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Actualités - CONFERENCES DE PRESSE

Polémique - Le chef du PSP a finalement renoncé à appliquer sa propre justice Le pouvoir marque un point contre Joumblatt

Le chef du Parti socialiste progressiste (PSP) Walid Joumblatt a occupé au cours du week-end de Pâques les devants de la scène politique en engageant avec le pouvoir une véritable épreuve de force, notamment au sujet du rapport de la Cour des comptes mettant en cause des membres de l’ancien gouvernement de Rafic Hariri dans des irrégularités financières. M. Joumblatt n’a pas mâché ses mots à l’égard des dirigeants, et est même allé jusqu’à menacer de recourir à sa «propre justice» et à celle de son parti pour retrouver et juger l’individu qui a pillé il y a quelques semaines la retraite de son père, Kamal Joumblatt. Mais, à la suite d’une riposte en règle du pouvoir qui l’a mis au défi de mettre ses menaces à exécution et l’a implicitement accusé d’être un «criminel» et un «bandit», le chef du PSP a visiblement jugé être allé trop loin. Tout en gardant un ton élevé à l’égard des dirigeants, il a annoncé dimanche soir qu’il allait s’en remettre à la justice de l’État, cette même justice qu’il dénigrait quelques heures plus tôt. Ce nouvel épisode de la guerre des mots entre M. Joumblatt et le régime a commencé lors d’une conférence de presse tenue dans la journée de dimanche à Moukhtara. D’emblée, le chef druze est passé à l’attaque, ironisant sur «les excuses» présentées par le premier ministre Sélim Hoss à l’homme d’affaires Robert Moawad dans l’affaire des antiquités de l’ex-palais Pharaon. «C’est bien d’avoir présenté des excuses. Mais qui s’excusera auprès de moi pour les attaques qui m’ont visé à la suite des propos que j’ai tenus il y a quelque temps et qui ont été interprétés comme étant des injures personnelles (au chef de l’État) Émile Lahoud» ? s’est-il interrogé. «Mon intention n’était pourtant nullement d’injurier Lahoud et je l’ai dit». «Qui donc va aussi présenter ses excuses à Rafic Hariri, maintenant que la Cour des comptes s’est transformée en une cour destinée à porter atteinte à la dignité des personnes?», a ajouté M. Joumblatt. Revenant à l’affaire Moawad, il s’est posé un certain nombre de questions : «Cette affaire est bizarre. Comment (M. Hoss) peut-il présenter ses excuses ? Qui a déclenché le processus judiciaire contre Robert Moawad? Qui actionne la justice ? Il semble que la justice soit aux mains des fantômes, qui sont d’ailleurs partout, dans les douanes, dans les administrations, dans chaque village, chaque maison et au sein de chaque famille», a-t-il estimé. Pour lui, «le régime libanais transparent s’est transformé en un régime des services (de sécurité)». «Voilà ce qu’est l’avenir du Liban, après que les acquis de Taëf, notamment ceux relatifs à la participation au pouvoir, eurent été avortés», a-t-il dit. «Mais nous sommes en mesure de répondre à cela, puisque c’est maintenant la dignité des gens qui est visée», a-t-il averti. «Ce climat me rappelle celui qui prévalait en 1975. Chacun est contraint de défendre sa dignité par ses propres moyens, parce qu’il semble que l’État n’est capable que d’injurier les gens et les symboles nationaux. Nous sommes prêts à nous défendre, car nous sommes forcés de riposter aux fantômes et aux services (de sécurité)», a poursuivi le chef druze. Évoquant le cambriolage de la retraite de son père, il a indiqué avoir «attendu longtemps et en vain» les résultats de l’enquête, mais que des «investigations privées» lui ont permis d’identifier le cambrioleur. «Nous appliquerons la justice du parti à l’encontre de tels criminels. Voilà à quoi nous sommes réduits dans un État qui se veut transparent et respectueux du droit», a-t-il encore dit, accusant les dirigeants de lancer de «faux slogans». Pour autant, le chef du PSP a affirmé qu’il ne voulait pas fermer la porte du dialogue avec le régime, «s’ils