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Actualités - CHRONOLOGIES

Reportage - Tournée pour les journalistes dans les positions avancées à Kfarchouba - Avec les combattants du Hezbollah face aux Israéliens

Quelque part sur une colline faisant face aux positions israéliennes surplombant Kfarchouba, bien dissimulés sous une tente de camouflage, entre les pierres, les buissons et le ciel, les combattants du Hezbollah ont pour la première fois parlé à visage découvert avec les journalistes. Face aux représentants de 70 médias locaux et étrangers, ils ont évoqué leur détermination, leur quotidien et leur certitude de la victoire finale. Officiellement, il s’agissait de célébrer dignement le premier anniversaire de la libération. Mais à l’heure où de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer le calme au Sud, le message a une signification particulière. Il se résume en une phrase qui ressemble à un engagement : «Nous poursuivrons notre résistance coûte que coûte…». Le Hezbollah recyclé en organisateur de visite guidée pour journalistes ? En ces temps de célébration, il faut s’attendre à tout ; et pour le premier anniversaire de la libération, le parti de la résistance avait vu grand. Pas moins de 120 journalistes représentant 70 médias locaux et internationaux sont venus au rendez-vous qui leur avait été fixé par le département de l’information au sein du parti. Il y en avait donc plus que prévu et les organisateurs ont dû réclamer de toute urgence de nouveaux véhicules. Au total 6 bus et quatre voitures, des badges pour tous les journalistes et un encadrement strict dans cet embarquement pour l’aventure avec frissons garantis. Petit déjeuner, pause repos, tout a été prévu pour rendre le trajet agréable, à condition de respecter les instructions. À Hasbani, les journalistes sont priés de descendre des bus pour que ceux-ci puissent être recouverts de rideaux noirs, afin que la destination finale demeure secrète. Impossible donc d’apercevoir quoi que ce soit. Les journalistes devinent simplement que les bus quittent à un moment donné les chemins asphaltés pour emprunter un chemin de traverse en pleine forêt. La pente devenant trop raide, les bus s’arrêtent et les journalistes poursuivent le chemin à pied, se raccrochant désespérément à une corde verte placée dans ce but par le Hezbollah, sous l’œil goguenard de leurs «guides». Hajj Mustafa et les 220km2 des fermes Ils atteignent finalement une sorte d’esplanade spécialement aménagée pour la circonstance : tente de camouflage, sacs de sable en guise de siège et tribune dissimulée par un fin rideau noir afin de brouiller les traits de hajj Mustafa qui explique la géographie de la région. Bref, toutes les mesures sont prises pour que les journalistes se sentent tout près du front. Le sont-ils vraiment ? Ils ne le sauront jamais, qu’importe, l’ambiance y est et l’illusion est parfaite. Hajj Mustafa explique sur une carte l’importance stratégique des fermes de Chebaa et la raison de l’intérêt que leur portent les Israéliens. Région clé entre le Golan et le nord de la Palestine, cette zone à la géographie particulière commande, selon lui, une forme particulière de résistance. Contrairement à ce que l’on dit généralement, sa superficie serait de 220 km2 et elle serait d’une importance cruciale pour le Liban. «Mais, même si elle ne l’était pas, il s’agit pour nous d’une question de principe. Nous n’acceptons pas qu’un pouce de notre territoire reste occupé». La libanité des fermes de Chebaa n’est pourtant pas vérifiée ? «En tant que Libanais, nous ne pouvons qu’écouter ce que dit notre président et pour lui, les fermes de Chebaa sont libanaises». Malgré sa tenue militaire et ses grosses lunettes, hajj Mustafa apparaît comme un habile politicien, répondant à toutes les questions avec une logique propre. À la question de savoir si le Hezbollah n’a pas perdu, dans la guerre pour les hameaux de Chebaa, l’un des principaux atouts de la victoire, l’appui populaire, il répond imperturbable : «Au contraire, nous avons le sentiment que les gens nous appuient plus qu’avant parce qu’ils ont pris goût à la victoire et maintenant qu’ils ont vu ce