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Actualités - CHRONOLOGIES

Un rêve fou niché au cœur des Black Hills - Taillé dans le granit, Crazy Horse défie l’oubli

C’est un rêve fou, né de la rencontre d’un peuple en lutte contre l’oubli et de l’acharnement obstiné d’un sculpteur hors du commun : tailler dans le granit la plus grande statue du monde, celle du chef indien sioux Crazy Horse. Niché au cœur des Black Hills, les «collines noires» du Dakota du Sud, le mémorial de Crazy Horse est un monument encore largement inachevé : après 53 ans de travail et neuf millions de tonnes de roches déblayées, seul le visage, haut de 26 mètres, du chef indien est aujourd’hui terminé. L’entreprise est prométhéenne, à la mesure de ce que sera le résultat final : un monolithe colossal, plus grand que les pyramides d’Égypte : 171 mètres de haut pour 195 m de long. «Je voulais dire l’histoire des Indiens et le mal que leur a fait l’homme blanc», expliquait le sculpteur Korczak Ziolkowski, avant sa mort en 1982. Tout commence en 1939 quand le vieux chef indien Henry «Ours Debout» lui demande d’ériger un monument à la gloire des Amérindiens : «Les autres chefs et moi-même voudrions que les hommes blancs sachent que les peaux-rouges aussi avaient de grands héros». Le site s’impose de lui-même : les «Blacks Hills», terres sacrées des Sioux, dont ils furent chassés par les chercheurs d’or et l’armée à la fin du 19e siècle. Le chef des Sioux oglalas Crazy Horse (Cheval Fou) est retenu car il symbolisait mieux qu’un autre la défense de son peuple et l’esprit de résistance face à l’homme blanc. Korczak réalise un modèle réduit allégorique – il n’existe pas de photographie du chef indien – dépeignant le guerrier au visage altier sur son étalon, le bras tendu, pointant du doigt les collines alentour. «Sa main gauche tendue vers le lointain est une réponse à la question dérisoire posée par l’homme blanc : où sont vos terres maintenant ? À quoi il répond : “Mes terres sont là où mes morts gisent enterrés”», expliquait Korczak au début du projet. Le premier dynamitage de la montagne a lieu en juin 1948. Longtemps, il travaille seul avec un burin pour insérer les bâtons de dynamite dans la roche. Lorsqu’enfin il peut s’acheter un vieux compresseur, il attaque le granit au marteau-piqueur. Le manque d’argent, le froid, la neige, les blessures ralentissent les travaux. À sa mort, en 1982, le projet est à peine ébauché. Sa veuve, Ruth, et sept de leurs dix enfants décident de poursuivre son rêve. «Les gens demandent souvent quand la statue sera achevée. Cela dépendra des moyens financiers et de la météo mais, finalement, cela importe peu. Ce qui compte c’est que le projet continue d’avancer», lance Ruth, 75 ans, présidente de la Crazy Horse Memorial Foundation. Korczak a toujours refusé l’argent public. Le projet est entièrement financé par les donations et les tickets d’entrée du million de visiteurs par an. Sur le chemin terreux qui monte au sommet, bulldozers et pelleteuses vont et viennent dans un incessant ballet parmi les pins et quelques bouquetins blancs. Une dizaine d’ouvriers s’échinent sur la montagne. Le prochain objectif est de tailler la tête du cheval, haute comme un immeuble de 22 étages. Le travail d’ingéniérie est lent, d’une remarquable précision. La dynamite est l’instrument de choix pour le gros œuvre. La taille finale est réalisée au fil explosif, les détails à la torche ou à la main. À 1,5 km de là, en contrebas, les visiteurs massés au centre d’accueil écoutent le compte à rebours. Cinq, quatre, trois, deux, un... Feu ! Une lourde explosion déchiquète le flanc ocre de la montagne. «Nous avons retiré 166 tonnes de roches !», se félicite Ruth Ziolkowski. Un sourire fend son visage buriné, comme une nouvelle victoire épique sur le granit et l’oubli.
C’est un rêve fou, né de la rencontre d’un peuple en lutte contre l’oubli et de l’acharnement obstiné d’un sculpteur hors du commun : tailler dans le granit la plus grande statue du monde, celle du chef indien sioux Crazy Horse. Niché au cœur des Black Hills, les «collines noires» du Dakota du Sud, le mémorial de Crazy Horse est un monument encore largement inachevé : après 53...