le veulent, ou plutôt s’il le veut», dans une allusion au président de la République. Un journaliste lui ayant posé la question de savoir si le nom du cambrioleur a été transmis aux autorités concernées, M. Joumblatt a répondu : «Non, parce que nous ne leur faisons pas confiance. Lorsque la justice n’a plus d’autre rôle que d’assiéger les symboles nationaux, nous ne croyons plus en elle. Il n’y a pas de justice indépendante, ni dans la forme, ni dans le fond». Tout en se disant conscient du fait qu’il existe «un appui syrien» au régime, le chef druze a admis qu’il se trouvait sur «la même ligne politique générale» que M. Lahoud. «Le problème, ce sont les agissements des fantômes. Ce (M.) Hoss reconnaît lui-même que des fantômes ont actionné la justice. Mais (M.) Hoss et les autres devraient aussi présenter leurs excuses aux symboles nationaux», a-t-il conclu. La riposte du pouvoir Aussitôt après le déclenchement des hostilités par M. Joumblatt, la riposte du pouvoir est venue sous forme d’un communiqué de l’Agence nationale d’information (Ani, officielle). Pour ce texte, les propos tenus par le chef du PSP ont «suscité de nombreuses interrogations et beaucoup d’étonnement, notamment lorsqu’il parle d’appliquer la justice du PSP à l’encontre de ceux qui ont saccagé la retraite de Kamal Joumblatt et lorsqu’il réclame du chef du gouvernement Sélim Hoss de lui présenter ses excuses ainsi qu’à d’autres pour ce qu’il prétend être des injures». «M. Joumblatt semble oublier qu’il n’est pas dans une position lui permettant de juger quiconque, ni par le biais de la justice de son parti, ni par sa justice personnelle (…). Le temps où sa justice faisait la loi est révolu à jamais. Il n’a qu’à essayer pour voir qu’il n’échapperait pas à la sanction du droit, pas plus que tous ceux qui se considèrent au-dessus des lois», ajoute le communiqué. «Car il existe une catégorie (d’hommes politiques) du type de M. Joumblatt qui considère que les lois ne devraient être appliquées que sur les criminels et les bandits de second ordre, et que les grands, eux, devraient y échapper. Mais pour l’ensemble des Libanais, il est temps que les ténors du crime et du banditisme soient sous l’empire de la loi», poursuit le communiqué. «Quelque puissant que soit l’État, il est tenu de présenter ses excuses lorsqu’il se trompe. Mais l’État n’a nullement à s’excuser auprès d’un criminel ou d’un bandit du simple fait que celui-ci se croit plus fort et plus grand», conclut le texte. Mais le pouvoir ne s’est pas contenté de cette riposte. Dimanche soir, Télé-Liban a poursuivi les hostilités en s’employant dans une introduction au bulletin télévisé à donner une dimension plus politique à cette querelle. Le journaliste de la télévision publique a ainsi présenté le chef druze comme étant «opposé au courant nationaliste» qui domine actuellement le pays «avec l’appui de la Syrie». La violence de la réaction du pouvoir a sans doute amené M. Joumblatt à amorcer un repli, du moins en ce qui concerne ses intentions de justice privée. Il a ainsi annoncé, lors d’une intervention télévisée, qu’il comptait transmettre aux autorités le nom du cambrioleur de la retraite de son père, tout en proclamant son intention de porter plainte pour diffamation contre l’Ani. Hier, le PSP a confirmé dans un communiqué que le nom du cambrioleur a été transmis au directeur général de la Sûreté générale, le brigadier Jamil Sayed. Le parti s’est en outre employé à minimiser les propos de son chef et s’est déclaré «entièrement disposé à coopérer» avec la justice.
Le chef du Parti socialiste progressiste (PSP) Walid Joumblatt a occupé au cours du week-end de Pâques les devants de la scène politique en engageant avec le pouvoir une véritable épreuve de force, notamment au sujet du rapport de la Cour des comptes mettant en cause des membres de l’ancien gouvernement de Rafic Hariri dans des irrégularités financières. M. Joumblatt n’a pas mâché...