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Actualités - REPORTAGES

DANSE CONTEMPORAINE - Dernière représentation, ce soir jeudi 12 avril, au Monnot - « Natal » : reconstruire, plus beau qu’avant

La Compagnie suisse Fabienne Berger présente, au Théâtre Monnot, son tout dernier spectacle, créé en janvier 2001 et intitulé Natal, que Beyrouth est la première ville étrangère à accueillir. Dernière représentation ce soir, 20h30. Il n’est pas facile de définir Natal, qui mêle la danse à la musique et à la vidéo. Sur scène, quatre danseuses et deux danseurs, tous excellents, de différentes nationalités : Young-soon Cho, Susana Panadés Diaz, Sarah Duc, Niki Good, Kan-Ichi Segawa et Patrick Servius. Improvisation ou chorégraphie mémorisée, ils vont au bout d’eux-mêmes, au bout de leur souplesse et de leur souffle. Il y a également le groupe électro-pop Velma. Deux musiciens, Christian Garcia et Stéphane Vecchione, et un chanteur, Christophe Jacquet ; à l’attitude très spéciale, impassibles, un brin ironiques, qui assurent l’accompagnement musical du spectacle en live. Une participation très complémentaire de la chorégraphie, qui la seconde, la soutient, la propulse, lui répond. Et enfin, l’écran géant, partie «vivante» de la pièce, qui ne cesse de se transformer, tantôt miroir, tantôt champ d’évolution, tantôt passage. Natal parle de changement. De l’acte de détruire pour reconstruire, de décomposer pour recomposer. Du repositionnement qui permet un autre regard. Cela parle aussi de découragement puis d’espoir, de solitude et de solidarité. Bref, la chorégraphie est tellement riche que chacun y puise ce qui lui ressemble, ce qui trouve écho en lui. Il suffit de se laisser aller au magnétisme du visuel qui fascine, subjugue, envoûte et fait naître des sensations nouvelles. Où sont les obstacles, à l’intérieur ou en dehors de nous ? Qui sommes-nous par rapport aux autres ? Où va-t-on ? Autant de questions qui se posent à travers Natal . Les mouvements sont saccadés, comme mécaniques, puis s’assouplissent, trouvent une harmonie, vont même jusqu’à la liquéfaction. Le mur de briques solides s’effrite puis devient eau. Les corps, debout, se retrouvent au sol, face contre terre, puis nageant dans l’eau. «Dans la vie, nous nous accommodons souvent de choses qui ne nous correspondent pas tout à fait mais, pour différentes raisons, nous ne tentons rien pour les défaire. Cela est également vrai dans la danse, dans la relation du corps à la vie, indique Fabienne Berger. «Au départ, je suis partie du besoin et de l’envie de trouver le plaisir à défaire les choses pour les refaire. Car à partir des choses qui se cassent ou qui se défont, on peut trouver autre chose, un mieux. Cela a été mon point de départ dans la chorégraphie». Ce n’est qu’après une première phase de préparation et de recherche, seule, en studio, que la chorégraphe commence le travail d’équipe. «Une chose qui fait également partie de mon travail est le fait d’être perméable à ce qui vient des danseurs, que ce soit conscient, direct ou pas. Nous partons sur l’improvisation, et des choses surgissent, que l’on n’avait pas prévu, tandis que d’autres choses que j’avais prévues de faire n’ont plus de raison d’être et sont abandonnées. Et cela bouge». Pour Natal, les choses ont bougé en ce qui concerne l’attitude des danseurs face à l’obstacle, à l’écran. Coincés entre le mur et le vide – qui est aussi le public –, ils ont dû essayer de trouver un moyen de modifier l’obstacle, de trouver une voie de passage. «Le point de base de la pièce est que si l’on regarde les choses de différentes manières, elles changent, poursuit Berger. Dans la vie aussi, on peut avoir un a priori négatif envers une personne, et puis il suffit de la regarder autrement pour qu’un déclic s’opère. Alors, tout ce qui était impossible dans la relation peut devenir possible». Haut les cœurs ! Née à Lausanne, de père suisse et de mère hongroise, Fabienne Berger est considérée dans son pays comme une des chorégraphes les plus inventives. Dans ses trois derniers spectacles, elle a intégré la vidéo à la danse et la musique, réussissant à chaque fois une combinaison heureuse, nouvelle, créative et moderne à souhait. Ses chorégraphies