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Actualités - REPORTAGES

Environnement - Minimiser les pertes et maximaliser les profits, en termes écologiques Elimination des ordures : quel choix pour un moindre mal ?(photos)

Le chantier des scandales étant désormais bien en route, ce sont des dossiers de tout genre qui fermentent l’un après l’autre, avant d’éclater au grand jour, pour éclabousser tous ceux qui, des années durant, ont fait des petites affaires, parfois même des grandes, sur le compte du citoyen. Dans la foulée de ce remue-ménage administratif, voilà que ressort également du tombeau une affaire d’incinérateur de déchets qui commence à sentir bien mauvais, et pour cause : l’État aurait payé à une société italienne le prix d’une usine de traitement de détritus qui n’a jamais vu le jour. Le plus choquant dans l’affaire est qu’elle nous renvoie cruellement à une réalité amère et écœurante, (c’est le cas de le dire), qui est celle de nos déchets domestiques, toxiques, industriels, hospitaliers ou autres et dont l’avenir reste, entre-temps, bien douteux. En somme, une menace quotidienne pour notre santé et notre environnement... Si les récentes initiatives en matière d’évacuation ou d’élimination des déchets, qui ont fait suite à la fermeture des deux incinérateurs de Aamrousieh et de la Quarantaine (en juin et octobre 1997), ont apporté une solution provisoire parfois archaïque au problème, elles n’ont toutefois pas résolu la question dans son ensemble ou du moins à long terme. En effet, des failles sont à relever tout d’abord au niveau du traitement des déchets urbains, loin d’être parfait encore, malgré les efforts entrepris à ce niveau. Les opérations de traitement des déchets domestiques ne sont pas toujours effectuées dans les conditions requises, et dès que l’on s’éloigne de la «zone de nettoyage» couverte par Sukleen, on retombe dans l’amateurisme, en dépit de la bonne volonté de certaines municipalités qui s’ingénient à trouver des solutions «maisons» très timides et peu efficaces encore. Résultats : les déchets déversent leur laideur sur le bord de nos routes, pour ne parler que de cet aspect-là, et leur évacuation ou élimination nécessiterait une véritable mobilisation nationale. Quant aux déchets hospitaliers ou industriels, qui sont flanqués «on ne sait où», leur destinée reste des plus hasardeuses, de même que celle des restes d’abattoirs, laissés à l’air libre et pour lesquels l’État n’a encore rien fait malgré l’existence d’une décision ministérielle à ce sujet, note un ancien conseiller au ministère de l’Environnement, M. Talal Chartouni. L’on se souvient, bien sûr, du mouvement de protestation massif lancé il y a quelques années par les habitants de la région de Aamrousieh qui s’étaient alors insurgés contre la présence d’un incinérateur extrêmement nocif de déchets qui leur empoisonnaient la vie. Pour les «punir», la société Sukomi (société sœur de Sukleen, toutes deux affiliées à Succar Group) avait alors décidé de laisser les ordures les submerger pendant des jours. Mais, comme dit l’adage, à toute chose malheur est bon. Révoltés par ce traitement barbare qu’on leur avait infligé, les habitants s’étaient alors rués sur l’incinérateur pour y mettre le feu. La fermeture du second incinérateur de la Quarantaine n’a pas tardé à suivre, et l’histoire de l’incinération des déchets s’était arrêtée là. Greenpeace a alors repris le flambeau pour aller plus loin dans sa politique anti-incinération. Mais les solutions alternatives proposées, bien qu’attrayantes au plan écologique, ne semblent pas toujours réalistes pour un pays comme le Liban, nous explique M. Chartouni. Parmi les solutions proposées, les procédés, les plus «écolos» à savoir «un système de tri à la source (c’est-à-dire chez soi), avec mode de recyclage ou de traitement des déchets et/ou stockage de manière compatible avec l’environnement» (pour les déchets domestiques) bref, des solutions farouchement prônées par les organisations écologiques, mais peut-être irréalisables dans un pays comme le nôtre, où «le long terme» dépasse un peu l’entendement du Libanais, qui veut tout et tout de suite. La question relève aussi du contrôle et du suivi, indispensables dans un domaine comme celui du traitement des déchets. Toutefois, il est à relever que quelques-unes de ces solutions ont été adoptées par le ministère de l’Environnement après la fermeture des incinérateurs et mises en application par la société Sukleen. Cependant, le problème ne s’arrête pas là. Car, bien qu’un système de tri (a posteriori), recyclage et compostage, a été mis