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Actualités - BOOK REVIEWS

CORRESPONDANCE - « Le petit garçon de Majdeloun », d’Anwar Accawi - Quand le Liban-Sud avait - un petit coin de paradis

WASHINGTON-Irène MOSALLI «Je m’appelle Anwar. Je suis le fils de Fouad, fils de Hassan, fils d’Abdallah, fils de Soleiman, fils d’Andraos le Sac Rouge. Je suis un descendant des chevaliers du Temple qui ont combattu les musulmans au nom du Christ et de la Terre Sainte. J’ai été élevé dans l’âpre montagne du Liban-Sud, il y a plus d’un demi-siècle et je bâtis une pyramide, depuis 1947, lorsque j’avais cinq ans. Elle représente l’histoire de ma vie qui a débuté au village de Majdeloun, ou la tour de la lune…». C’est ainsi que débute un roman qui vient de sortir en anglais aux États-Unis sous le titre The Boy from the Tower of the Moon (le garçon de la tour de la lune). Son auteur, qui s’appelle bien Anwar Accawi, est aujourd’hui professeur d’anglais à l’Université du Tennessee. Il vit aux États-Unis depuis vingt-cinq ans, il est marié à une Américaine, le couple a deux enfants, Fouad (29 ans) et Guilnard (25 ans). Mais le jeune garçon de Majdeloun est si puissamment ancré en lui que lorsque sa femme lui avait dit de coucher noir sur blanc, à l’intention de leurs enfants, l’histoire de sa famille, c’est toute l’histoire de son village natal qui a pris soudain vie sur le papier. Non loin de Joun, dans les années 50 Majdeloun (situé à 3 kilomètres de Joun), tel que l’auteur l’a connu, a été complètement détruit durant la guerre et ses habitants ont dû s’installer ailleurs. Aujourd’hui le village est en train d’être reconstruit sur des bases nouvelles. Anwar Accawi fait un récit captivant du hameau qu’il a connu et qui était un coin de paradis avec sa centaine d’habitants. Cela remonte pour lui aux années 50, lorsqu’il était enfant. Une période gravée avec beaucoup de précision dans sa mémoire et qu’il relate en quinze chapitres, dont chacun peut être une œuvre à part entière et dont l’ensemble dit l’ouverture à la modernité d’un village libanais de l’époque. Le tout non seulement bien enlevé mais réussissant à insuffler à cette expérience personnelle un intérêt plus vaste. L’un des chapitres intitulé Le téléphone a d’ailleurs obtenu en 1998 le prix de «La meilleure nouvelle américaine». Les autres évoquent Antar, La radio, Dinar, le poussin, Le gramophone, Mama, Téta, La peur, La glace, Le pressoir, L’automobile. Tous éléments, synonymes de la vie d’antan qui tirait sa substance et sa saveur des choses simples de la vie. Majdeloun était à l’origine un coin de terre béni des dieux, qui possédait tout ce qu’il fallait pour nourrir ses hommes. «Avec, en surcroît, écrit l’auteur, une sage-femme, un maître d’école, un maréchal- ferrant, un menuisier, un tisserand, un vigneron, un coiffeur-arracheur de dents et manipulateur de sangsues. Il y avait même le fou des lieux. Ce qu’il y avait au-delà était trop lointain pour qu’on y pense… Il ne manquait à ce microcosme que le sel, qui nous venait régulièrement à dos d’âne de Saïda». Les autres «intrus», (la nomade-diseuse de bonne aventure, le montreur d’ours et de singe, le montreur d’image, «Sandouk el-fergé») ne pénétraient que pour le divertissement dans cet environnement qui avait tout de l’écosystème. Ici, on savait assumer le rituel des heurs et des malheurs de l’existence. Puis, il y a eu perturbation de cette harmonie avec la nature et le destin provoquée par l’arrivée progressive de la technologie. Avec le gramophone et ses disques de tango, on néglige les danses du terroir et les veillées collectives. On s’extasie devant le premier bloc de glace apporté à Majdeloun. Le téléphone et l’automobile font sensation et font craindre aussi la transformation abrupte du tissu rural. Puis la guerre y est allée aussi de ses dévastations. Mais Majdeloun est encore omniprésent dans l’esprit d’Anwar Accawi. Il continue à connaître son village – même s’il n’existe plus – pierre par pierre, maison par maison, histoire par histoire, saison par saison. «Si Mark Twain était né à Majdeloun et non dans le Missouri, écrit la critique américaine Cynthia Ozik, son personnage le plus enchanté n’aurait pas été nommé Tom mais Anwar, un enfant vivant dans un lieu pleinement accompli, malgré l’absence de radio et de téléphone. Tout ce qui reste de l’ancien Majdeloun réside dans la mémoire d’Anwar Accawi et de l’évocation prenante et lumineuse qu’il en fait».
WASHINGTON-Irène MOSALLI «Je m’appelle Anwar. Je suis le fils de Fouad, fils de Hassan, fils d’Abdallah, fils de Soleiman, fils d’Andraos le Sac Rouge. Je suis un descendant des chevaliers du Temple qui ont combattu les musulmans au nom du Christ et de la Terre Sainte. J’ai été élevé dans l’âpre montagne du Liban-Sud, il y a plus d’un demi-siècle et je bâtis une...