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Actualités - INTERVIEWS

Francophonie - Interview exclusive de Boutros-Ghali à l'Orient Le Jour Le sommet de 2001 symbolisera la renaissance du Liban (photo)

M. Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), donnera aujourd’hui à Beyrouth le coup d’envoi des préparatifs du sommet que tiendront à la fin de l’année 2001 les chefs d’État et de gouvernement d’une cinquantaine de pays ayant en commun l’usage de la langue française. M. Boutros-Ghali répond à une invitation qui lui avait été adressée l’année dernière par le président Émile Lahoud lors des assises francophones de Moncton, au Canada. La date précise du sommet de Beyrouth n’a pas encore été fixée et elle le sera probablement au cours des réunions de travail que tiendra le secrétaire général avec les présidents Émile Lahoud et Sélim Hoss ainsi qu’avec le vice-président du Conseil, M. Michel Murr, qui préside par ailleurs la commission ministérielle chargée de l’organisation du sommet. Avant son départ pour Beyrouth, M. Boutros Boutros-Ghali a accordé à L’Orient-Le Jour une interview exclusive dans laquelle il souligne l’importance de cette conférence aussi bien pour le Liban que pour le monde francophone. Il développe dans ses réponses les transformations fondamentales vécues par la communauté internationale francophone qui, depuis le sommet de Hanoi en 1997 et par décision prise en séance plénière, est devenue une institution politique internationale à part entière. Le secrétaire général rappelle également l’importance de la coopération économique entre les membres de l’OIF, invitant les organismes et entreprises du monde francophone à participer activement au développement des pays adhérents, dans le cadre d’une stratégie commune. Au sujet des tentatives d’Israël visant à adhérer à la communauté francophone, M. Boutros-Ghali indique que les statuts de l’OIF imposent un consensus de tous ses membres pour toute nouvelle adhésion et que, dans le cas d’Israël, il y a une objection libanaise du fait de la non-application par Tel-Aviv des résolutions de l’Onu sur le retrait de ses troupes du territoire libanais. « Le génie de Sadate » Sur la situation de la langue française dans le monde, le secrétaire général, tout en reconnaissant la prédominance de l’anglais, plaide en faveur du renforcement de la langue de Molière afin qu’elle reste la deuxième langue dans les pays où elle n’est pas la langue maternelle. Au plan personnel et sur un ton de confidence, l’ancien secrétaire général des Nations unies évoque les circonstances de son départ de la Maison de verre et la décision américaine de mettre fin à sa mission. Évoquant, vingt ans après, l’époque où il était aux côtés du président Sadate l’un des architectes des accords de paix israélo-égyptiens, M. Boutros Boutros-Ghali rend hommage au «génie de Sadate», qui, dit-il, «comme Moïse, n’a pas vu la Terre promise». – L’Orient-Le Jour – Votre visite a Liban donne-t-elle le coup d’envoi des préparatifs du sommet de l’OIF prévu à Beyrouth en 2001 ? Boutros Boutros-Ghali – «Ma visite officielle au Liban répond à une invitation qui m’a été adressée à Moncton par le président Émile Lahoud et voudrait être effectivement le point de départ des préparatifs du prochain sommet de l’Organisation internationale de la francophonie qui se tiendra à Beyrouth en l’an 2001». – Quelle est l’importance de ce sommet pour le Liban et pour la communauté francophone ? – «Le sommet de Beyrouth sera important pour plusieurs raisons. D’abord, du point de vue chronologique, il s’agira du premier sommet du nouveau siècle. Ensuite, c’est le premier sommet qui se tient dans une capitale arabe et le premier au Liban après la guerre qui a déchiré le pays pendant plus de quinze ans. Enfin, ce sommet, qui rassemblera une cinquantaine de chefs d’État et de gouvernement, symbolisera la renaissance du Liban et le nouveau rayonnement culturel de ce pays et qui a toujours été une de ses spécificités. En dernier lieu, ce sommet a choisi, en accord avec le président de la République libanaise, un thème extrêmement intéressant, qui sied bien au Liban et qui est : “Le dialogue des cultures”. Le Liban ayant aussi bien une culture arabe que française et anglaise, ayant une coexistence de plusieurs traditions, de plusieurs religions, ce qui signifie le dialogue. C’est là encore une valeur symbolique. Ce sera en somme la fête de la renaissance du Liban, la fête du nouveau départ du Liban et une occasion d’avoir des contacts directs, avant et après le sommet, avec une cinquantaine de chefs d’État et de gouvernement». Des centaines de journalistes – Quelles sont les principales parties et les personnes engagées dans l’organisation du sommet de Beyrouth ? – «Je suis accompagné par un “technicien” qui a déjà préparé le sommet de Hanoi et qui était aussi à Moncton. Il s’agit de l’ambassadeur Michel André, qui prendra contact avec les différents services libanais afin de décider de ce qu’il convient de faire. De plus, nous avons avec nous les responsables de nos services qui