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Actualités - BIOGRAPHIES

RENCONTRE - «Ni tiers-monde ni ethnique. Cinéaste tout court» - Danielle Arbid : le sentiment avant l’info

Danielle Arbid est venue au cinéma par hasard, il y a trois ans, après huit années dans le journalisme. Depuis, elle a réalisé trois films, trois succès. Aujourd’hui, cette jeune réalisatrice s’est fait un petit nom à Paris, où elle vit depuis 12 ans. Son documentaire Seule avec la guerre a été projeté récemment au Théâtre de Beyrouth (Aïn Mreyssé). Un film de 60 minutes, «ni politique, ni historique» mais très personnel, fort et émouvant, qui a obtenu plusieurs prix. Rencontre. Depuis trois ans, Danielle Arbid ne fait qu’écrire et tourner. C’est d’ailleurs par l’écriture qu’elle est venue au cinéma. «J’avais écrit un texte, très personnel, qu’un ami m’a conseillé d’envoyer au Centre national du cinéma de Paris (CNC) après l’avoir écrit sous forme de scénario, raconte-t-elle. Il se trouve que ce texte a eu une subvention au Groupe de recherches d’essais cinématographiques, et j’ai été obligée de le faire moi-même». Tenant à ce que son film soit tourné au Liban, elle rencontre des cinéastes mais finit par décider de le réaliser elle-même plutôt que de le confier à quelqu’un. «J’ai pensé qu’il serait ainsi plus fidèle à ce que je pense. Même si je n’avais jamais réalisé de films ni assisté à un tournage». Par le biais d’un ami, elle envoie son scénario à des techniciens, opérateurs et ingénieurs de son confirmés. Le scénario plaît et elle reçoit une pluie de coups de fil. «Je me suis dit je vais faire un petit film à Beyrouth, que je rangerais ensuite sur une étagère et on n’en parlera plus. Et je retournerai au journalisme». Mais une fois Raddem sorti, Danielle Arbid réalise qu’elle a envie d’aller plus loin dans cette voie personnelle. «Cela m’a ouvert une brèche que, depuis, je n’arrête pas de développer», dit-elle. Raddem raconte l’histoire d’une femme qui cherche, dans un quartier sinistré de Beyrouth, un photographe. «C’est un film très naïf, contemplatif, et j’ai été très étonnée qu’il plaise autant». Après Raddem, elle écrit plusieurs scénarios, toujours très personnels, et réalise un court-métrage, à Paris, sur un Kurde réfugié politique qui cherche un boulot. «En fait, j’aime bien les errances dans les grandes villes», affirme-t-elle. Vient ensuite Seule avec la guerre. Quant au moyen-métrage de fiction qu’elle tournera dans trois mois à Paris (La repasseuse, 40 minutes), il parle de solitude, d’une vieille femme qui vit seule en France. «Cette solitude, nous la ressentons tous lorsque nous vivons dans une ville étrangère, même après plusieurs années. J’essaye donc de transposer mon sentiment de solitude chez cette femme». À signaler que La repasseuse est déjà programmé pour passer en salle à Paris. Succès Danielle Arbid tourne actuellement un autre documentaire intitulé Frontières. Et, l’an prochain, elle réalisera à Beyrouth son premier long-métrage qui est actuellement en production. Dans ses documentaires, Danielle Arbid fuit l’information. «J’essaye de faire vraiment de l’“anti-news” par excellence. C’est le sentiment qui m’importe. Je ne donne pas d’explication mais filme ce qui me semble important. J’aime la subjectivité du travail». Une chose qu’elle refuse, c’est d’être cataloguée. «J’essaye de réaliser des films à Beyrouth et à Paris, et j’ai même un projet pour New York. Je ne veux pas être étiquetée cinéaste “libanaise” ou “tiers-monde” ou “ethnique”. Je suis cinéaste tout court». Par ailleurs, elle s’intéresse au documentaire comme à la fiction, «ce qui déroute beaucoup de personnes à Paris qui ont besoin d’enfermer les gens dans des cases. Or, pour moi qui ait découvert cet art assez tard, le cinéma est comme une poupée, j’adore jouer avec». Pour la jeune cinéaste – qui en est la première épatée –, les choses vont comme sur des roulettes. Ses films sont très remarqués, ils obtiennent des prix et sont sélectionnés pour des festivals. Son documentaire Seule avec la guerre a fait énormément de bruit en France où la presse a été dithyrambique. «Peut-être est-ce parce qu’il n’y a pas assez de regards sur le Moyen-Orient, explique-t-elle. J’en donne un très personnel, sans expliquer le pour qui ni le pourquoi des choses, et je crois que les gens s’y retrouvent quelque part». Dans Seule avec la guerre (en arabe : Halet harb), elle filme son père, se filme elle-même, enfant, puis adulte, pendant le tournage du documentaire, qui traite de la mémoire, de la guerre, de la paix, de la culpabilisation, du pardon… «Le tournage de ce film l’an dernier a été une expérience assez terrorisante. J’avais des problèmes avec mon équipe et avec le sujet, car il est très dur de retourner dans la guerre, de replonger dedans, de lui faire face. J’ai parlé à des hommes qui ont combattu, qui ont eu du sang sur les mains, en quelque sorte», indique-t-elle. À part deux minutes d’archives, en début de film, où l’on voit Danielle Arbid enfant, Seule avec la guerre est filmé en «live». Témoignages francs, émouvants, alarmants, choquants… Consciente que son film peut rebuter, Danielle Arbid n’en est pas moins fière, car elle y a travaillé de tout cœur et s’y est investie à fond. «Je n’ai jamais autant travaillé de ma vie», dit-elle. L’avenir, elle ne le voit pas venir mais va plutôt à sa rencontre. Très productive, elle écrit vite et sans arrêt, sauf lorsqu’elle est en tournage. «Je n’ai pas peur. Je me dis que je n’ai rien à perdre : si jamais ça devait s’arrêter, je passerais à autre chose», conclut-elle dans un sourire.
Danielle Arbid est venue au cinéma par hasard, il y a trois ans, après huit années dans le journalisme. Depuis, elle a réalisé trois films, trois succès. Aujourd’hui, cette jeune réalisatrice s’est fait un petit nom à Paris, où elle vit depuis 12 ans. Son documentaire Seule avec la guerre a été projeté récemment au Théâtre de Beyrouth (Aïn Mreyssé). Un film de 60 minutes,...