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Actualités - INTERVIEWS

Environnement - Le ministre parle des défis et des solutions envisagées - Michel Moussa : Cinq dossiers écologiques prioritaires

Les problèmes écologiques nous sont devenus très familiers, surtout que les solutions tardent à pointer. Nommé ministre de l’Environnement dans l’actuel cabinet Hariri, Michel Moussa a déjà annoncé à plusieurs reprises sa volonté de tout mettre en œuvre pour établir un programme de redressement. Nous l’avons interrogé sur ses priorités et sur sa politique face aux obstacles qui ont entravé la route de ses prédécesseurs. M. Moussa a déclaré privilégier le dialogue et la création de comités interministériels comme principale réponse aux conflits d’intérêt qui ont souvent paralysé des dossiers écologiques très importants. «Il y a sans doute eu une accumulation non négligeable des problèmes environnementaux durant de nombreuses années», constate d’emblée M. Moussa. «Notre situation écologique paraît aujourd’hui très dégradée à plusieurs niveaux». Quelles sont donc les priorités du ministère dans un dossier aussi vaste ? «Puisque la situation est si grave, nous préférons définir nos priorités en tenant compte des domaines où notre intervention donnerait des résultats efficaces et rapides», estime-t-il. «Nous ne sommes pas intéressés par des plans qui resteraient sur papier. Nous avons donc considéré comme prioritaires cinq dossiers essentiels, tout en ne négligeant pas le suivi des autres affaires : les déchets domestiques, les égouts, les carrières, la pollution de l’air et le reboisement». Pour traiter des dossiers aussi épineux, il fallait donc trouver des outils et des méthodes qui permettraient à l’équipe actuelle de réaliser des percées, surtout que «le ministère de l’Environnement, au Liban comme ailleurs, traite parfois des dossiers parallèlement à d’autres ministères, d’où le besoin de coordination». Ainsi, un comité a été créé, regroupant des membres de différents ministères concernés, afin de faciliter le travail. Le Conseil supérieur de l’environnement, une instance prévue dans la loi de fondation du ministère mais toujours pas instauré, n’aurait-il pas résolu de tels problèmes ? «Non», répond M. Moussa. «Je ne crois pas que le Conseil supérieur aurait fait l’affaire dans ces cas précis. En fait, ce conseil aurait dû être formé de représentants des différentes parties concernées, mais les expériences qui ont déjà été menées avec des conseils supérieurs créés dans d’autres domaines que l’environnement ne se sont pas avérées encourageantes. Nous n’avons pas pour autant abandonné l’idée, mais ce qui compte pour nous aujourd’hui c’est de prendre des mesures pratiques avec les ministères chargés de l’exécution, bien plus que de nous occuper de planification à grande échelle». M. Moussa donne l’exemple du dossier des ordures ménagères : un comité a été formé de représentants du ministère de l’Intérieur et des Municipalités, du Conseil de développement et de reconstruction (CDR) et du ministère de l’Environnement. «Nous avons considérablement avancé sur ce plan, en trouvant des outils de travail pour réaliser le projet basé sur des prêts de la Banque mondiale (BM), dit-il. Ce n’est qu’une première étape, pas encore une solution globale». Pour assurer la continuité du travail des installations (des décharges sanitaires dans le cas de ce projet), il est indispensable, selon le ministre, de tomber d’accord sur la gérance et le financement (entre les municipalités profitant d’une même initiative, dans une certaine région). «Dans une première étape, nous installons une décharge sanitaire, en respectant les critères les plus stricts, dans chaque mohafazat», déclare M. Moussa. «Les membres de notre comité ont pris des décisions communes sur l’emplacement de ces futures décharges». Des décharges sanitaires pour tous les mohafazats Les décharges, donc, dans un premier temps. Combien d’années devrait durer cette ébauche de solution ? «Il n’est pas important pour nous de préciser un nombre d’années», s’empresse-t-il de répondre. «Ce qui compte, c’est que des crédits sont actuellement disponibles pour la construction de décharges. Il faut savoir que celles-ci ne sont pas installées n’importe comment : on s’assure tout d’abord de la nature du sol sur lequel elles devraient se trouver et de l’éventuelle présence de nappes phréatiques. De plus, les décharges sont munies d’isolants». M. Moussa assure que les décharges ne seront pas installées avant l’obtention d’une approbation écrite de la société civile, notamment de l’Union des municipalités de chaque région. Il affirme que le comité a déjà en sa possession les approbations écrites pour les différents mohafazats. Les problèmes administratifs et financiers ont été réglés «parce que nous n’avons rien imposé aux communautés». Quand ce projet devrait-il entrer dans sa phase d’exécution ? «À Zahlé, la décharge qui avait déjà été installée en partie devra devenir bientôt fonctionnelle, et cette ville servira d’exemple pour les autres régions», note-t-il. Toutefois, dans le cas de la décharge sanitaire de Naamé (sud de Beyrouth), qui devrait être abandonnée, plusieurs spécialistes ont dénoncé une grande catastrophe écologique. Pourrait-il garantir que cela ne se répète pas ? «Le problème, à Naamé, c’est que la décharge s’est remplie beaucoup plus vite que prévu», précise M. Moussa. «Les critères de tri n’ont pas été respectés à la lettre. Mais le CDR devrait y remédier incessamment. La décharge devrait rester opérationnelle encore quelques mois». Un comité a également été formé pour discuter de l’énorme problème des égouts. Rappelons qu’un plan de construction d’usines de traitement des eaux