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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

CONFÉRENCE - Marwan Hamadé se penche sur le devenir de notre identité face à un ordre annoncé - Mondialisation : le salut dans la culture

Alors que l’essor des nouveaux médias a redéfini les frontières culturelles, le rapport entre mondialisation et culture laisse perplexe et le phénomène devient source de discussions et de débats. Au campus de la faculté de médecine de l’USJ, le ministre des Déplacés M. Marwan Hamadé s’est penché sur le devenir de notre identité culturelle face à un ordre annoncé et façonné. Évoquant tout d’abord le victorieux néolibéralisme et son déploiement à l’échelle planétaire, M. Hamadé a indiqué que cette «entreprise de la conquête, qui s’appelle mondialisation, rêve d’imposer sa conception du monde, sa propre utopie en tant que pensée unique, à la terre entière». Elle a un parrain : les États-Unis. Des tuteurs : FMI, Banque mondiale, OCDE. Un siège social : Wall Street. De nouveaux instruments de mesure : le Dow Jones, le CAC 40, le Nikkei, le Footsie… «Rien et personne n’y résistent», déclare le ministre. Même les convictions «révisées» de la gauche s’articulent sur de nouveaux axiomes puisqu’aucun pays ne peut se développer sérieusement sans économie de marché, sans la suppression des barrières douanières, sans l’intensification du libre-échange. Marwan Hamadé s’est demandé toutefois «si la mondialisation n’allait pas substituer à la défunte dictature du prolétariat la dictature du marché ; et à l’internationale socialiste l’internationale de l’argent» ? Il est donc possible de se questionner sur le rapport et les interactions entre la sphère économique et la sphère culturelle. Quelles sont les conséquences de la mondialisation économique sur le domaine culturel ? Devant ce phénomène de globalisation, qui nous rend à la fois «uniformes» et «orphelins», le salut serait-il culturel ? Les Libanais au Vatican : une accréditation nationale «L’exception culturelle serait une voie sans une issue», a dit M. Hamadé. «Mais le fait est que de nouveaux gladiateurs mondiaux, comme les appelle Alvin Toffler, partagent déjà le pouvoir avec les États-Nations ; la génération tout écran s’émancipe grâce à son fax-téléphone portable, son vidéo de poche, ou son laptop. Ainsi s’ouvrent des nouvelles autoroutes culturelles avec des vastes échangeurs pour tous les véhicules d’idées. Le Liban, micro-exemple de ce macrocosme, est à la fois acteur et témoin du métissage culturel auquel il doit son existence et surtout son avenir», a relevé M. Marwan Hamadé qui a signalé que la délégation qui accompagnait le président du Conseil M. Rafic Hariri dans sa visite au Vatican était composée de sept communautés. «Ainsi se trouvent réunis dans ce laboratoire de la convivialité, en une seule et même éprouvette, les éléments du message libanais. Rien n’empêcherait dès lors cette culture libanaise, si elle véhicule l’idée de tolérance, de démocratie, de respect de l’autre et de ses différences, d’acquérir une accréditation plus que nationale, véritablement universelle», a dit le ministre des Déplacés. Mettant l’accent sur le fait que le sort de la culture est indissociable de l’état général d’une société, M. Hamadé a ajouté : «On ne peut pas s’accommoder de la mise en pièces, par la globalisation, de l’emploi, de l’environnement, de la citoyenneté, de la place des pouvoirs publics, pourvu qu’on puisse sauver la culture ! Elle en périrait». Le problème est donc de concilier le mondial et le communautaire. «La culture doit prendre le train de la mondialisation», a insisté le conférencier. Toutefois, «elle peut et elle doit en modifier le parcours, en régler la vitesse. Et faire surtout que la moitié du monde ne reste pas sur les quais, attendant un autre convoi en retard de quelques décennies». Paupérisation v/s opulence Les véritables périls de la mondialisation ne se limitent pas seulement au laminage de la pensée et à l’uniformisation des goûts. Le ministre Hamadé dénonce la ségrégation au sein des populations, entre «info riches» et «info pauvres» ; entre la paupérisation culturelle accrue des pays du Sud et l’opulence culturelle des pays du Nord. Il a souligné que sur ce plan «le multilinguisme est seul garant d’une mondialisation équilibrée et plurielle». Planchant ensuite sur des chiffres, le conférencier a noté que les langues africaines et les dialectes asiatiques disparaissent à un rythme effarant : sur les 4 500 langues en usage actuellement, il n’en restera que 1 000 dans 100 ans ; 24 dans 300 ans. D’autres statistiques montrent que si la population du globe était réduite à 100, il n’y aurait qu’un