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Actualités - REPORTAGES

La « cuisine » chimique de l’atmosphère : une recette compliquée

Pour mieux comprendre le phénomène de la pollution de l’air, il convient de connaître les moindres rouages de l’atmosphère. «Il est intéressant de parler de l’atmosphère parce que c’est là que montent les polluants et que se passe toute la “cuisine” chimique», dit Robert Hanna, auteur de l’ouvrage L’environnement et la pollution de l’air. Au niveau de chaque couche se déclenche un type différent de réactions chimiques. On peut en distinguer quatre dans l’atmosphère : la troposphère, la plus proche, s’étend jusqu’à douze kilomètres au-dessus du niveau de la mer. Elle contient environ 85 % des gaz de l’atmosphère. La température y diminue progressivement, jusqu’à atteindre -75 degrés. La pression y diminue également. La seconde couche est la stratosphère, qui va de 12 à 50 kilomètres. Elle contient à peu près 10 %, en poids, des gaz de l’atmosphère. La température y augmente à nouveau, pour arriver à 0 degré. Elle est suivie d’une troisième couche qu’on appelle la mésosphère, qui va jusqu’à 87 kilomètres, avec une température qui tombe de nouveau. La thermosphère, la couche la plus éloignée (120 kilomètres), a une température qui augmente progressivement, jusqu’à 1 000 degrés. On y trouve des ions qui jouent un rôle important dans le monde des télécommunications. «En ce qui concerne la pollution de l’air, les deux couches, troposphère et stratosphère, nous intéressent particulièrement, poursuit M. Hanna. Dans la seconde, il y a formation de l’ozone, ce gaz qui joue un rôle primordial dans l’absorption des radiations ultraviolettes qui, si elles arrivaient sur terre, rendraient la vie impossible. La troposphère, elle, contient des gaz et des polluants, et influe sur les données météorologiques». Il ajoute que les scientifiques se sont mis d’accord pour limiter leurs études à six polluants primaires ou principaux : les oxydes de carbone, les oxydes de l’azote, les oxydes du soufre, le plomb, les substances organiques volatiles, les matières particulaires (particules extrêmement fines, de tailles différentes, visibles ou invisibles à l’œil nu, comme la poussière par exemple). Des cocktails explosifs Les oxydes de carbone se divisent en monoxyde (CO) et dioxyde de carbone (CO2). Le CO provient de la combustion incomplète de tout composé contenant du carbone. Il est très toxique, d’autant plus qu’il est insipide, incolore, inodore. «Beaucoup de décès dus à l’empoisonnement par une absorption excessive de CO sont enregistrés dans les pays où l’on emploie ce composé pour l’usage domestique», révèle M. Hanna. Le CO2, pour sa part, est le produit ultime de toute combustion d’un composé à base de carbone. C’est ce qui se passe dans la majorité des cas. Ce gaz est considéré comme un polluant, bien que non dangereux pour la santé, mais jouant un rôle primordial dans le réchauffement global. Les oxydes de l’azote, NO et NO2, sont produits principalement par la combustion de l’essence dans les véhicules. Le NO2, un gaz dangereux oxydant, affecte les voies respiratoires. Combiné avec le SO3 (oxyde de soufre), il a eu une action néfaste pour les forêts en Allemagne, en France et en Angleterre. Un traité international a dû être signé pour limiter les émissions dans l’air de ces deux gaz. Chaque cinq ou six ans, de nouvelles limites, toujours plus basses, sont fixées, afin de minimiser encore plus leur action. Pour ce qui est du SO3, il ne se forme généralement que dans les stations de combustion fixe, c’est-à-dire dans les centres de production d’énergie, parce que ces stations-là utilisent du fuel contenant du soufre. Son action est néfaste autant pour la santé des humains que pour celle des végétaux. «À la centrale de Zouk, la situation était catastrophique quand on brûlait un fuel qui contenait 2,5 % de soufre, ajoute-t-il. La teneur de SO3 dans l’atmosphère était de 600 microgrammes par mètre cube, soit presque le double de ce qui est admis aux États-Unis. Or ce pays est particulièrement tolérant en ce qui concerne la teneur en SO3 par rapport aux pays européens ! Cela est dû au fait que les Américains produisent de l’énergie en brûlant du charbon. Ils sont donc soucieux de protéger leur industrie». Heureusement, aujourd’hui le fuel utilisé à la centrale de Zouk ne contient plus que 1 % de soufre. L’État se propose de le remplacer par du gaz naturel de Syrie. «Le problème serait résolu», estime M. Hanna. Quelle est la teneur de SO3 dans l’atmosphère actuellement, avec la baisse du taux de soufre dans le fuel ? «Je pourrais vous donner des chiffres légèrement supérieurs