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Actualités - CHRONOLOGIES

REGARD - La céramique contemporaine au Liban (2/3) - L’Énergie du mouvement

Groupant les œuvres de 20 artistes, une importante exposition de céramiques , la première en son genre au Liban, a ouvert ses portes, vendredi soir, 22 juin. Elle se tiendra jusqu’au 25 juillet, au Lee Observatory Building, à l’AUB. (Voir le numéro de L’Orient-Le Jour daté du 25 juin pour l’article précédent). La cuisson elle-même pose un certain nombre de problèmes. Et d’abord, quel type de procédé choisir ? Un four électrique, à gaz, à bois, un simple tonneau ou un trou en terre rempli de copeaux et de sciure, de branchages plus ou moins secs, de fumier, etc. ? L’option retenue dépend en dernier ressort du résultat recherché, du savoir-faire, de l’expérience du céramiste. Halim Mahdi passait des journées entières à alimenter en bois et autres combustibles des fours invraisemblables improvisés par lui en pleine nature, expérience qui lui permet aujourd’hui de procéder pendant des semaines, dans son université hollandaise, à la cuisson d’une maison d’argile entière, en bonne et due forme. Alchimiste, chimiste, géologue Le cycle entier le l’enfournement peut prendre un temps très long si les pièces exigent de hautes températures. On peut risquer un choc thermique générateur de fissures, craquelures, brisures et autres désagréments en chauffant, mais aussi en refroidissant trop vite. Ou encore en ne veillant pas à la constance ou à la régularité de hausse et de baisse de la température avec une vigilance de tous les instants. H. Mahdi finit ainsi par passer ses jours et ses nuits près du four, incapable de s’en éloigner d’un pas. Cela est vrai pour la première cuisson comme pour les suivantes. Après le biscuit – terre cuite, grès ou porcelaine pure –, il faut décorer et émailler. Dans certains cas, il est possible de décorer à cru et d’enfourner une seule fois. Là aussi, le céramiste peut aller au devant de surprises. Les engobes à base de frittes et les glaçures à base d’oxydes métalliques (cuivre, fer, chrome, manganèse, titane, etc.) sont généralement blanchâtres ou brunâtres, sans rapport avec les couleurs définitives qui ne seront fixées et donc visibles qu’à l’issue de la deuxième ou de la énième cuisson, selon la complexité de la décoration et des effets de textures recherchés. Cette deuxième cuisson peut déraper si le céramiste se trompe dans l’alimentation en oxygène dont la réduction transforme les couleurs, par exemple le vert de l’oxyde de cuivre en rose, et dont la réduction maximale, jusqu’à enfumer les pièces, donne du gris ou du noir. Malgré tous les efforts, les émaux peuvent couler avec des effets parfois heureux, parfois désastreux. Une cuisson à basse température, vers 600-700 degrés centigrades, donne des émaux brillants vivement colorés sur terre cuite, une cuisson autour de 1 000 degrés, des émaux assourdis sur grès, et au-delà de 1 300 degrés, des émaux vitrifiés sur porcelaine. Dans tout cela, l’erreur est encore possible, et donc la marge de jeu et d’invention. Si le céramiste est une sorte d’alchimiste obligé de monter la garde près de l’athanor, c’est aussi un chimiste qui doit connaître les secrets des transformations siliceuses, des oxydes métalliques extraits des roches. Il doit donc aussi être une sorte de géologue, au fait des diverses sortes d’argiles brunes, rouges, grises, et de terres blanches. Parcours du combattant Cette connaissance de la terre, qui devient plus intime lors de la manipulation de la motte (parfois une véritable lutte, la moindre pression des doigts, la moindre poussée des muscles s’imprimant immédiatement dans la pâte et infléchissant la forme naissante), le met en relation avec le cosmos et ses éléments : l’eau sans laquelle l’argile ne serait pas malléable; l’air dont il a fallu expulser les bulles, qui remplira le vide autour duquel le vase se développe et qui permettra la combustion avec ses possibilités d’oxydation et de réduction ; le feu dont l’action solidifie la pâte, rend permanente la forme et fixe la couleur, rendant la céramique quasiment éternelle, sauf brisure accidentelle ou délibérée. Plus qu’aucun autre art, le processus céramique est un parcours du combattant, semé d’obstacles, d’embûches, de sacrifices et d’échecs, avant le succès final. C’est dire que l’élire comme métier ou même comme hobby relève d’une véritable vocation, d’autant plus que la rémunération est rarement à la hauteur du temps, de l’argent et des efforts investis. Et pourtant le céramiste, même celui qui se contente de variations sur le thème immémorial des objets utilitaires, est un sculpteur qui meuble l’espace à sa manière, invitant à la fois la vue et le toucher à suivre, palper et caresser l’énergie du mouvement figée dans les galbes et les volumes ; et un architecte qui crée et organise les rapports changeants entre espaces internes et espaces externes, corps solide et corps subtil, vide et plein, ombre et lumière. Il est question de récipients alors que l’exposition illustre la forte dérive des céramistes libanais vers la création d’objets non fonctionnels, d’objets purs, vers le bas-relief, le panneau décoratif ou narratif (Nuha al-Radi, Samir Mûller, Joumana Sayegh), la sculpture en ronde-bosse (Salwa Rawda Choucair, Dorothy Salhab Kazimi, Nada Raad, Simone Fattal, Rita Awn, Samar Mogharbel, Halim Mahdi, Imad Issa, Najwa Nahas), voire l’installation (Imad Issa, Samar Mogharbel). C’est dire qu’ils s’inscrivent dans la droite ligne du mouvement de réévaluation et de rénovation de la céramique qui a marqué la deuxième moitié du XXe siècle. Mais, bien entendu, même ceux qui préfèrent travailler sur les récipients de base (May C. Abboud, May Nicolas Abboud, Joseph Abi Yaghi, Nicole Bersuder, Michèle Kamel, Nathalie Khayat, Élie Kattar, Amal Mouraywed) le font d’une manière personnelle, innovante : massivité trapue des vases et bouteilles de E. Kattar ; austère linéarité à ras de table ou de sol, dans l’esprit zen, des veilleuses, lampes à huile et tabourets bas de N. Khayat ; pots animalo-géométriques à arêtes droites et courbes et surfaces sèches granulées de M. Kamel ; expériences raffinées sur les pâtes, les textures, les glaçures de J. Abi Yaghi, fasciné par les grands formats et dont les distinctions et prix remportés au Salon d’automne du musée Sursock, ces dernières années, ont amorcé un nouvel intérêt du public libanais pour la céramique d’art dont la présente exposition est à la fois l’expression et la consécration ; coupes simples mais bien façonnées et émaillées de N. Bersuder ; vases lourds aux émaux brillants, jouant sur les relations entre la régularité et l’irrégularité des formes dans la même pièce de May N. Abboud et May C. Abboud ; objets élégants, gracieux, féminins, aux textures, couleurs et décorations recherchées de A. Mouraywed. (à suivre)
Groupant les œuvres de 20 artistes, une importante exposition de céramiques , la première en son genre au Liban, a ouvert ses portes, vendredi soir, 22 juin. Elle se tiendra jusqu’au 25 juillet, au Lee Observatory Building, à l’AUB. (Voir le numéro de L’Orient-Le Jour daté du 25 juin pour l’article précédent). La cuisson elle-même pose un certain nombre de problèmes. Et...