homme ( ou une femme) sur cent qui atteindrait le niveau universitaire ; 1 % seulement qui possèderait un ordinateur ; et 3 % possèderaient 59 % des richesses du monde. «C’est la non-mondialisation du développement culturel qui suscitera demain les conflits, tout autant que la non-mondialisation du développement économique», a fait remarquer le ministre. Résister aux démons intégristes, secouer les gangues dictatoriales Certes, pour les Libanais comme pour le monde arabe, le défi de la globalisation est économique. Mais il est aussi culturel. Le monde arabe ne pourra sauvegarder son identité culturelle qu’à la condition de «résister à ses démons intégristes et de secouer ses gangues dictatoriales». De même, cette identité culturelle ne pourra en aucun cas être «statique ou figée». Pas plus que ne le sera «le créneau culturel français et européen et surtout la culture dominante américaine, celle de la généralisation et de l’uniformisation si redoutée», a déclaré Marwan Hamadé. Le conférencier a abordé ensuite le pluralisme culturel qui fait mention d’un processus d’échanges et de rencontres, et dont le recoupement et l’interpénétration prévaudront sur le modèle unique de type occidental. «Les civilisations se dissoudront peut-être en gigantesque puzzle de valeurs mais sans occulter pour autant l’apport de chacune d’entre elles, bâtie souvent autour d’une religion, d’une langue, d’une histoire ou d’un mode de vie…». Il a rappelé à cette occasion que «l’hégémonie américaine n’a pu empêcher les particularismes européens, les frondes asiatiques, les éruptions arabes et la grogne africaine». Si l’anglais ou l’«américain» demeurera pour le siècle à venir la langue dominante, le chinois restera la langue la plus parlée. Le français, «langue intercontinentale», est appelé à demeurer tout autant une langue «interculturelle», «instrument de fraternité» et «méthode de pensée», un «véhicule de valeurs» et, à ce titre, «le support privilégié d’une culture de paix, de démocratie et de tolérance à travers le monde», a ajouté M. Hamadé. Par ailleurs, face au nouvel ordre politique, à la mondialisation qui aiguise les interrogations sur le devenir économique, et surtout sur la maîtrise future de notre environnement culturel, l’intervenant a lancé un appel pour «promouvoir les valeurs communes et nouer de véritables alliances, comme celle qui se profile entre l’arabité et la francophonie… Faisons-le sans aller à contre-courant de la mondialisation mais en l’apprivoisant culturellement». Il a souligné toutefois qu’il faudrait être réaliste, car cette alliance ne peut pas transgresser «les paramètres universels» de l’économie du marché, de l’organisation mondiale du commerce et même des Nations unies «qui valent ce qu’elles valent et qui continueront donc à endosser les desiderata du parrain américain». L’usage de la force du pouvoir n’étant pas prêt de disparaître, le ministre des Déplacés a mis l’accent sur le Savoir, source d’un pouvoir de meilleure qualité. «C’est par ce biais que le Liban peut espérer, en abordant la globalisation, se ruer vers le monde de demain. Gare à ceux d’entre nous qui voudraient se fier exclusivement aux seuls lauriers de notre spécificité culturelle. La plupart sont déjà flétris» . Pour conclure, le conférencier a formulé les question suivantes : Sommes-nous en passe de préparer le Liban à une mondialisation où sa vocation économique trouverait son épanouissement et sa spécificité culturelle son créneau ? Ou serions-nous plutôt en voie de préparer les Libanais à une mondialisation où ils trouveraient individuellement leur épanouissement économique et leur assimilation culturelle ? «Des options prises, dépend le sort du Liban», a-t-il dit. «L’esquive permanente des vrais problèmes qui nous guettent ne laisserait aucune chance à ce pays, même si grâce à nos établissements scolaires et universitaires, grâce à nos espaces de liberté médiatique et politique nous dotons les jeunes Libanais du bagage nécessaire pour qu’ils accèdent dûment équipés à cet univers globalisé. Car s’ils y accèdent par l’émigration comme c’est le cas aujourd’hui, a souligné le ministre, les Libanais vivront dans la mondialisation et de la mondialisation, alors que le Liban, lui, en sortira et finira, qu’à Dieu ne plaise, par en mourir», a conclu M. Hamadé.
Alors que l’essor des nouveaux médias a redéfini les frontières culturelles, le rapport entre mondialisation et culture laisse perplexe et le phénomène devient source de discussions et de débats. Au campus de la faculté de médecine de l’USJ, le ministre des Déplacés M. Marwan Hamadé s’est penché sur le devenir de notre identité culturelle face à un ordre annoncé et façonné....