en place depuis près de 2 ans, la question qui reste sérieusement posée est celle des terrains disponibles pour les décharges sanitaires (à distinguer des décharges publiques), une fois une partie des déchets triés ou recyclés, car ces espaces manquent terriblement au Liban. La décharge de Naameh, un projet réalisé en urgence, n’avait pu voir le jour qu’après des négociations «politiques» bien ardues. Selon M. Chartouni, cette dernière pourra encore servir pour 2 ou 3 ans après quoi le problème sera posé à nouveau et il faudra, le temps venu, trouver d’autres endroits ou alors d’autres alternatives. Et c’est là où il faudra commencer à penser l’avenir de nos déchets et trouver des décharges sanitaires «de rechange». Les déchets hospitaliers Quant au second problème grave qui se pose, c’est celui des déchets hospitaliers pour lesquels les autorités n’ont pas encore trouvé de solutions viables. Tous le jours, ce sont quelque 46 000 kg, dont 9 000 de déchets dits dangereux, qui sont «évacués on ne sait comment» ou incinérés en plein air, dans des conditions sanitaires qui laissent à désirer. Un projet d’étude de près de 500 000 USD, financé par la Banque mondiale et entamé par la société britannique ERM, avait envisagé l’éventualité de construire un incinérateur pour résoudre ce problème, en parallèle à d’autres solutions «plus écolos», «dont les effets ne sont pas tout à fait prouvés», mais qui ont du moins la faveur de Greenpeace. Les résultats de l’étude n’ont toujours pas été publiés, nous explique M. Chartouni, qui pense que l’incinérateur reste la solution la plus radicale et la plus réalisable pour la question des déchets hospitaliers, surtout ceux qui sont toxiques, ou pire encore, les rebuts dangereux qui se baladent dans la nature, «comme les seringues, par exemple, qui peuvent être porteuses de sida». Alors la question reste entière: entre «les émissions hautement toxiques» comme l’affirment les écolos et spécialistes de l’environnement, dont seraient responsables les incinérateurs, et le risque d’être bêtement contaminé par une seringue qui traîne sur nos plages publiques ou encore le danger d’aspirer les émissions des déchets hospitaliers brûlés, ici et là, de manière incontrôlée, le choix reste celui du moindre mal, bien sûr. Mais qui pourra donc définir quel est le moindre mal ? Alors que la tendance mondiale est, de plus en plus, à la condamnation des incinérateurs (une condamnation pas toujours justifiée dans certains cas), et que les coûts d’une telle opération sont généralement bien élevés, l’on comprend l’hésitation des responsables à opter pour un mode d’élimination de nos déchets par un système d’incinération. Cependant, nous explique M. Chartouni, l’expérience européenne en ce domaine n’est pas pour autant négative et, dans la majorité des cas, les résultats ont été positifs car conformes aux standards internationaux pour ce qui concerne les émissions de gaz. «Pourquoi devons-nous alors être plus royaliste que le roi» ?, note-t-il. Quant aux incinérateurs de Aamrousieh et de la Quarantaine, devenus extrêmement vétustes, ils ne correspondaient aucunement aux normes de salubrité, d’où la raison de leur fermeture, explique-t-il. Cela ne signifie pas pour autant que l’idée doit être complètement rejetée, surtout pour ce qui est de l’élimination des déchets hospitaliers. Mais la réponse viendra d’un autre expert international qui pense que les incinérateurs, dont l’efficacité et la salubrité ont été amplement prouvées en Europe, restent des outils un peu dangereux pour le tiers-monde et les pays en voie de développement car de telles usines ont besoin d’un suivi et d’un contrôle très rigoureux, «ce dont ces pays sont incapables d’assurer», ajoute-t-il. De plus, le débat autour des résidus en métaux ( issus du procédé d’incinération et qui sont hautement toxiques) reste entier et suscite pas mal de contestations de par le monde. Mais là encore, un choix est à faire, qui est peut-être celui de minimiser les pertes et de maximiser les profits, en termes écologiques bien entendu, et ce, en trouvant le juste équilibre entre environnement, santé et faisabilité économique. Une équation bien difficile somme toute, mais non moins urgente.
Le chantier des scandales étant désormais bien en route, ce sont des dossiers de tout genre qui fermentent l’un après l’autre, avant d’éclater au grand jour, pour éclabousser tous ceux qui, des années durant, ont fait des petites affaires, parfois même des grandes, sur le compte du citoyen. Dans la foulée de ce remue-ménage administratif, voilà que ressort également du tombeau...