usées le long de la côte, élaboré depuis des années, est resté en suspens, bien que son financement soit assuré. «Le nouveau comité devrait, d’un côté, procéder à l’accélération des projets déjà en cours d’exécution et, d’un autre côté, définir nos priorités afin d’utiliser les crédits à bon escient», souligne-t-il. «Il faut rappeler que le personnel du ministère de l’Environnement est très réduit. Nous n’avons pas de bureaux dans les mohafazats. Nous ne pouvons nous trouver partout pour recevoir et vérifier les plaintes. Nous avons besoin d’outils exécutifs. Voilà pourquoi, en attendant l’adoption de la loi sur la restructuration du ministère qui a été envoyée au Conseil des ministres, nous avons passé un accord avec le ministère de la Justice pour charger des avocats généraux dans tous les mohafazats de traiter ces cas avec la rapidité exigée». C’est ainsi, selon M. Moussa, que l’affaire des fuites de pétrole au large de Tripoli a été prise en charge rapidement, mais également que l’enquête a été directement lancée par l’avocat général de la région du Liban-Nord pour identifier les contrevenants. «Il nous communiquera le résultat de son investigation pour qu’une action soit menée contre la personne responsable», ajoute-t-il. «Nous essayons ainsi de nous créer un réseau efficace dans le pays malgré la faiblesse de nos moyens. Mais il faut, parallèlement à cela, développer des lois plus fermes pour la pénalisation des contrevenants». De telles clauses ne sont-elles pas incluses dans le code de l’environnement, qui dort toujours dans les tiroirs du Parlement ? «La commission parlementaire de l’Administration et de la Justice nous a promis de reprendre bientôt l’étude du texte», précise le ministre. Rappelons que ce texte avait été transmis (durant le mandat de l’ancien gouvernement) à une sous-commission et qu’il avait été l’objet de débats toujours pas résolus. Et la loi sur la restructuration du ministère qui devrait conférer à cet organisme des moyens plus importants ? «Nous avons déjà envoyé le projet aux autorités concernées», nous apprend-il. «La fonction publique a exposé ses remarques sur le texte. Nous en avons tenu compte avant de le renvoyer au Conseil des ministres». Les équipes qui ont précédé celle-ci se plaignaient toujours d’obstacles qui les empêchaient de mener à bien leur mission, notamment l’absence de pouvoir exécutif et les conflits d’intérêts avec d’autres ministères. Cela est-il toujours le cas aujourd’hui ? «Les chevauchements sont inévitables dans tous les pays du monde puisqu’un grand nombre de dossiers sont traités conjointement par plusieurs ministères», relève M. Moussa. «Nous tentons de limiter ces inconvénients en créant des comités interministériels qui assurent le suivi». Les carrières ? Solution : un plan directeur Quand, selon lui, pourrons-nous commencer à entrevoir des solutions dans les dossiers des déchets et des égouts ? «Un comité se charge actuellement de collecter les informations qui se trouvent en possession de toutes les parties concernées afin que nous puissions préparer une liste de nos priorités», dit-il. Et les carrières ? «Le plan directeur a été élaboré par les ministères de l’Environnement et de l’Intérieur et devrait bientôt être soumis au Conseil des ministres», déclare-t-il. Entre-temps, des délais administratifs ont été accordés à des carrières opérationnelles. Mais ce sont ces délais qui causent du tort à l’environnement puisque les propriétaires des carrières en profitent pour retirer un maximum de sable ou de pierres en un temps très court. «Les délais administratifs ne sont accordés que selon des critères très précis, et une surveillance étroite est opérée sur les sites», assure le ministre. Mais, visiblement, ce n’est pas comme cela que ça se passe sur le terrain. «Je parle de théorie, ne nous perdons pas dans les détails futiles», répond-il. «La solution véritable réside dans l’adoption d’un plan directeur. Nous avons obtenu la promesse qu’il sera étudié bientôt en Conseil des ministres». M. Moussa révèle également que son équipe a préparé une liste des problèmes conjoints avec l’Électricité du Liban, sur base de laquelle des réunions devraient se tenir avec le ministre de l’Énergie pour discuter de sujets d’intérêt commun comme le fuel utilisé, les centrales, etc. Interrogé sur le plan quinquennal de reboisement du Liban, il indique : «Ce plan devrait être mis en place incessamment, surtout qu’un budget de cinq milliards chaque année lui a été réservé. Des experts en reboisement se réunissent périodiquement avec nous pour une meilleure conception du plan. Celui-ci devrait être global, prendre en compte les régions où les efforts peuvent être poursuivis et celles qu’il faudrait préserver. Les associations civiles auront un rôle important à jouer dans le cadre de ce projet». Espère-t-il que le budget du ministère deviendra plus important ? «Tant que les prêts sont transférés au CDR, le problème ne se présente pas de façon si aiguë», estime M. Moussa. «Ce que nous revendiquons, c’est plus de personnel et d’observateurs». Dans un pays en crise économique et, souvent, politique, les questions environnementales ne souffrent-elles pas de négligence ? «Ces questions suscitent l’intérêt général, notamment en raison des nombreux articles de presse qui leur sont consacrés», constate-t-il. Propos recueillis par
Les problèmes écologiques nous sont devenus très familiers, surtout que les solutions tardent à pointer. Nommé ministre de l’Environnement dans l’actuel cabinet Hariri, Michel Moussa a déjà annoncé à plusieurs reprises sa volonté de tout mettre en œuvre pour établir un programme de redressement. Nous l’avons interrogé sur ses priorités et sur sa politique face aux...