seront chargés de repérer les lieux où se tiendront les conférences et étudier diverses questions ayant trait notamment à l’hébergement des participants. De plus, avant et pendant le sommet, il y a des manifestations pour la jeunesse, des manifestations artistiques et culturelles. Cette série d’événements reflète l’image du Liban comme ce fut lors de l’exposition “Liban, l’autre rive” organisée à l’Institut du monde arabe, à Paris. De telles manifestations au Liban sont d’autant plus intéressantes que plusieurs certaines de journalistes étrangers seront sur place lors du sommet ainsi que des centaines de participants dont vous pourrez focaliser l’attention sur le Liban, comme ce fut le cas à Moncton et dans les autres pays où se sont tenus nos sommets». – Depuis des années, Israël frappe à la porte de l’OIF pour y avoir un statut de membre à part entière ; quelle est votre position à ce sujet ? – «Tout d’abord, je n’ai jamais reçu une demande d’adhésion de la part d’Israël. Par ailleurs, il faut savoir que la décision d’admettre un nouvel État est prise par consensus. Et le Liban nous a expliqué plus d’une fois, à moi-même et à mes prédécesseurs, que tant que la résolution 425 ne sera pas appliquée, il ne pouvait accepter l’adhésion à l’OIF d’un État qui occupe le territoire d’autrui». – Pensez-vous que la langue française est en perte de vitesse dans le monde et que pourrait faire l’OIF pour éviter une véritable régression ? – «La langue internationale est la langue anglaise et on sait bien que le français est une seconde langue. La communauté francophone voudrait que la langue française reste la seconde langue. Au Liban ou en Égypte, par exemple, le français est une troisième langue et elle vient après l’arabe et l’anglais. Le français est une première langue dans deux pays seulement : la France et le Québec. Dans tous les autres pays, le français est, au mieux, une deuxième langue. Dans les rapports sur l’activité de l’OIF, des actions sont signalées dans diverses régions du monde pour le soutien de l’enseignement de la langue française. Cela est au cœur de notre mission et du rôle de notre organisation». Le rapport sur Cana – Pourriez-vous évoquer avec nous les circonstances de votre départ du secrétariat général des Nations unies ? – «Je peux dire que la décision de demander mon départ avait été prise (par les Américains) avant mon rapport sur le massacre de Cana. Mais j’espérais – et ma stratégie était basée sur cela – qu’une fois réélu, le président Clinton changerait d’avis. On m’a proposé une sorte de transaction aux termes de laquelle mon rapport sur Cana serait un rapport oral. Mais j’ai tenu, pour rester fidèle à mes principes, que le rapport soit écrit». – Que ressent aujourd’hui Boutros Boutros-Ghali, l’architecte de la paix israélo-égyptienne tant décriée à l’époque par une bonne partie de l’opinion arabe ? «À l’époque, un de mes qualificatifs était : “L’architecte académique du défaitisme arabe”. Aujourd’hui, il faut être très humble. Vingt ans après, je pense que Sadate avait du génie et qu’il était un visionnaire. Il est allé jusqu’au bout. Bien que, comme Moïse, il n’ait pas vu la Terre promise». – Quel conseil donneriez-vous aux négociateurs libanais, demain aux pourparlers de paix ? – «C’est un principe sacré dans toute négociation de ce genre que de défendre l’intégrité territoriale et, dans le cas du Liban, ce principe sacré est de demander constamment le retrait inconditionnel des troupes israéliennes du territoire libanais». – Quid du problème des réfugiés palestiniens, du point de vue des principes et du droit international ? «Je connais la position du Liban et je pense que c’est là un des problèmes les plus délicats qu’il faudra négocier. Il faudra trouver une solution qui tienne compte de la spécificité libanaise aussi bien que de la dimension humanitaire du problème de ces réfugiés». – Pourrait-on imaginer que le problème des réfugiés palestiniens soit débattu lors du sommet de l’OIF ? – «Le sommet hésite à aborder des problèmes déjà saisis par d’autres organisations et ce, afin d’éviter la multiplicité des médiateurs. Le véritable danger dans un tel conflit est qu’à côté du conflit entre les protagonistes, il y a un second conflit qui oppose les médiateurs. Pourquoi dès lors compliquer les choses ? On peut soutenir une cause et éviter d’intervenir en médiateur». – Souhaitez-vous adresser un message aux Libanais à l’occasion de votre visite dans notre pays ? – «Je voudrais exprimer ma grande admiration pour le dynamisme du peuple libanais, pour son courage et son esprit d’ouverture sur le monde extérieur et enfin pour son rôle de porte-parole, de catalyseur et de pont entre le monde arabe d’une part et le monde occidental de l’autre».
M. Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), donnera aujourd’hui à Beyrouth le coup d’envoi des préparatifs du sommet que tiendront à la fin de l’année 2001 les chefs d’État et de gouvernement d’une cinquantaine de pays ayant en commun l’usage de la langue française. M. Boutros-Ghali répond à une invitation qui...