourse ; et que le secteur bancaire local reste l’un des plus solides du monde, de l’aveu du FMI. L’augmentation éventuelle des dépôts permettrait à ce secteur de mieux voler au secours de l’État. Il n’est pas étonnant dès lors de voir M. Siniora tresser une couronne de lauriers aux banques de la place, en déclarant que ce secteur «a su prouver, tout au long des années sombres, un admirable savoir-faire», ajoutant : «Actuellement, des Arabes et des Libanais qui ont placé leur potentiel financier ailleurs prospectent le marché local en vue de s’y installer». Il faut l’espérer.
En matière d’économie, on le sait, tout est lié puisque tout est question de confiance comme de normalité. À première vue, le sommet de la francophonie n’a que peu de choses à voir avec le traitement de la récession dont souffre ce pays. Mais pour les organismes professionnels locaux, il constitue un indice important et son report signifierait sans doute un surcroît de...