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Actualités - CHRONOLOGIES

Justice - L’interminable affaire Batal - Procès symbolique pour la défense des droits fondamentaux

Cela fera plus d’un an que l’affaire Kamal Batal, directeur de Mirsad, une ONG de défense des droits de l’homme, traîne dans les coulisses du tribunal militaire. Ce militant, dont le crime le plus redoutable a été celui d’avoir rempli son rôle, à savoir «défendre la liberté d’expression et le droit à l’information privée», se bat contre des moulins à vent. En effet, les accusations qui sont portées contre lui, d’abord, par la cour d’appel, ensuite par la Cour de cassation, restent, jusqu’à ce jour, infondées. Pire encore, hier, lors de la dernière audience, le président de la cour de cassation n’a rien trouvé de mieux que d’annoncer que le procès a été reporté au 17 juillet prochain, afin que la Cour puisse trouver matière juridique sur la base de laquelle elle pourra reformuler son acte d’accusation ! «La preuve d’une accusation qui n’est même pas définie nous incombe», affirme Me Mohammad Moghrabi, l’avocat de défense de Kamal Batal et président de Mirsad. «La défense ne sait pas à quoi elle doit faire face et on ignore jusqu’à ce jour les chefs d’accusation portés contre le prévenu», poursuit l’avocat sur un ton ironique. Pour Me Moghrabi, il s’agit non seulement d’une aberration juridique, puisqu’il n’existe pas pour l’instant d’accusation, mais, selon lui, il n’existe même pas de cas. «Le procureur général ne nous a jamais posé la question de savoir qu’a fait l’inculpé». Me Moghrabi rappelle bien sûr que Kamal Batal était, à l’origine, accusé de distribution de tracts portant atteinte à la réputation de la brigade des mœurs. Or M. Batal n’a jamais été au courant de ce tract qui, selon l’avocat, est falsifié. Par ailleurs, dans l’acte d’accusation initial, le tribunal s’était basé sur l’article 157 du code militaire, un code que la Cour de cassation a fini par écarter le 22 février dernier, car ne s’appliquant pas au cas en question. Mais il faudrait peut-être remonter un peu dans le temps pour essayer de comprendre un tant soit peu les méandres de cette affaire, et surtout essayer de déceler la relation qui existe entre une association de défense des droits de l’homme et un tribunal militaire, car tout l’enjeu est là. L’affaire a commencé le jour où, au mois d’avril 2000, Kamal Batal a pris la défense de Ziad Moghrabi, propriétaire de la société ATX de technologie et de communication (fournisseur d’accès), ce dernier ayant été arrêté et interrogé à plusieurs reprises par la brigade des mœurs : Ziad Moghrabi avait refusé de fournir des informations sur certains de ses clients. En effet, selon la brigade des mœurs, ces derniers auraient ouvert un site intitulé «gaylebanon.com» domicilié chez ATX. Mirsad se saisit de l’affaire et Kamal Batal lance une campagne virulente contre l’atteinte à la liberté d’expression en général, et au sein de la communauté gay, en dénonçant le viol du droit à l’information privée. «Aucune loi ne peut permettre aux autorités d’obliger une société donnée à divulguer les noms de ses clients», avait-il alors déclaré. À partir de là, le cauchemar commence pour Kamal Batal et Ziad Moghgrabi. Le dossier atterrit au tribunal militaire et tous les deux sont déférés devant la justice militaire «pour diffamation à la nation» et distribution de tracts. En fait, MM. Batal et Moghrabi n’avaient fait que dénoncer – par courrier électronique (e-mail) – la manière dont la police de mœurs avait procédé à ses investigations, la pression exercée, les menaces proférées contre Ziad Moghrabi et l’atteinte aux droits des uns et des autres dans cette affaire. L’un avait agi en tant que défenseur des droits de l’homme, l’autre en tant que président d’une société d’informatique cherchant à rétablir l’image de sa société qui avait été entre-temps ternie par tant de publicités négatives. Dès la première audience, et les suivantes durant quatorze mois, Me Moghrabi avait avancé une exception de forme, arguant que le tribunal militaire n’était pas compétent dans cette affaire. Il n’était pas le seul d’ailleurs. Les ONG et institutions internationales, dont Amnesty International et Human Rights Watch, se sont également saisies de l’affaire dénonçant l’ingérence de la cour militaire dans des cas civils et les atteintes graves aux droits de l’homme. «Le plus cocasse dans cette affaire, est le sermon auquel nous avions eu droit lors de la première audience qui s’est résumée en une leçon de morale adressée aux ONG supposées montrer le droit chemin aux homosexuels au lieu de les défendre», soutient Me Moghrabi. Il réaffirme que Ziad, qui est par ailleurs son fils, n’a rien à voir avec la communauté homosexuelle et qu’il est de son droit, et même de son devoir, de ne pas divulguer le nom de ses clients, quels qu’ils soient. «Il s’agit d’éthique professionnelle», dit-il. Bref, une histoire qu’on dirait tirée de l’univers de l’absurde, mais qui n’en est pas moins réelle vu la condamnation de trois mois de prison infligée à Kamal Batal et à Ziad Moghrabi. Cette peine devait être commuée en un mois de prison puis réduite à une amende de 300 000 LL. Elles seront payées par Ziad Moghrabi qui, pour des raisons personnelles et professionnelles, avait décidé d’en finir avec cet imbroglio. Kamal Batal, lui, ne lâchera pas prise. Il interjette appel. Alors que la Cour de cassation devait prononcer aujourd’hui le jugement, elle a une fois de plus reporté l’audience jusqu’au 17 juillet prochain, le temps de trouver «de nouveaux motifs juridiques». Entre-temps, l’avocat de Kamal Batal a demandé la comparution de 5 témoins lors de la prochaine audience. Ils «témoigneront que Kamal Batal n’a aucun lien ni de près ni de loin avec la distribution de tracts», souligne l’avocat. Mohammad Moghrabi sait pertinemment que tous les arguments juridiques sont de son côté. Il sait également que la bataille de Kamal Batal, qui est un peu la sienne, est hautement symbolique. S’ils la perdent, la sanction ne peut être plus lourde que celle qui avait été décidée par la cour d’appel. Mais la défaite sera amère au sens où elle est surtout morale. Après tout, il s’agit surtout d’une lutte pour les droits fondamentaux.
Cela fera plus d’un an que l’affaire Kamal Batal, directeur de Mirsad, une ONG de défense des droits de l’homme, traîne dans les coulisses du tribunal militaire. Ce militant, dont le crime le plus redoutable a été celui d’avoir rempli son rôle, à savoir «défendre la liberté d’expression et le droit à l’information privée», se bat contre des moulins à vent. En...