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Actualités - INTERVIEWS

Selon l'économiste Kamal Hamdane, un virage plus radical aurait pu être pris Les mesures fiscales, un premier pas positif

Bien qu’il soit trop tôt pour effectuer une analyse approfondie des dernières mesures prises par le gouvernement au niveau du budget et des recettes fiscales, M. Kamal Hamdane, économiste de renom, a livré ses premières impressions pour les lecteurs de L’Orient-Le Jour. Pour le spécialiste, l’annonce par le gouvernement des changements dans le système de taxation est un premier pas positif, même si certaines mesures peuvent avoir des effets mitigés sur la crise économique que traverse le Liban, indépendamment de la crise financière. Pour M. Hamdane, il est important de considérer que la crise actuelle n’est pas uniquement financière, mais aussi structurelle et économique. De ce point de vue, le Liban doit connaître des réformes très importantes et une véritable refonte de la fiscalité devrait être envisagée. Une période de crise ne permet-elle pas de prendre des virages plus radicaux ? Le grand pas en avant tient dans le changement de perspective de l’imposition. Le gouvernement actuel propose en effet une pondération de l’impôt direct et indirect. Ainsi, les sociétés qui étaient imposées à 10 % sur leurs bénéfices et à 5 % sur la distribution des dividendes le seront à 15 % sur les mêmes profits et à 10 % sur les dividendes reçus. L’impôt direct passe de 10 à 25 % avec des mesures de plafonnement pour les revenus de moins de 12 millions de livres libanaises par an (pour un chef de famille ayant trois enfants). Pour l’instant, l’impôt reste toutefois calculé sur chaque revenu, dans l’attente de l’unification de l’impôt sur les revenus par foyer. Ce principe d’unification est un pas vers un système moderne de fiscalité et sera une réforme importante au Liban, même si les revenus générés pour l’État par l’impôt direct sur le revenu ne représentent que 10 % des rentrées. L’industrie devient un secteur favorisé S’agissant des changement apportés au plan des taxes indirectes, une meilleure répartition entre les marchandises et les taux a été nettement opérée. Ces changements ne peuvent pas toucher gravement les couches sociales défavorisées ou moyennes de la population. Il faut, maintenant, attendre les implications des nouvelles taxations sur le volume des importations. Toutefois, même si la demande se contracte et que les recettes fiscales diminuent, l’effet serait positif sur la balance déficitaire des paiements. Dans la situation actuelle où nous devons faire face en même temps à un endettement extérieur important et à une balance des paiements déficitaire, la diminution des importations ne peut être que salutaire. D’une manière générale, les dettes extérieures doivent être stabilisées par rapport à l’évolution du PIB. Enfin, il faut peut-être saluer particulièrement les mesures prises qui favorisent de façon tangible, et pour la première fois depuis la fin de la guerre, le secteur industriel libanais. Avec la révision de certaines taxes à la hausse et la baisse d’autres taux sur les matières premières et les produits semi-finis, c’est une véritable protection de l’industrie qui a été mise en avant, sans pénaliser la population outre mesure. Un décalage entre les mesures et la gravité de la situation Pour l’économiste Hamdane, le positif est dominant mais le niveau des mesures prises paraît en décalage avec la situation. Ainsi, a-t-on réellement évalué les répercussion d’une forte augmentation, sans nuance, de la taxe sur les tabacs ? En effet, la Régie libanaise des tabacs exporte 60% des produits qu’elle gère. Si ces quelque 500 LL par paquet vont être effectivement répercutées sur le prix de vente public, est-on certain que les grandes marques de tabac importé ne vont pas déplacer leur centre de distribution dans la région ? Cette question suppose un risque de perte d’environ 100 millions de dollars par an pour le Trésor libanais. Reste à voir si les augmentations des taxes douanières sur des produits qui touchent de la même façon les classes aisée et moyenne (vêtements, produits de beauté et autres) ne vont pas provoquer une augmentation des prix à la consommation et aboutir eventuellement à un dérapage inflationniste, contrairement à l’augmentation sur le prix de l’essence qui, elle, reste acceptable. Des mesures plus tranchées auraient pu être prises, notamment, au niveau des taxes sur le foncier ou sur les plus values immobilières, ou encore sur les revenus des bons du Trésor. Une taxation accrue sur ces postes ne touche en rien les capitalistes qui investissent dans l’outil productif. Pour autant, ces mesures auraient contribué à changer l’état d’esprit trop rentier qui perdure au Liban, aux dépens du développement de l’ensemble du pays. Pour Kamal Hamdane, le changement doit être structurel. Doivent être visés les coûts de structure trop élevés au Liban pour encourager le développement, tels celui du foncier, les coûts de l’administration, le prix de l’électricité, etc. Maintenant, selon M. Hamdane, de la réaction du secteur privé à l’ensemble des mesures proposées va largement dépendre le succès d’une réforme en profondeur pourtant nécessaire.
Bien qu’il soit trop tôt pour effectuer une analyse approfondie des dernières mesures prises par le gouvernement au niveau du budget et des recettes fiscales, M. Kamal Hamdane, économiste de renom, a livré ses premières impressions pour les lecteurs de L’Orient-Le Jour. Pour le spécialiste, l’annonce par le gouvernement des changements dans le système de taxation est un premier pas...