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Actualités - INTERVIEWS

RENCONTRE - Ce soir au Festival al-Bustan - Ziad Kreidy, 26 ans et une volonté d’aller toujours plus loin

Le célèbre orchestre à vent Nederlands Blazers Ensemble, composé des plus grands solistes hollandais, se produira ce soir mardi 13 mars au Bustan. Pour le Quintet à vent de Beethoven, quatre musiciens de cette formation seront rejoints par le pianiste libanais Ziad Kreidy, bientôt 27 ans, installé à Paris depuis l’âge de 18 ans. Rencontre. Cheveux coupés courts, fines lunettes, grands yeux, Ziad Kreidy a un visage avenant, un regard franc et le rire toujours prêt à fuser. C’est à 8 ans qu’il commence des études de piano, à l’Université Saint-Esprit, Kaslik (Usek). Sept ans plus tard, il décide de se consacrer entièrement à la musique. Mais le pays est en guerre et il devra attendre d’avoir 18 ans pour aller à Paris. «Antoine Medawar, des Jeunesses musicales du Liban, m’avait remarqué le premier et avait fait le maximum pour me faire voyager, se souvient-il. J’avais également rencontré le pianiste libanais Billy Eidi, professeur au Conservatoire national supérieur de Paris, qui m’avait beaucoup encouragé». Il obtient une bourse du gouvernement français pour quatre ans et demi, pour faire des études supérieures, «ce qui est une chance incroyable», affirme-t-il. Les débuts à Paris sont loin d’être faciles et Kreidy doit travailler dur pour rattraper «l’énorme décalage de niveau entre le Liban et les grandes villes. J’ai dû suivre toute une formation de pianiste et de compositeur, indique-t-il. J’ai fait des classes d’écriture et d’analyse, ainsi qu’une classe d’orchestration afin de mieux comprendre l’orchestre et d’avoir une approche de compositeur pour pouvoir mieux interpréter la musique». Aujourd’hui, Kreidy poursuit des études approfondies de musique à Paris. Il suit notamment une classe de pianoforte. «C’est un courant qui est né il y a une vingtaine d’années. Je fais donc partie de la deuxième génération de pianofortistes, précise-t-il. Nous jouons de la musique ancienne, sur des instruments d’époque, des pianos du XVIIIe et XIXe siècle. Ce sont les mêmes modèles que ceux sur lesquels jouaient Beethoven et Mozart, et qui sont très différents des pianos modernes. Cela nous permet de mieux connaître le style et l’époque». Pour le moment, il projette de rester à Paris «pour trois ou quatre ans encore. C’est très facile de voyager à partir de Paris, et puis je rencontre beaucoup de gens, c’est très cosmopolite. Il se passe tellement de choses culturellement que l’on s’enrichit énormément». Le Quintet à vent de Beethoven Ziad Kreidy se produit régulièrement en Europe : Allemagne, France, Belgique. «J’ai aussi joué deux-trois fois au Mexique et je vais incessamment être invité aux États-Unis», ajoute-t-il. À Beyrouth, le public avait eu l’occasion de l’entendre au piano il y a trois ans, au Goethe Institut. Il était ensuite revenu, en 1999, pour des récitals solo à Kaslik et à Tripoli. «C’est à cette époque que Mme Myrna Boustany m’a contacté. Nous nous sommes rencontrés et mis d’accord sur un concert». Plus tard, elle lui propose de faire de la musique de chambre et de jouer le Quintet à vent de Beethoven. Il accepte immédiatement. «C’est une œuvre que l’on écoute très rarement parce qu’il n’est pas facile de grouper les musiciens idoines. Mozart avait écrit cette composition pour vents pour une formation piano et hautbois, basson, clarinette et cor. Ensuite, Beethoven a écrit d’après Mozart, mais il n’y a plus eu d’autre œuvre classique, pendant deux siècles, écrite pour cette formation. C’est une musique jeune, une œuvre du jeune Beethooven, pleine de vitalité. Elle a été écrite en 1796 ; ce n’était pas encore le XIXe siècle, Mozart venait de mourir, Haydn était encore vivant». Ziad Kreidy ne connaissait pas le Festival al-Bustan. «Je m’étonne de son très haut niveau. C’est un festival très ambitieux qui propose cinq semaines de performances de qualité, et qui peut rivaliser avec les meilleurs festivals du monde, au niveau des artistes et de l’organisation. De plus, il dispose d’un bel auditorium, qui sonne bien». Côté goûts musicaux, le jeune pianiste libanais aime beaucoup la musique baroque, mais c’est Bach qui reste son compositeur préféré. Il interprète toutefois un répertoire très diversifié, allant de Bach à la musique contemporaine écrite dans les années 90. La composition le tente-t-elle ? «Non, je ne suis pas assez fou, répond-il dans un sourire. Je me vois en tant qu’interprète». Dialogue et entente Ziad Kreidy se dit très enthousiaste à l’idée du concert de ce soir. «Je suis heureux d’avoir la chance de jouer avec quatre des meilleurs solistes néerlandais. Ce sont de très grands musiciens, qui ont déjà une carrière derrière eux et un avenir qui s’annonce brillant. Nous ne nous connaissions pas ; nous avons joué ensemble le week-end écoulé, au Bustan, pour la première fois, pour les répétitions. Personnellement, j’ai déjà interprété cette œuvre, au Mexique et en France, mais avec un quatuor à cordes. Les vents sont très différents, c’est une nouvelle aventure et je suis optimiste et très motivé». Il souligne que la musique de chambre est un dialogue entre les musiciens. «Il faut qu’il y ait une solide entente, une grande souplesse, une grande qualité d’écoute et d’adaptation à l’œuvre et aux musiciens. Ce doit également être le cas pour le “Quintet à vent” de Beethooven, même si le piano a le rôle principal puisqu’il est en opposition avec le quatuor à vents». Sur scène , les musiciens «ne sont pas en situation de confort mais en situation de risque», rappelle-t-il. Mais pour lui, une fausse note n’est pas la fin du monde. «Cela surprend, c’est authentique, c’est le côté “live”», dit-il dans un sourire. Ziad Kreidy travaille tous les jours, «parfois avec piano, parfois sans. J’écoute la musique dans ma tête, je lis les partitions pour bien analyser la musique, pour essayer de la comprendre et d’apprendre à bien la communiquer au public. Je chante l’œuvre, j’essaye de la danser, de la parler, pour rendre l’interprétation plus spontanée». Une chose qu’il souhaite de tout cœur : «Que la musique classique évolue au Liban, notamment au niveau de l’enseignement. Ici, les jeunes talents sont obligés de quitter le pays pour étudier à l’étranger, s’ils veulent acquérir un bon niveau. Et à l’étranger, ils reçoivent un choc culturel et professionnel. Il existe des personnes très douées, mais il faut leur assurer les moyens de cultiver leur talent. Or nous ne pouvons pas encore voler de nos propres ailes. Nous avons besoin de recourir à un corps professoral d’Europe, afin que nos jeunes puissent travailler, dès le départ, avec des personnes de très haut niveau».
Le célèbre orchestre à vent Nederlands Blazers Ensemble, composé des plus grands solistes hollandais, se produira ce soir mardi 13 mars au Bustan. Pour le Quintet à vent de Beethoven, quatre musiciens de cette formation seront rejoints par le pianiste libanais Ziad Kreidy, bientôt 27 ans, installé à Paris depuis l’âge de 18 ans. Rencontre. Cheveux coupés courts, fines lunettes, grands...