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Actualités - INTERVIEWS

Interview Express - L’ancien Premier ministre estime qu’aucun dialogue n’est possible sous « l’occupation syrienne » - Michel Aoun : L’opposition doit recourir à l’escalade

Le général Michel Aoun demeure fidèle à lui-même. Un personnage hors normes, inflexible sur les principes qu’il a érigés en slogan politique depuis bien des années déjà. Le général reste convaincu de la nécessité de donner des coups de pied de l’extérieur, dans la tradition des ses hommes habités par une cause qui dépasse toutes les contingences. Pour Michel Aoun, le dialogue ne saurait faire fi de la souveraineté, de l’indépendance et de la libre décision, une position sur laquelle il campe depuis bien longtemps. Pense-t-il qu’il y a eu une reprise du dialogue ? «Le manifeste de Bkerké constituait une base saine pour une position nationale. Ensuite, il y a eu une rencontre au niveau des différentes positions, mais personne n’a élevé son discours à notre niveau. Au contraire, ils ont tenté d’abaisser le nôtre. Certaines figures politiques de premier plan ont prétendu que le discours souverainiste a été lancé par M. Walid Joumblatt, semant le trouble, au niveau de ce discours, lequel reposait sur des bases saines et nationales. Après le 20 septembre, il y a eu les réunions du groupe de Kornet Chehwane, puis la publication du document, lequel ne peut être comparé le communiqué de Bkerké en raison de son attachement à l’accord de Taëf. Nous avons quitté le groupe parce qu’il a dévié de la trajectoire initiale». Il estime par ailleurs que le document du Forum démocratique «était meilleur que celui de Kornet Chehwane, mais tous ces documents n’arrivent pas à atteindre le niveau de patriotisme requis. Ils sont toujours en deçà de l’occupation syrienne, alors que nous n’avons pas de limites, pas de plafond. Nous ne pouvons admettre l’idée d’œuvrer avec un courant politique qui ne reconnaît pas, en toute sincérité, qu’il y a une occupation syrienne du Liban et que la Syrie doit programmer son retrait». Et de souligner : «Jouer sur les mots peut nous être fatal. Ce «prélude au retrait», dont ils parlent, c’est pour quand ? Tout cela, c’est de la récupération pour que le peuple libanais ne se libère pas». Pourtant Kornet Chehwane évoque le redéploiement en prélude au retrait total. Ne va-t-il pas au-delà de certaines limites ? «Non. L’opposition revendique la souveraineté, son rôle n’est pas de réclamer le dialogue avec le pouvoir. L’opposition pose ses conditions, et à partir de là, elle a recours à l’escalade. Or le pouvoir est passé outre au document de Kornet Chehwane… Que va faire cette opposition maintenant ? S’il y avait un plan d’escalade pour que le peuple libanais tout entier descende dans la rue et fasse entendre ses revendications, ça irait. Les membres de l’opposition ne sont ni en train de faire de la résistance populaire ni d’œuvrer pour l’indépendance du pays». Vise-t-il toute l’opposition à travers ses critiques ? «Toute opposition qui ne cherche pas à en finir avec l’occupation syrienne est nulle. Walid Joumblatt s’est invité chez moi. Il a dit qu’il venait me voir. Quand il est arrivé à Paris, il a changé d’avis. Il m’a posé comme condition de reconnaître Taëf. Je ne l’avais même pas invité, et il s’est mis à me poser des conditions. Vous trouvez que c’est concevable ?». S’il y a formation d’un front sur la scène politique libanaise aujourd’hui, accepterait-il d’en faire partie, indépendamment de l’accord de Taëf? «Je le répète, je ne suis pas prisonnier de certains mots, mais eux sont prisonniers de leur culpabilité vis-à-vis des Libanais, celle d’avoir été à Taëf. Ils pensent qu’ils peuvent sauver le Liban à partir de Taëf. Qu’ils admettent qu’ils ont eu tort, qu’ils ont été bernés, et qu’on en finisse avec cette histoire. Ils refusent également de parler d’occupation syrienne. Si nous n’avons pas l’audace d’appeler un chat un chat, comment