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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

CONFÉRENCE - « Années et articles » à l’Institut Cervantès - Tomas Alcoverro raconte la vie d’un correspondant de presse

Trente ans de carrière. Tomas Alcoverro, correspondant du quotidien espagnol La Vanguardia, montre à celui qui veut voir le premier «papier» qu’il a écrit hors du royaume ibérique un article publié en une, daté du 24 septembre 1970, à Beyrouth, et portant sur l’élection du président Sleiman Frangié. Cette année-là, le journaliste espagnol avait décidé d’élire domicile à Beyrouth. Une ville «francophone et cosmopolite» à partir de laquelle il a couvert, pour son quotidien, tous les événements du Moyen-Orient : la mort de Nasser et de Sadate, le Septembre noir jordanien, les deux guerres du Golfe, l’avènement de l’ayatollah Khomeyni, la partition de Chypre… et évidemment la guerre du Liban. À l’invitation de l’Institut Cervantès, Alcoverro a donné hier une conférence intitulé : «Années et articles, la vie d’un correspondant de presse» (Anos et Cronicas, vida de un corresponsal), dans laquelle il évoque son passé et se penche sur l’avenir d’un métier qui serait en voie de disparition. «Un métier qui, avec la mondialisation des moyens de communication, a bel et bien changé», indique-t-il à L’Orient-Le Jour. Le journaliste, qui a à son actif «cinq à six mille articles publiés», vit depuis trente ans à Beyrouth. Son séjour dans cette ville «de la Méditerranée orientale» a été entrecoupé de quelques années passées à Paris et à Athènes. «Je suis le doyen des correspondants étrangers au Liban», indique-t-il, un rien de fierté dans la voix. Alcoverro, qui vient d’avoir soixante ans, habite un appartement ensoleillé du quartier Hamra, non loin de l’hôtel Commodore. «Mes deux voisins, Roger Auque et Charles Grasse, qui habitaient l’un au troisième et l’autre au cinquième étage, ont été enlevés». Malgré les enlèvements et les combats entre factions à Beyrouth-Ouest, le correspondant de La Vanguardia avait décidé de ne pas quitter son domicile. Et ce n’était pas uniquement pour des raisons professionnelles. Alcoverro a vécu les années de gloire et de déchéance de Beyrouth, la ville vivante du Proche-Orient où «l’on peut connaître les deux côtés de la vie», dit-il. «C’est ici que l’on peut vivre, simultanément, la violence et la tendresse», ajoute-t-il. Comme pour plusieurs habitants de la capitale et pour certains étrangers, pour le correspondant de La Vanguardia, Beyrouth est la ville des antagonismes, «de la poudre et du jasmin». Et si au début des années soixante-dix Alcoverro a élu domicile à Beyrouth, c’est parce que «la capitale libanaise est la ville la plus accueillante et la plus libre de la région», dit-il. C’est également aussi parce que «Beyrouth est francophone». Le correspondant de La Vanguardia, qui est d’origine catalane, maîtrise la langue de Molière. Il indique que «c’est sur la presse francophone libanaise que les journalistes et les diplomates comptent – entre autres – pour être au courant des événements au Liban et dans le monde arabe. Sans cette presse, les contacts avec les réalités arabes auraient été très difficiles». Une puissance qui s’affaiblit Alcoverro sait que l’on ne choisit pas le métier de journaliste, et spécialement celui de correspondant de presse, par hasard. Avec l’expansion des moyens de communication, la puissance et le prestige de la profession se sont affaiblis. D’ailleurs, c’est toute une manière de travailler qui s’est modifiée. «On dépend beaucoup plus du siège de la publication, et on donne davantage d’importance à l’image», indique-t-il en montrant en exemple un article qu’il avait publié récemment sur la télévision du Hezbollah, al-Manar. Et pourtant, «si l’on choisit ce métier c’est avant tout pour écrire», dit-il. Grâce à la mondialisation de l’information, l’image est désormais accessible à tous. Et avec les nouveaux moyens de communication, un journaliste à l’étranger – qu’il soit correspondant ou envoyé spécial – dépend de plus en plus de l’équipe de son entreprise. On est bien loin du profil du reporter ou correspondant de guerre totalement solitaire et indépendant. Passant en revue l’histoire de la correspondance de presse, Alocoverro, qui a eu la chance de travailler au sein de la même entreprise de presse tout au long de sa carrière, rappelle à ce sujet que «ce sont les Anglais qui ont inventé ce métier durant les conflits armés du siècle dernier, notamment la guerre de Crimée». «Sans la guerre, il n’y aurait jamais eu de correspondances. Au cours des années soixante-dix, on cherchait avant tout à couvrir des conflits armés pour se faire un nom», note Alcoverro. Et durant les années soixante-dix et quatre-vingt, c’est surtout à Beyrouth – le point le plus chaud du Moyen-Orient – qu’il fallait être. «La capitale libanaise était le passage obligé de tous les journalistes de guerre», indique-t-il. «Maintenant, l’actualité se joue de l’autre côté de la frontière libano-israélienne», ajoute le correspondant de La Vanguardia. Trente ans de correspondance à partir de Beyrouth. Après avoir passé tant d’années dans une ville qui n’est pas la sienne, un correspondant étranger parvient-il à demeurer «étranger» aux événements qui touchent une partie du monde qu’il connaît bien ? Alcoverro, qui relève être resté tout au long de la guerre à Beyrouth «par conviction», indique qu’avec ses articles et ses papiers, ses lecteurs espagnols l’ont parfois accusé de «pro-arabe» ou «pro-libanais». Pourtant, c’était bien difficile au début de comprendre et de parvenir à transmettre les particularités de la situation libanaise. Et de souligner, comme beaucoup de Libanais, que «la guerre du Liban était aussi un peu ma propre guerre». Le journaliste de La Vanguardia, qui respire Beyrouth depuis trente ans, ne parvient pas jusqu’à présent à comprendre pourquoi, parfois, on décide «de lever ou de jeter l’ancre».
Trente ans de carrière. Tomas Alcoverro, correspondant du quotidien espagnol La Vanguardia, montre à celui qui veut voir le premier «papier» qu’il a écrit hors du royaume ibérique un article publié en une, daté du 24 septembre 1970, à Beyrouth, et portant sur l’élection du président Sleiman Frangié. Cette année-là, le journaliste espagnol avait décidé d’élire domicile à...