Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

Najdé : « Manifestations jusqu’à l’application d’une solution équitable »

Les taxis au Liban sont actuellement au nombre de 33 500, dont 27 000 environ fonctionnent au mazout, comme la totalité des 4 000 minibus et des camions, et environ 1 500 bus (ils sont 2 000 en tout). C’est en 1994 que le Parlement adopte la loi n°368, celle qui permet aux camions et aux bus d’employer le diesel. Quant au projet relatif aux plaques d’immatriculation publiques, il date de 1995, et il a résulté dans l’augmentation du nombre de taxis de 10 640 à plus de 33 000, sans compter les permis accordés aux 4 000 minibus, à plus de mille bus et à plus de 7 500 camions, fonctionnant pour la plupart au mazout. «Les minibus, eux, font partie de compagnies qui appartiennent, pour la plupart, à des députés et des ministres», soutient Abdel Amir Najdé, président du syndicat des chauffeurs du transport public. «D’où le fait que l’usage du mazout, dans ce genre de véhicule, a été légalisé dès le début, et que le délai qui leur a été accordé pour passer à l’essence n’expire qu’en 2003». Pour les taxis, le diesel (de quelque qualité qu’il soit) n’a jamais été légalisé. «J’ai rencontré le président de la Chambre, Nabih Berry, en 1997, et il m’a demandé de préparer un projet de loi visant à rendre l’usage du mazout légal pour les taxis, révèle M. Najdé. Nous avons présenté un projet qui a été approuvé en Conseil des ministres en 1998, mais jamais adopté au Parlement. Cependant, comme les chauffeurs passaient par une crise économique aiguë, ils ont acquis tout de même des moteurs à mazout, parce que ce carburant est moins cher et qu’il couvre plus de kilomètres que l’essence (pour la même quantité)». «Il faut préciser, ajoute-t-il, que l’environnement ne nous importe pas moins que les autres. Mais même le président du Conseil admet que la pollution n’a pas que les taxis pour source : les carrières, les égouts, les bus, les camions, etc. Sachant que le diesel est aujourd’hui employé dans le transport public partout au monde, nous avons suggéré que des moteurs à diesel modernes et respectueux de l’environnement, disponibles en Europe, soient importés. L’État pourrait alors nous aider à acheter des voitures, datant de 1993 ou 1994, ce qui résoudrait les deux problèmes d’un coup. Malheureusement, aucun responsable n’a répondu à notre appel». « Un mazout de contrebande » Donc, selon M. Najdé, la solution passe par l’importation d’un diesel répondant aux critères internationaux, «et non le mazout qu’on trouve actuellement sur le marché libanais, qui provient de la contrebande». Il ajoute : «Ce mazout n’est même pas valable pour l’industrie ou pour la production d’électricité. Or la différence de prix est minime ! De l’aveu même du ministère du Pétrole, une tonne de mazout de mauvaise qualité coûte 210 dollars, contre 215 à 230 dollars le diesel de bonne qualité». D’autre part, le président du syndicat des chauffeurs du transport public affirme que «les manifestations se poursuivront jusqu’à obtenir gain de cause». Évoquant les manifestations devant le Parlement, mardi dernier, il précise : «Nous ne sommes pas là pour soutenir tel ou tel ou pour mendier. Nous n’exigeons pas d’indemnités. Ce que nous demandons, c’est l’interdiction ou la légalisation du mazout pour tous les véhicules sans exception. Notre position restera inchangée, même si on nous emprisonne ou qu’on nous brutalise, comme ça a été la cas devant le Parlement». Le Hezbollah ayant pris position clairement mardi en faveur du mouvement des chauffeurs, à l’instar d’autres partis politiques comme le PSP, le PSNS et le Parti communiste, ces revendications n’ont-elles par été politisées ? À cette question, M. Najdé répond sans hésitation : «Nous ne sommes que des chauffeurs de taxi, quiconque appuie nos revendications est le bienvenu. Notre mouvement est foncièrement apolitique. La preuve, c’est que nous avons refusé que des syndicalistes d’autres secteurs participent à notre manifestation. Nous étions dix mille chauffeurs à nous serrer les coudes». Soulignant l’extrême tension dans laquelle travaillent les chauffeurs de taxi, il précise que le chauffeur se fait entre 25 et 35 mille livres par jour. Il dépense 5 000 pour son mazout et rentre chez lui avec 30 mille livres en poche. S’il doit débourser 25 à 35 mille livres pour l’essence, il aura travaillé pour rien ! Mais le problème ne réside-t-il pas, surtout, dans le nombre surélevé de taxis ? «Le problème existe depuis qu’un grand nombre de plaques spéciales a été mis à la disposition des chauffeurs, rétorque M. Najdé. Nous avons suggéré au gouvernement de retirer une partie de ces plaques de la circulation». Cela ne risque-t-il pas, en soi, de provoquer une nouvelle crise sociale ? «Pas vraiment, puisque plusieurs d’entre eux ont acheté ces plaques mais n’en font pas leur métier, dit-il. Il