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Actualités - BIOGRAPHIES

Un milliardaire qui se veut homme providentiel

Il a beau être déjà l’homme le plus riche de Thaïlande, Thaksin Shinawatra avait encore un objectif dans la vie : devenir Premier ministre – son ambition de toujours – et surtout le rester, après avoir été accusé de malversations financières. Il a été acquitté de justesse vendredi par la Cour constitutionnelle, ce qui lui permet de sauver sa carrière politique. Milliardaire se disant l’ami des pauvres, brasseur d’affaires au discours antilibéral, M. Thaksin accumule les paradoxes. Il est devenu le «patron» de la Thaïlande avec un mandat populaire sans précédent. Le «Thai Rak Thai» (Les Thaïs aiment les Thaïs), la machine électorale qu’il a créée de toutes pièces en 1998, a réussi début janvier le score le plus haut jamais obtenu par un parti. Il a rassemblé autour de lui une coalition des plus hétéroclites, des intellectuels gauchisants aux sénateurs les plus conservateurs. Les petits paysans, à qui il a promis monts et merveilles (c’est-à-dire un moratoire de trois ans sur leurs dettes), l’attendent comme un nouveau Robin des bois. Tout comme ces dynasties d’hommes d’affaires sino-thaïlandais – lui-même est d’origine chinoise –, classe influente s’il en est, qui tenaient jusqu’à la crise de 1997 les rênes de la banque, du commerce et de l’industrie. Elles comptent maintenant sur lui pour freiner les privatisations qui, accusent-elles, livrent la Thaïlande (et leurs intérêts) aux Occidentaux. M. Thaksin a promis de gouverner tel un chef d’entreprise «moderne», qui imposera le style et l’efficacité des conseils d’administration à une bureaucratie corrompue et méprisée. Pourtant, l’ancien policier, qui a démissionné en 1987 pour se lancer dans les affaires, n’a rien d’un parangon du libéralisme. Il a commencé par faire fortune en obtenant le monopole de la vente d’ordinateurs aux entreprises d’État dans les années 1980. Le groupe Shinawatra (téléphonie mobile et communications satellitaires) qu’il a fondé détient d’ailleurs une bonne part des franchises gouvernementales pour opérer dans le secteur. M. Thaksin assume sans état d’âme l’étiquette de «populiste» dont on l’affuble. «Si l’étiquette de “populiste” me va bien, ça ne me gêne pas de la porter», a-t-il confié à un quotidien en promettant d’améliorer le sort des laissés-pour-compte de la société. «Nous avons adopté le capitalisme, la mondialisation, mais sans aider les groupes concernés à accepter les changements», a-t-il dit dans un plaidoyer quasi socialiste en faveur des paysans. Mais, en même temps, il lui faudra se concilier les bonnes grâces des milieux d’affaires étrangers, pour l’instant réservés, quand ils ne sont pas carrément hostiles, sans lesquels le développement est impossible. La presse anglo-saxonne internationale le voue aux gémonies parce qu’elle trouve son programme «étatiste» ou «passéiste». «Les critiques étrangers ne comprennent que la moitié de notre politique. Ils ne savent pas que si un fermier meurt, ce sont cent marchands qui meurent», a-t-il répondu en citant un proverbe chinois. M. Thaksin s’est présenté comme un fonceur, un «Monsieur Propre» qui va «moraliser» la vie politique, une gageure, et restaurer la prospérité évanouie avec le naufrage du «Thaitanic» en 1997. Il a notamment promis de combattre les trafiquants de drogue et leurs puissants réseaux. Mais ses ennemis l’accusent d’utiliser les mêmes vieilles combines, les mêmes vieux réseaux et privilèges pour gouverner. Grâce à son argent, il a transformé son parti en première force politique du pays, débauchant les cadres chez ses adversaires comme il est d’usage en Thaïlande, pour parvenir au pouvoir. Il y reste et remporte aujourd’hui sa plus belle victoire, plus savoureuse encore que le raz-de-marée de janvier.
Il a beau être déjà l’homme le plus riche de Thaïlande, Thaksin Shinawatra avait encore un objectif dans la vie : devenir Premier ministre – son ambition de toujours – et surtout le rester, après avoir été accusé de malversations financières. Il a été acquitté de justesse vendredi par la Cour constitutionnelle, ce qui lui permet de sauver sa carrière politique....