Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

Recherche scientifique - Il manque au Liban un réseau d'observation des phénomènes sismologiques Le centre national de géophysique n'a pas des moyens à la hauteur de ses ambitions (photo)

Les grands tremblements de terre imprègnent toujours la mémoire des peuples, notamment celle des Libanais : Baalbeck détruite lors d’un violent séisme, Beyrouth en ruines maintes fois au cours de l’histoire… La hantise d’un tremblement de terre destructeur a récemment accompagné les images de la catastrophe turque à Izmit (qui se trouve cependant sur une autre faille que le Liban). Même s’il est encore presque impossible de prévoir les secousses, l’idée d’un centre national de géophysique, chargé de présenter des informations sismologiques objectives et d’analyser les événements de ce type, s’est imposée dès 1975. C’est cette année-là que le centre a été fondé par décret, sur l’initiative du Conseil national de recherche scientifique (CNRS). L’observatoire de Ksara qui assurait jusque-là ce genre d’activités était alors sur le point de fermer ses portes. Mais le début des événements a retardé la mise en pratique du projet qui n’a effectivement été lancé qu’en 1980. Le directeur du centre, M. Iskandar Sursock, se souvient que l’équipe avait alors sollicité l’hospitalité des Sœurs de la Charité à l’hôpital de Bhannès (caza du Metn). «Nous leur avons expliqué que le site très calme était idéal pour des études sismologiques, et elles ont coopéré avec nous», dit-il. Cet arrangement provisoire devait durer quelques années seulement. Mais le centre est toujours établi sur le site... L’équipe devrait cependant transporter bientôt ses équipements à l’endroit qui était initialement prévu pour elle, au site de Qsaybeh (caza du Metn), assez préservé et isolé pour être propice à ses études. «Notre activité s’étend sur tout le Liban, ce qui veut dire que nous devrions être dotés de centrales dans tout le pays en vue d’obtenir des informations vraiment fiables», précise M. Sursock. La station centrale sera évidemment Qsaybeh. Mais ce n’est qu’un réseau sismique qui permettrait aux chercheurs de déterminer les événements naturels de ce genre. «Nous devrions commencer avec quatre stations qui devraient être construites sous peu», affirme-t-il. «Mais nous faisons encore pâle figure devant les 27 stations de Syrie et les 40 autant en Jordanie qu’en Israël». Et dire qu’à la création du centre en 1975, il n’existait aucun réseau sismique dans la région !… Une spécialité négligée Cependant, M. Sursock note la volonté du CNRS d’investir dans ce domaine et d’accorder un maximum d’importance à la question. «Mais nous ne pouvons pas aller plus loin que nos moyens humains nous le permettent», remarque M. Sursock. En effet, selon lui, le problème principal du centre n’est pas le financement mais le manque de personnel qualifié. «Les étudiants se dirigent tous vers les mêmes disciplines et négligent la géophysique qui est pourtant si nécessaire au pays et si intéressante», déplore-t-il. «Je lance un appel aux universités afin qu’elles créent des départements de géophysique aujourd’hui inexistants. Le désintérêt envers la discipline est considérable. Depuis peu, le CNRS a offert une bourse pour des études de géophysique et personne ne s’est présenté. Quant aux personnes qui ont passé au centre, elles se sont dirigées soit vers des activités plus lucratives, soit vers des offres à l’étranger». Aujourd’hui, le centre compte cinq membres. Quant au financement du centre, il est assuré pour la plus grande partie par le CNRS. Le budget officiel de cette année a atteint les 140 millions de livres libanaises. Mais le centre prend part à des projets dans le cadre du programme français CEDRE, et profite aussi des contributions de l’ambassade de France et de l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP). Il ne faut pas non plus oublier un partenariat avec l’Unesco qui a financé le centre durant les événements. Interrogé sur le rôle des sismologues, M. Sursock en évoque deux : «D’une part, les sismologues doivent donner un certain nombre d’éléments objectifs quand un événement a lieu. Leur rôle se limite à cela dans ces cas-là. D’autre part, entre deux événements, un sismologue est occupé à faire des recherches. En effet, il appartient à une communauté internationale de sismologues et ne travaille pas seul. Toutes les informations sont accumulées dans une banque de données pour être disponibles à ceux qui en auraient besoin». Sociétés modernes : dangers plus grands Le problème du sismologue est en effet d’identifier les failles actives dans le pays (celles qui peuvent causer des tremblements de terre), mais aussi de connaître les phénomènes qui peuvent causer des séismes. À quoi cela servirait-il pour la prévention ? «Les tremblements de terre sont plus destructeurs s’il y a une défaillance de terrain», répond-il. «Les sociétés modernes ont créé les faiblesses qui permettent à la nature de les atteindre. Elles accumulent les bâtiments élevés, les infrastructures… Plus il y a de richesses, plus il y a de risques de perdre davantage. Le danger ne diminue pas mais augmente au contraire, et une grande ville est plus exposée qu’un petit village, vu sa superficie». En d’autres termes, il serait possible de protéger des vies, mais cela coûterait des sommes énormes. Selon M. Sursock, il est difficile aux gouvernements de donner force de loi à un code parasismique, sous peine de risquer d’arrêter la construction. Mais, alors, pourquoi ne pas déterminer les espaces constructibles ? «Sur ce point, des ingénieurs du monde entier se sont trompés», souligne-t-il. «À titre d’exemple, la secousse terrible qui a touché Kobé au Japon en 1994 a surpris tout le monde car il n’y avait pas eu de tremblements de terre dans cette région depuis mille ans !» Est-il important de savoir comment construire un bâtiment afin qu’il soit moins vulnérable aux séismes ? Ce qu’il est plutôt vital de connaître, indique M. Sursock, c’est comment le terrain se comporte lors d’une secousse. Une erreur commune consiste à construire solidement sur un pilotis ou sur une pente. Il y a cependant certains modèles architecturaux qui sont plus vulnérables aux tremblements de terre que d’autres. Selon la loi libanaise, un mécanicien des sols se rend sur le site avant que le permis de construire ne soit délivré. Mais en fin de compte, on ne peut pas aller à l’encontre des intérêts d’une société».
Les grands tremblements de terre imprègnent toujours la mémoire des peuples, notamment celle des Libanais : Baalbeck détruite lors d’un violent séisme, Beyrouth en ruines maintes fois au cours de l’histoire… La hantise d’un tremblement de terre destructeur a récemment accompagné les images de la catastrophe turque à Izmit (qui se trouve cependant sur une autre faille que le Liban)....