est très facile à la Caisse de sécurité sociale de recenser les personnes qui travaillent sérieusement. Ainsi, les propriétaires de plaques qu’ils louent à des chauffeurs pourront la leur vendre. D’autre part, l’État peut acheter toutes les plaques mises en vente dans le pays sans les remettre en circulation. Le nombre sera réduit automatiquement». Dans un tel contexte, selon lui, les chauffeurs de taxi ne rechigneront plus devant la perspective de se remettre à l’essence puisqu’ils gagneront mieux leur vie. Importer des moteurs à diesel performants Puisqu’ils ont des solutions toutes prêtes, avec quels responsables les ont-ils partagées ? «Nous nous sommes entretenus avec tous les responsables, du président de la République au chef du Parlement, au Premier ministre, au ministre de l’Intérieur, etc.», dit-il. «Mais ce qui se dit à l’intérieur des murs n’est jamais appliqué». Pourquoi, selon lui, hésitent-ils à appliquer des mesures qui paraissent si simples ? «À leur avis, elles ne le sont pas, répond-il. Tout ce qui leur importe c’est de nous briser. Mais ils n’y parviendront pas». Que leur reste-il donc à faire au cas où la décision d’arrêter les moteurs à mazout est appliquée d’ici à la fin du mois ? «Hier, le ministre Élias Murr a promis de ne pas exécuter cette décision dans les délais, parce qu’il se trouve dans l’incapacité de le faire, précise M. Najdé. Pour notre part, nous poursuivrons les négociations. M. Hariri nous a fixé un rendez-vous le 27 juin. Nous devrions également rencontrer le ministre de l’Intérieur la semaine prochaine». Comment un si grand nombre de moteurs à mazout de si mauvaise qualité ont-ils été introduits dans le pays ? Qui en assume la responsabilité ? «Tout d’abord, il faut préciser que ces moteurs ne sont pas agricoles, tout en n’étant pas valables pour autant, dit-il. Il existe sur le marché mondial des moteurs à diesel très performants. Or les moteurs de mauvaise qualité passent par les douanes dans des containers qui ne sont jamais inspectés et sous le label de pièces agricoles». Y aurait-il eu, par conséquent, un marché douteux dont, selon lui, les chauffeurs ont fait les frais ? «Pour ma part, j’accuse tout le monde, répond M. Najdé, refusant net de nommer qui que ce soit. Que les douanes révèlent l’identité de ceux qui trempent dans cette affaire. Elles ont une grande part de responsabilité sans nul doute». Il penche donc pour la thèse d’une complicité entre plusieurs parties ? «Je vous donne un seul exemple : au début, les chauffeurs achetaient leur moteur à 200 ou 300 dollars, poursuit-il. Quand la demande a augmenté, le prix a atteint les 1 500 dollars ! Or le coût de revient n’a pas changé dans les pays producteurs. Autre exemple : une des agences d’importation de voitures très prestigieuses a arrêté de vendre des minibus, se contentant, durant une certaine période, de mettre à la disposition des chauffeurs des moteurs et des boîtes de vitesse !». Si vous avez autant de preuves, pourquoi ne traîne-t-on pas ces gens en justice ? «Je n’ai rien de concret, rien que des paroles qui se disent devant moi lors de réunions avec les responsables», précise-t-il. Il ajoute que la vente des moteurs à mazout a débuté dès 1995. Combien coûte un moteur à essence pour un chauffeur aujourd’hui ? «Il est impossible pour nous de changer nos moteurs une fois de plus, afin qu’un autre marché douteux soit conclu à nos dépens», tranche M. Najdé. L’importation de moteurs à essence a-t-elle donc commencé ? «Nous n’avons rien remarqué encore», dit-il. Si le «bon diesel» est légalisé, peut-il garantir que tous les chauffeurs suivront les directives ? «Certainement, c’est leur unique source de revenus, répond-il. Même dans les pays européens, ce diesel est employé dans les transports en commun. Mais il faut aussi instaurer un contrôle mécanique chaque trois mois pour tous les véhicules fonctionnant au diesel». D’ailleurs, le président du syndicat plaide pour une totale réorganisation du secteur. «Pour un itinéraire qui ne peut supporter que mille voitures, il ne faudrait pas qu’il y en ait dix mille !, souligne-t-il. Preuve en est, sur n’importe quelle route, vous remarquez des voitures en surplus, contenant un ou deux passagers au meilleur des cas ! Nous avons effectué une étude que nous avons envoyé aux responsables, mais en vain ! Nous en parlons depuis 1990 !». Et de conclure : «Ils ne s’intéressent à la question que quand ils sont sous pression. Dès que les manifestations s’arrêtent, ils nous oublient».
Les taxis au Liban sont actuellement au nombre de 33 500, dont 27 000 environ fonctionnent au mazout, comme la totalité des 4 000 minibus et des camions, et environ 1 500 bus (ils sont 2 000 en tout). C’est en 1994 que le Parlement adopte la loi n°368, celle qui permet aux camions et aux bus d’employer le diesel. Quant au projet relatif aux plaques d’immatriculation publiques,...