allons-nous faire face à l’occupant ?». Donc, en substance, il n’y a pas de dialogue pour le général Aoun ? «Un dialogue avec qui, et dans quel but ? Sur la terminologie ? Que faut-il faire, adopter une nouvelle définition de la souveraineté, celle qu’utilise (le président de la Chambre) Nabih Berry ou (le chef des SR syriens au Liban) Ghazi Kanaan, pour l’imposer au monde entier ?», s’interroge-t-il. Le PNL ou le PSP soutiennent que votre a priori quant à Taëf n’est pas pratique ou pragmatique. Qu’en pensez-vous ? «Regardez où Taëf nous a menés. S’ils sont satisfaits de la situation actuelle, ils sont dans leur droit. Sinon, qu’ils se taisent. Leurs positions pragmatiques ont fait du pays un enfer». N’y a-t-il donc personne dont il juge le discours satisfaisant ? «Nous tenons un discours souverainiste clair. Celui qui veut l’adopter est le bienvenu. Nous sommes contre le compromis sur la souveraineté, l’indépendance et la libre décision. Je suis prêt à rencontrer tout le monde, à condition qu’une fois d’accord sur quelque chose, ils n’aillent pas parlementer pour savoir s’ils vont pouvoir signer ou pas». Et de relever son «respect pour le Dr Albert Moukheiber, le seul à avoir conservé un discours national». La souveraineté « volée » Pense-t-il toujours que le redéploiement de l’armée syrienne est un «grand mensonge» ? «C’est un bon terme pour qualifier cette initiative. Que les Syriens commencent par annoncer eux-mêmes qu’il s’agit d’un redéploiement en prélude au retrait». Pense-t-il que l’armée syrienne va se retirer du Liban ? «S’il y a un soldat en poste à Masnaa, cela veut dire que l’armée syrienne est encore au Liban. Il faut que la Syrie cesse son occupation du Parlement, du palais de Baabda et du palais Bustros. Par contre, cela ne nous gêne pas que des soldats syriens soient postés au Liban pour des raisons stratégiques». Il n’y a donc pas, selon lui, de possibilité de rééquilibrer les relations libano-syriennes ? «Non. Qu’est-ce que c’est que ce chef qui affirme que c’est la Syrie qui a rétabli la souveraineté du Liban. Mais enfin, qui nous a volé notre souveraineté ? L’armée syrienne. S’il ne sait pas ce qu’est la souveraineté, comment dialoguer avec lui ?». Quel avenir, selon lui, si la question du rééquilibrage des relations libano-syriennes n’est pas réglée ? Peut-on imaginer un scénario-catastrophe ? «La catastrophe s’est produite. Il faut préparer un scénario de salut, notamment au plan économique. À mon avis, l’entente politique est à la base de tout. Mais l’obstacle principal, c’est que le dialogue est interdit à Beyrouth». Ne préférerait-il pas rentrer au Liban pour prendre les commandes de son courant ? «Mon retour est important, mais il se fera dans le cadre de circonstances que je définirais moi-même. Quand ces circonstances se mettront en place, je reviendrai. Et qui sait, mon retour va peut-être créer la surprise». Quel message aimerait-il adresser aux militaires pour la fête de l’armée ? «Je ne célèbre pas cette fête et je les appelle à en faire de même. Il ne s’agit pas d’une fête, mais d’une commémoration. Nous fêterons le Liban quand l’armée aura, seule, rétabli sa souveraineté sur l’ensemble du territoire, notamment au Liban-Sud et dans les camps palestiniens et qu’elle n’appliquera plus les ordres de l’occupant». Et de conclure : «Après le retrait syrien, un seul mot nous permettra de nous réunir». Intransigeance, pugnacité toujours de mise, donc. Rien ne pourrait mieux définir le général aujourd’hui que ce vers extrait du «Cygne» de Mallarmé : «Tel qu’en lui-même un jour l’éternité le change»…
Le général Michel Aoun demeure fidèle à lui-même. Un personnage hors normes, inflexible sur les principes qu’il a érigés en slogan politique depuis bien des années déjà. Le général reste convaincu de la nécessité de donner des coups de pied de l’extérieur, dans la tradition des ses hommes habités par une cause qui dépasse toutes les contingences. Pour Michel Aoun,...