Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIES

Droits de l’homme - Des prisons surpeuplées, des mauvais traitements et des moyens minimes - Beaucoup de promesses pour l’amélioration - du système carcéral, mais aucune action concrète

Depuis le rapport annuel d’Amnesty international, il n’est plus permis de se taire. La torture existe donc bel et bien dans nos prisons, en dépit des dénégations officielles. Les inculpés dans l’affaire de Denniyé dont le procès est actuellement en cours devant la cour de justice se sont d’ailleurs plaints au président Mounir Honein. Sans pour autant provoquer une réaction de la commission parlementaire des Droits de l’homme. Celle-ci s’est contentée d’un état des lieux superficiel sur les conditions de détention, après une visite rapide à quelques prisons. C’est que ce thème continue à être un sujet impopulaire. Et puis, il y en a tant d’autres qui mobilisent mieux les foules... Des prisons surpeuplées, des effectifs insuffisants et souvent dépourvus de la moindre formation, des moyens inexistants, on connaît les problèmes du système carcéral libanais. Mais qu’en plus, les détenus subissent des mauvais traitements, la situation est totalement intolérable. On se souvient de la fameuse mutinerie dans la prison de Roumié, il y a quelques années, et des promesses du ministre de l’Intérieur de l’époque Michel Murr, qui avait réclamé un budget spécial pour améliorer les conditions de détention dans toutes les prisons libanaises. Le budget n’a jamais été accordé, les prisonniers n’ont jamais obtenu gain de cause, mais le système policier a été renforcé pour empêcher de nouvelles mutineries. 3 900 places et 7 328 détenus Aujourd’hui, selon un rapport du ministère de l’Intérieur, il y aurait 7 328 détenus au Liban alors que toutes les prisons réunies ne peuvent en contenir plus de 3 900. Où est parqué le surplus ? Avec les autres, transformant une cellule déjà bien peu confortable en une étable dont les plus accommodants des animaux ne voudraient pas. Mais cela n’empêche visiblement personne de dormir. Dans l’indifférence générale, car tout le monde connaît le problème, tout le monde le dénonce et rien ne change. La situation est d’autant plus révoltante que, selon les enquêtes des associations des droits de l’homme, la moitié des détenus attend d’être jugée, certains pourraient donc être acquittés et ils auraient subi toutes ces souffrances pour rien. Ce sont sans doute des lacunes qui existent dans tous les systèmes judiciaires du monde, mais au Liban, elles sont trop importantes pour être passées sous silence. D’autant que cela fait des années qu’elles sont dénoncées sans qu’aucun gouvernement ne se décide à réagir. Des promesses sont lancées, un programme de réformes est établi et l’affaire retombe dans l’oubli, les députés passant à un thème plus juteux et sans doute plus utile. Chaque ministre de la justice décide de faire sa propre étude et en attendant qu’elle soit achevée, le gouvernement change. Le même scénario se reproduit, et le moment de passer à une action concrète n’arrive jamais. Lorsqu’on cherche à relancer les députés, ils concèdent tous que la situation est anormale, voire inacceptable, mais ajoutent qu’en raison de la crise économique actuelle, les citoyens préféreraient que leur propre situation soit améliorée au lieu de songer aux conditions de détention des prisonniers. Des problèmes insolubles Selon certaines ONG, des efforts louables ont été accomplis, grâce notamment aux contributions de certaines associations humanitaires. Les détenus peuvent désormais apprendre l’informatique et se livrer à certaines activités manuelles. De même que dans une tentative de donner à la prison un petit air glamour, le mariage de Oumayya Abboud et le détenu japonais Masao Adachi (rapatrié depuis dans son pays) avait été autorisé à Roumié, mais toutes ces démarches, aussi intéressantes soient-elles, ne peuvent pas cacher le vrai problème : en mars 1999, il y avait à la prison centrale de Roumié 2 900 détenus. En mars 2001, ils sont devenus 4 760. Comment, dans ce cas, peuvent-ils espérer vivre dans des conditions acceptables ? Quand on pense que sur les 7 328 détenus dans les prisons libanaises, seulement 2 350 sont jugés et purgent leurs peines, on saisit mieux l’ampleur de l’injustice qui règne sur le système carcéral libanais. Comment la dépasser ? En augmentant le nombre de magistrats. Ils sont aujourd’hui 350 alors qu’ils devraient être 510. Depuis la fin officielle de la guerre, le problème est le même et les rares tentatives de solution n’ont pas réussi à combler les lacunes au sein de la magistrature, malgré l’amélioration des conditions matérielles des juges. On en est donc toujours au même point, les magistrats sont débordés, les dossiers sont en attente et les prévenus croupissent dans les prisons. Il a été question, à l’arrivée du gouvernement Hariri, d’adopter une nouvelle politique judiciaire, visant à réduire au maximum la détention préventive, pour ne l’utiliser que lorsque la liberté du prévenu menace réellement la sécurité de l’enquête. Il avait aussi été question de revoir les dossiers des prévenus arrêtés pour relâcher ceux dont le délit est mineur en attendant l’ouverture de leur procès. Toutes ces bonnes intentions ne se sont jamais concrétisées et, au Liban, on peut passer des mois en prison pour un chèque sans provision, en attendant la condamnation qui ne dépasse pas en principe les trois mois de détention... Amnesty dénonce le procédé du « Farrouj » En dépit des bonnes paroles et des promesses, notamment de la part de la commission parlementaire des droits de l’homme qui a brusquement décidé de faire une tournée dans les prisons avant de rédiger un rapport sur l’état des lieux, dénonçant le surpeuplement carcéral et s’engageant à agir rapidement sans chercher à aller plus loin. Pas un mot bien sûr des tortures. Ce sujet demeure tabou et n’était le dernier rapport annuel d’Amnesty international, on pourrait croire qu’elles sont inexistantes au Liban et il rare d’obtenir des témoignages sur le sujet. Pourtant, au cours du procès des inculpés dans l’affaire des incidents de Denniyé, l’un d’eux a évoqué publiquement les traitements que lui et ses compagnons subissent régulièrement. Le fait a été rapporté, mais n’a provoqué aucune réaction. Seule Amnesty a poussé un peu plus loin son enquête, faisant état de tortures électriques et de coups sur les personnes arrêtées, par les membres de la police judiciaire. Le rapport d’Amnesty parle aussi du fameux procédé dit du poulet (Farrouj), où la personne arrêtée est attachée à un bâton de métal, comme un poulet en brochette. L’association a réussi à obtenir le témoignage d’une inculpée sur les coups qu’elle aurait reçus avant l’ouverture de son procès. Mais Amnesty relève surtout les mauvais traitements subis par les étrangers en situation illégale au Liban, notamment dans les anciens locaux de la prison de la Sûreté générale à Furn el-Chebbak. Ces témoignages ne sont peut-être pas véridiques à cent pour cent, mais personne n’a pris la peine de réclamer l’ouverture d’une enquête ou simplement de chercher à les vérifier ou à les infirmer. C’est dire que toutes les déclarations de bonnes intentions ne servent au Liban qu’à se donner bonne conscience, mais la situation des prisons reste le dernier souci des responsables et des parlementaires. Avec la propension de certains magistrats à user et abuser de la détention préventive, ils devraient pourtant s’y intéresser de plus près...
Depuis le rapport annuel d’Amnesty international, il n’est plus permis de se taire. La torture existe donc bel et bien dans nos prisons, en dépit des dénégations officielles. Les inculpés dans l’affaire de Denniyé dont le procès est actuellement en cours devant la cour de justice se sont d’ailleurs plaints au président Mounir Honein. Sans pour autant provoquer une...