qui s’est passé l’an dernier, ils y croient». Hajj Mustafa parle ensuite de la peur dans laquelle vivent, selon lui, les Israéliens et de l’échec de leurs multiples tentatives de monter la population contre le Hezbollah. Il affirme que la libération des fermes de Chebaa est inéluctable, mais il refuse de se prononcer sur l’avenir de la résistance une fois cet objectif atteint. Il sera impossible de savoir si le Hezbollah compte participer militairement à la libération de la Palestine ou à celle du village de Nkhaylé, occupé par Israël mais dans une autre région que celle des fermes. Les journalistes sont ensuite invités à visiter quelques positions des résistants, dissimulées dans des buissons denses. Un quotidien austère et la foi Certaines sont destinées à faire le guet et à observer tout mouvement insolite, d’autres abritent des rampes de katiouchas – cette arme redoutable qui a résumé l’équation de la terreur entre le Hezbollah et Israël mais qui, installées sur de vieilles jeeps, ont l’air assez inoffensif – et des armes diverses. Parfois, dans les endroits les plus inattendus, des équipements pris aux soldats israéliens sont exhibés, accrochés aux branches ou étalés sur les pierres et continuent d’amuser les combattants. Pour la première fois, ceux-ci parlent avec complaisance aux journalistes et ceux-ci s’arrachent leurs confidences. En général, ils restent dans une même position entre 15 jours et un mois, et leur quotidien, sur le terrain, est plutôt austère : observation, vigilance, veillées entre camarades sans jeux de cartes ou autres passe-temps, et le moment venu : exécution d’opérations. Il faut des mois d’observation avant de lancer une opération contre une position israélienne et beaucoup de missions de reconnaissance, effectuées souvent la nuit, les équipements sur le dos après de longues heures de marche. La fatigue, la déprime, ces jeunes semblent ne pas les connaître. Ils ont tous hâte d’en découdre avec l’ennemi et considèrent comme l’honneur et le bonheur suprêmes d’être choisis par Allah pour être des martyrs. Ils racontent d’ailleurs avec attendrissement l’histoire du cheikh Ahmed Yehya qui s’est plaint l’an dernier devant sayyed Nasrallah d’être encore en vie. «Vous m’aviez promis que je serais un martyr et je suis encore là. Vous n’avez pas tenu parole». Quelques jours plus tard, le cheikh était tué par des bombardements couvrant le retrait des soldats israéliens du Sud. Chez ces jeunes gens, dont l’âge varie entre 35 ans pour le chef et 20 ans pour la plus jeune recrue, il n’y a aucune place pour le doute et la peur. Leur destin est tout tracé et ils en tirent une grande fierté. Ils ont une grande confiance dans leur chef sayyed Nasrallah et ne sont nullement tentés par les plaisirs qui constituent le quotidien habituel de la jeunesse. «Mais nous ne sommes pas austères pour autant, s’empresse de préciser Hussein. Nous avons des sentiments, nous souffrons, nous aimons, mais par-dessus tout, nous croyons en Dieu et c’est lui qui nous aide». La tournée se termine face aux positions israéliennes de Radar et de Roueissat, surplombant Kfarchouba. Un paysage presque biblique avec ses collines boisées, ses vallées profondes et son silence quasi religieux, un lieu magique où tout parle de paix, mais où la guerre continue de faire des ravages et à entendre les combattants et les responsables du Hezbollah, elle n’est pas près de finir. «Ce n’est pas une guerre pour un lopin de terre, mais une bataille pour la dignité et pour le droit. Et dans cet univers, seuls les plus forts ont droit à la vie. Nous autres, nous sommes les plus forts, grâce à notre foi et à notre unité». C’est par ces mots que cheikh Mouaffak Jammal, membre du bureau politique, conclut cette visite guidée, une occasion inoubliable pour les journalistes.
Quelque part sur une colline faisant face aux positions israéliennes surplombant Kfarchouba, bien dissimulés sous une tente de camouflage, entre les pierres, les buissons et le ciel, les combattants du Hezbollah ont pour la première fois parlé à visage découvert avec les journalistes. Face aux représentants de 70 médias locaux et étrangers, ils ont évoqué leur...