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Actualités - REPORTAGES

NOTE DE LECTURE La complexité du problème libanais cernée par Nawaf Salam

En réunissant dans un seul ouvrage ses travaux des dix dernières années, publiés séparément durant la période 1988-1997, Nawaf Salam tente de cerner la «condition libanaise» 1. Cette condition, affirme d’entrée l’auteur, est celle d’un « citoyen empêché dans un Etat inachevé», un citoyen « dont le rapport avec l’État est constamment (…) perverti par les rapports multiples qu’entretiennent les communautés religieuses avec le système politique». Il en résulte, selon Salam, un «inachèvement» du statut civil libanais, puisque le citoyen est continuellement «écartelé entre deux systèmes de valeurs opposés», la structure communautaire et l’individualisme. L’auteur parvient à cerner ensuite la complexité du problème libanais à travers ses trois composantes fondamentales : les communautés religieuses, le citoyen et l’État. Les communautés religieuses ont vu leur puissance consacrée sous les régimes du double caïmacamat et de la moutassarifat qui ont institué le confessionnalisme dans le pouvoir politique. Le citoyen a été jusqu’à présent «politiquement ignoré», son droit à la participation ayant été occulté. Quant à l’adhésion à l’État, elle «ne se fit pas de manière volontaire pour tous, puisque le Pacte national de 1943 consacra le principe communautaire et la prépondérance maronite». Seul l’accord de Taëf permettra, selon Salam, «un rééquilibrage des règles de la participation au pouvoir». L’auteur s’intéresse dans une seconde partie à «l’émergence de la notion de citoyenneté en pays d’Islam». En transposant le conflit entre l’individualisme «valeur suprême de la citoyenneté» et les structures communautaires en terre d’Islam, Salam remarque que la fusion totale de l’individu dans la «Umma» a empêché l’apparition du concept de citoyenneté, malgré plusieurs éléments d’individualisme dans le Coran et les œuvres littéraires de la Jahiliya. Or, si l’exigence de l’égalité a bel et bien été consacrée par les Réformes de l’empire ottoman, la «seule entrave à l’apparition du citoyen reste du domaine de la participation politique». La condition libanaise aborde avec acuité et précision le problème de la citoyenneté libanaise, une citoyenneté «toujours à la recherche d’elle-même», véhiculée par la Nahda, décriée ensuite comme étant une «citoyenneté fabriquée», un «artifice» calqué sur les pays d’Europe. L’auteur, ardent défenseur d’une « pleine citoyenneté», met le doigt sur ce qu’il considère comme étant la plaie du système libanais, le confessionnalisme, dont l’infiltration dans la vie publique et privée a saboté la dimension civique des Libanais et de leur État. Certes, Nawaf Salam affirme que l’accord de Taëf a «sanctionné la méthode de la distribution communautaire», qu’il a «rééquilibré les règles de la participation au pouvoir», sans toutefois «contenir et transcender» les communautés religieuses. Cependant, la laïcisation, étape essentielle vers la formation d’une «pleine citoyenneté» est une pratique qui devrait commencer par le domaine privé. La laïcité n’étant pas la «séparation des affaires religieuses de celles de l’État, ni la marginalisation de la religion dans la vie de l’individu, mais le refus de voir l’organisation sociale (…) livrée à l’absolutisme des valeurs imposées par une force brutale» 2 dont les libertés publiques sont les premières victimes. 1 Nawaf Salam, La Condition libanaise, ed. Dar An-Nahar, 1998. 2 Georges Corm, Géopolitique du conflit libanais, ed. La Découverte/FMA, 1986.
En réunissant dans un seul ouvrage ses travaux des dix dernières années, publiés séparément durant la période 1988-1997, Nawaf Salam tente de cerner la «condition libanaise» 1. Cette condition, affirme d’entrée l’auteur, est celle d’un « citoyen empêché dans un Etat inachevé», un citoyen « dont le rapport avec l’État est constamment (…) perverti par les rapports...