à ceux des États-Unis, mais ils ne voudront rien dire parce que les mesures ne sont pas constantes et donc pas très rigoureuses», fait-il remarquer. Plomb : moins d’assimilation chez les jeunes Le plomb est un autre de ces polluants dangereux, puisqu’il affecte la santé et, qui plus est, limite la capacité d’assimilation chez les jeunes. Il provient de deux sources : les usines de piles et de batteries, et l’essence avec plomb dans les moyens de transport. Quand il est absorbé par l’organisme, il peut se déposer sur les os sous forme de phosphate de plomb. Toutefois, le calcium prend la place du plomb dans le phosphate, ce qui oblige le premier à intégrer les tissus du corps, où il exerce une plus grande nocivité. Il existe plusieurs solutions au problème du plomb : on peut tout d’abord inciter les automobilistes à acheter des voitures fonctionnant sur l’essence sans plomb. Selon M. Hanna, une étude faite à Lille en France, commencée en 1984, a fourni les résultats suivants : on a comparé une rue fréquentée par trente mille voitures/jour, et une autre par dix mille. Dans une première étape, la différence en teneur de plomb entre les deux rues était très importante. Au fil des années, cette différence s’est atténuée jusqu’à disparaître en 1991. Pourquoi ? De plus en plus de voitures roulent à l’essence sans plomb. D’autre part, le gouvernement français a réduit le taux de plomb dans l’essence. «Avec le temps et des mesures strictes, la pollution par le plomb deviendra une histoire du passé», affirme M. Hanna. «De plus, poursuit-il, les conducteurs sont sensibilisés au problème, sans compter que la différence de prix entre une voiture fonctionnant à l’essence sans plomb et une autre est négligeable. Le pot catalytique dont sont munies ces voitures élimine à la fois la pollution par le plomb, par le CO, par le NO et par les hydrocarbures. L’État libanais devrait donc soit inciter l’automobiliste à l’achat de ces voitures, soit interdire l’importation de véhicules sans pot catalytique, ou du moins donner à l’essence sans plomb un prix préférentiel». Pour les composés organiques volatiles, ils ont tendance à passer plus ou moins rapidement de l’état liquide à l’état gazeux. Ils sont dangereux parce qu’ils ne sont pas supposés être respirés, et qu’ils le sont incidemment, comme l’éthylène dans les hôpitaux par exemple, ou les substances à base de CFC utilisées dans les teintureries, etc. Comment se prémunir contre ces polluants dangereux ? «La Nasa a demandé à un ingénieur de trouver le moyen d’éliminer, à l’aide de plantes, les polluants concentrés dans les capsules spatiales, raconte M. Hanna. Il a fait un constat formidable : des plantes, tel le banal philodendron trouvé dans toutes les maisons, venaient à bout d’une grande concentration de polluants !». Enfin, les matières particulaires sont composées de substances chimiques dont la taille peut varier. Depuis 1983, les scientifiques se sont intéressés aux particules désignées par PM10 (c’est-à-dire dont la taille ne dépasse pas 10 microns). De taille infiniment réduite, celles-ci restent plus longtemps dans l’atmosphère que les plus grosses, qui tombent rapidement au sol. D’autre part, les particules plus grandes sont arrêtées par les fosses nasales, alors que les autres sont absorbées par les poumons, s’y accumulent et provoquent une perte d’immunité chez l’individu qui tombe finalement malade. Le diesel dégage une grande quantité de ces particules, surtout celui utilisé au Liban, parce qu’il est de mauvaise qualité. Parmi ces particules dangereuses, les redoutables «aiguilles» de l’amiante bleu, qui se logent dans les poumons sans être éliminées par le corps. «Bien d’ouvriers à l’usine de Chekka s’en sont plaints», souligne M. Hanna. D’autres polluants, comme l’ozone lorsqu’il se trouve dans la troposphère, sont à prendre en considération. Ce gaz, à l’action si indispensable pour arrêter les radiations ultraviolettes, devient dangereux et oxydant pour les humains et les animaux en cas d’inhalation. Il affecte également la production agricole. Il se forme dans la troposphère par l’action conjuguée des oxydes d’azote, des rayons du soleil et des hydrocarbures, donc par une réaction chimique. En d’autres termes, c’est la pollution qui rend la formation de l’ozone possible en si basse altitude.
Pour mieux comprendre le phénomène de la pollution de l’air, il convient de connaître les moindres rouages de l’atmosphère. «Il est intéressant de parler de l’atmosphère parce que c’est là que montent les polluants et que se passe toute la “cuisine” chimique», dit Robert Hanna, auteur de l’ouvrage L’environnement et la pollution de l’air. Au niveau de chaque...