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Actualités - REPORTAGES

Exposition - A partir du 21 novembre dans le square Saint-Nicolas, à Achrafieh Un jardin rénové et une bouffée d'air frais pour les sculptures de Lavarenne(photos)

Sans bénéficier d’aucune aide, pas même symbolique, du «grand machin», plus connu sous le nom de Beyrouth, capitale culturelle du monde arabe 1999, Fadi Mogabgab a remporté de haute lutte le défi qu’il s’était lancé : présenter les sculptures du Français Nicolas Lavarenne dans le jardin Saint-Nicolas d’Achrafieh. Ce jeune galeriste, dernier arrivé dans le petit monde des marchands d’art, a découvert, en juin 1998, Le grand passeur, une sculpture sur échasses de 6 mètres de hauteur, conçue pour être placée sur un plan d’eau. «Mon enthousiasme était tel que j’ai commencé à élaborer mon projet sans même avoir rencontré l’artiste», explique-t-il. «Mais cette pièce gigantesque devait être installée dans un espace ouvert muni d’un bassin : le jardin Saint-Nicolas était idéal». Fadi Mogabgab, avec la participation de Carole Debbané, tenait avant tout à exposer ces œuvres dans un lieu stratégique : «Dans un premier temps, j’ai pensé au centre-ville, à sa proximité du ring, lien par excellence entre les deux parties de la capitale». Mais les difficultés étaient trop importantes pour la construction d’un plan d’eau. Le jardin Saint-Nicolas, doté d’un bassin de 40 mètres de long, est en bordure de l’avenue Fouad Chéhab, prolongement direct du ring, et d’un quartier d’affaires et de commerce très vivant. Restait, tout de même, à convaincre Nicolas Lavarenne. Le galeriste le rencontre dans son atelier, à 40 km de Genève. L’artiste donne rapidement son accord pour l’envoi d’une vingtaine de pièces. Dès que le mohafez de la ville de Beyrouth donne, en septembre, son accord pour l’exploitation et la rénovation du jardin, la longue procédure administrative et de recherche de sponsors peut commencer. «Ces cinq mois passés à présenter inlassablement mon projet à toutes les entreprises et à toutes les administrations m’ont laissé un goût assez amer car, contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce ne sont ni les plus nantis, ni les plus» ouverts à la culture «qui se sont montrés les plus coopérants» : Fadi Mogabgab n’en dira pas plus, mais a décidé d’agir à plus long terme : il ne se contente pas de «rafistoler» l’espace qui lui est prêté jusqu’au 19 décembre. «Je trouve dommage que ce jardin, un des rares de la ville et très bien situé, soit voué à l’oubli et à une lente détérioration. Il ne mérite pas ce sort». Alors, à partir de janvier 2000, le jardin Saint-Nicolas, grâce à la participation de quelques artisans et entrepreneurs, devrait renaître de ses cendres : restauration complète du bassin, des toilettes, et des bancs. Quant aux bosquets et aux arbres, ils attendent des personnes de bonne volonté. Un lieu public qui revit grâce à une initiative collective privée, voilà comment rester dans la droite ligne de la «politique sociale et culturelle» de l’État. Mais qui s’en plaindrait? Des sculptures qui se sentent pousser des ailes Heureusement pour lui, Nicolas Lavarenne, pour sa première exposition au Moyen-Orient, n’a pas eu autant de déboires. Cet artiste «méditerranéen» a vécu 40 ans à Nice avant de s’installer dans le nord-est de la France. «Je passe trois semaines dans le calme pour me replonger une semaine dans l’atmosphère du midi, lorsque je vais à la fonderie, à laquelle je reste fidèle, comme à la galerie chez qui j’ai débuté. Je n’oublie pas mes racines et mes amis». Né en 1953, Nicolas Lavarenne n’a eu qu’assez tardivement «la conscience d’être un artiste» : «J’ai obtenu mon baccalauréat technique et mécanique, et j’ai longtemps travaillé dans la sculpture d’ornement sur bois. D’un point de vue mental, j’étais encore un technicien, un artisan, contrairement à l’artiste, pour qui tout est doute et questionnement». C’est en 1983 qu’il commence à se découvrir : «Ma première sculpture était en bois, une matière que je connaissais bien. Elle représentait une femme en position fœtale, les mains sur les yeux, avec un enfant, et mesurait une vingtaine de centimètres». Un an plus tard, il commence à exposer. Depuis cette date, il crée «les sculptures qui le dévorent», d’abord sur bois, puis sur cire et sur plâtre. Nicolas Lavarenne n’a jamais sculpté que des corps humains, extrêmement réalistes : «J’ai appris l’anatomie seul, parce que l’écriture du corps me fascine : l’œil lit très précisément une attitude : il est capable de la reconnaître de très loin. Pour moi, chaque muscle est une lettre de l’alphabet du corps humain». Cette étude très rigoureuse lui évite de se servir de modèle : «À partir de mes connaissances, je recrée le corps à ma façon». Mais accepter d’être un créateur n’a pas été facile : «J’ai eu pendant longtemps la douloureuse impression de créer des choses mortes, comparées à la femme, qui donne la vie. Une amie astronome m’a aidé à passer ce cap difficile, en me disant que découvrir une étoile, c’était comme donner naissance à une sculpture : on la fait vivre au regard des autres». L’artiste a principalement créé des sculptures masculines, d’abord parce qu’il «préfère les femmes en vrai!», ensuite parce qu’il «aime l’énergie musculaire du corps de l’homme, son côté corsé». C’est à partir de 1991 qu’il a commencé à produire les pièces sur tiges qui composent une partie de son exposition libanaise : «La sculpture possède en elle l’inertie : c’est cette sacralisation de la statue au sol, accrochée à son piédestal, que j’ai voulu projeter dans le ciel. Les tiges sont les lignes de force de ce mouvement, qui se veut le plus léger possible». Du Grand passeur, créé en 1994, Nicolas Lavarenne dit qu’«il (l’) a dépassé, et (le) dépasse encore». Il lui est pourtant «venu avec une facilité déconcertante»... Après avoir présenté ses sculptures en Angleterre, au Danemark, en Italie et en Allemagne, l’artiste apprécie «les expositions urbaines qui permettent d’offrir au passant une vision qu’il peut s’approprier très facilement», même s’il confie que ses nus sont régulièrement exposés «à des obscénités et à des critiques». Nicolas Lavarenne a sculpté une soixantaine de pièces en quinze ans, mais il semble être encore «sous le choc de la découverte», à l’image d’un de ses premiers travaux : un tronc d’homme, encastré dans un morceau de verre. Il s’intitule S’en sortir.
Sans bénéficier d’aucune aide, pas même symbolique, du «grand machin», plus connu sous le nom de Beyrouth, capitale culturelle du monde arabe 1999, Fadi Mogabgab a remporté de haute lutte le défi qu’il s’était lancé : présenter les sculptures du Français Nicolas Lavarenne dans le jardin Saint-Nicolas d’Achrafieh. Ce jeune galeriste, dernier arrivé dans le petit monde des...