s’appuient toujours sur certains instants d’improvisation, d’où la note d’authenticité. «Des passages où les danseurs doivent faire confiance à leurs instincts, leurs réflexes, pour ne pas se cogner, tout en restant dans l’esprit et l’harmonie de la pièce», dit-elle. Quant à la collaboration du groupe Velma, cela s’est fait sur un coup de cœur. «J’étais tombée sous le charme de cette musique et je trouvais qu’elle avait une proximité d’esprit extraordinaire par rapport à ce que j’attendais de “Natal”, qui était encore à l’état de projet. La musique Velma correspondait parfaitement à l’état d’esprit que j’imaginais pour ma pièce ; ce sens de la gravité, cette attitude à la vie, aux choses graves et difficiles… Et dans la musique elle-même, cette petite chiquenaude qui dit “Allez, haut les cœurs !”. Je suis immédiatement “rentrée” dans cette musique. Je trouve que Velma compose en cycles ascendants et cela me plaît ; alors que d’autres musiciens composent vers le bas». Au départ, il n’était pas prévu d’intégrer de la musique live au spectacle, mais cela devient évident lorsque Fabienne Berger voit Velma en concert. «Ils ont une telle présence sur scène, une attitude typique qui frappe». Côté chorégraphie, le travail n’a pas été très facile pour les danseurs qui étaient perdus. «C’était même frustrant pour eux du point de vue de la danse. Ils se demandaient qu’est-ce que je fais à ramper par terre ?», affirme Berger. Mais du moment que cela menait à quelque chose de neuf, et de beau… Le volet vidéo est assuré par elle, mais aussi par le vidéaste David Monti et le scénographe Laurent Junod. «Avant, j’utilisais la vidéo comme outil de travail, pour composer, sans l’amener dans la pièce. Aujourd’hui, nous essayons de trouver une sorte de relation entre la réalité, le corps, la danse et l’image». Le résultat n’en est que plus spectaculaire. Pour le chanteur Christophe Jacquet et son groupe, travailler avec la Compagnie Fabienne Berger est une expérience très enrichissante. «Nous avons toujours cherché à travailler en dehors de notre domaine. Après le théâtre et les arts plastiques, “Natal” était pour nous l’occasion de collaborer dans un nouveau champ celui de la danse». Les musiciens et le chanteur traversent la scène, mais vont aussi plus loin. Quant à la musique qu’ils jouent, «ce sont des compositions originales, spécialement créées pour la pièce, qui ont été travaillées avec Fabienne Berger. Nous avons apporté des éléments qui ont été essayés, discutés et refaits plusieurs fois». La réaction du public ? «Positive. Ce que nous avons fait là reste du Velma, même si cela est un peu moins pop que nos albums. Par contre, nous avons pour une fois la possibilité de prendre le temps de faire passer quelque chose, puisque les minutes ne nous sont pas comptées comme à la radio, où on peut difficilement faire passer un hit qui dure 25 minutes», dit-il dans un sourire. Reste à préciser que l’un des deux danseurs qui accompagnent la troupe à Beyrouth, le Japonais Kan-Ichi Segawa, n’a intégré l’équipe que depuis 10 jours. Il remplace un compatriote et ami qui n’a pas pu être du voyage. «Nous avons travaillé pendant une semaine seulement ensemble, et nous étions tous abasourdis par la façon dont Kan-Ichi a mémorisé le spectacle, tout en arrivant à “construire” sa personnalité dessus, raconte Fabienne Berger. Cela est loin d’être évident, et nous avons eu de la chance de tomber sur un aussi bon danseur. Bien sûr, nous avons adapté deux ou trois choses par rapport à lui, pour ne pas faire de couper-coller. C’est l’esprit du spectacle : nous avons dû nous défaire d’un membre de notre “famille” et intégrer une nouvelle personne. Et nous y avons gagné quelque chose. Cela crée une émulation dynamique, repositionne tout le monde à nouveau et fait mûrir certaines choses». Pour le meilleur et le meilleur.
La Compagnie suisse Fabienne Berger présente, au Théâtre Monnot, son tout dernier spectacle, créé en janvier 2001 et intitulé Natal, que Beyrouth est la première ville étrangère à accueillir. Dernière représentation ce soir, 20h30. Il n’est pas facile de définir Natal, qui mêle la danse à la musique et à la vidéo. Sur scène, quatre danseuses et deux danseurs, tous excellents,...