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Actualités - CHRONOLOGIE

Les sorties de la semaine "Jeanne d'Arc" : un message revisité (photos)

C’est normal : devant sainte Jeanne, tout le reste (de la programmation) s’efface. Une programmation d’ailleurs peu prodigue en nouveautés : «Dudley Do. Right», de Hugh Wilson, est une modeste comédie de série. Si le film de Luc Besson va probablement attirer du monde, la réaction de notre public risque fort d’être mitigée. L’auteur de «Nikita» et de «Léon» (entre autres films notables) ne pouvait «voir» la Pucelle d’Orléans de la même manière que Fleming, Preminger, Bresson ou, encore moins, Dreyer. Le résultat est là : il faut aller en juger. Cependant que «Bulworth» et «Tout sur ma mère» se défendent plutôt bien, ce qui n’est pas le cas de «Fight Club». Sorties annoncées : pour le 23, «End of Days» (Peter Hyams) et «Austin Powers : The Spy Who Shagged Me» (Jay Roach) – et, pour le 24, «An Ideal Husband» (Oliver Parker) et «American Pie» (Paul Weitz). Entre fantastique et métaphysique The Messenger : The Story of Joan of Arc, de Luc Besson Jeanne d’Arc n’apportait pas un message. Elle était le message. La dimension du personnage est tellement extraordinaire (au sens étymologique du terme) qu’il était impossible de la gommer, et Besson n’y a certainement pas pensé. Daniel Bensaid écrivait très justement dans Libération : «La force de Jeanne, ce par quoi elle fascine et défie auteurs et réalisateurs, c’est un fragile équilibre entre l’histoire et le mythe. Ses énigmes, ses mystères, ses parts d’ombre sont offerts à un interminable travail de mémoire...». «Pour savoir quoi penser, écrit de son côté Frédéric Strauss (dans les Cahiers du Cinéma) en parlant du Dauphin français recevant Jeanne à Chinon, il demande à “voir” et donne à Jeanne les moyens de lui montrer ce dont elle se dit capable. Tout Besson est là...». Donc, pas question d’une imagerie religieuse conventionnelle. Dès le départ, Besson propose une motivation freudienne à la mission de Jeanne. Sur ce point, il serait intéressant de connaître les références du cinéaste. A-t-il imaginé (comme c’est probable ?) la scène du viol de la sœur de Jeanne [1], un épisode qui traumatise la jeune bergère au point de la transformer en guerrière obsédée par le désir de vengeance ? Par ailleurs, au détriment des «voix», Besson privilégie les «visions». Des visions qui reviendront fréquemment en flash-back, au cours du film, d’où la distorsion fantastique mentionnée ci-dessus. Parallèlement, l’intervention divine (par moments «christique») dans l’itinéraire héroïco-tragique de Jeanne est toujours perceptible. Ici, il convient de citer le cinéaste lui-même. Luc Besson répond à Jean-Michel Frodon (dans Le Monde) : «J’ai ignoré le passé “cinématographique” de Jeanne (...). Ce qui compte est le point de vue personnel de chaque réalisateur (...). J’ai utilisé la réalité historique en fonction des besoins du récit (...). L’histoire de Jeanne est une histoire de signes, une histoire de croyance... Et j’ai voulu que Jeanne d’Arc soit un film français [2]. J’avais, depuis longtemps, l’intuition que ce rôle était fait pour Milla Jovovich [3]. Elle ressemble à Jeanne, elles sont aussi mal dans leur siècle l’une que l’autre, elles sont géniales, folles, hypersensibles, capables de tout». Jeanne est femme, aussi, et humaine. Dans l’emportement sanglant de la bataille d’Orléans, elle est atterrée devant ce massacre, elle pleure en voyant les cadavres des victimes, de toutes les victimes. Elle doute. La complexité du personnage donne chair à celle du film: le décryptage de l’œuvre de Besson fournirait la matière d’études aussi passionnantes que copieuses. Le procès, par exemple, est mené avec une rigueur sans failles (dialogues percutants) et on note au passage le caractère nuancé de l’évêque Cauchon, par opposition à l’histoire officiellement «reconnue». Toutes ces qualités du film font regretter la fin, le bûcher expédié en quelques images quasiment bâclées. Comme si Besson s’était désintéressé d’un dénouement universellement connu, qui ne permettait aucune variation inédite, aucune possibilité d’interprétation, sur aucun plan. Les flammes, la fumée, la mort. Tout est accompli, tout est dit. Tout le monde s’est accordé à louer l’interprétation du film de Besson. Autour de Milla Jovovich, au visage soudain androgyne, se dépensent John Malkovich (en Dauphin indécis dans l’attente du sacre à Reims), Faye Dunaway implacable, Dustin Hoffman (confesseur surgi de la nuit), Timothy West (évêque embarrassé)... il faudrait les citer tous. L’aspect spectaculaire n’a nullement été négligé, dans un film qui a tout de même nécessité un budget de 390 millions de francs. Il est vrai que le film (au moins dans sa version anglaise!) est pratiquement assuré d’une carrière internationale. Au Liban, il sera intéressant de suivre la carrière du film et de prendre connaissance, autant que possible, des réactions des spectateurs. [1]: un viol qui ne s’est pas passé, comme on l’a écrit, sous les yeux de Jeanne, réfugiée dans une pièce adjacente. À croire que certains journalistes regardent «mal» les films dont ils ont à rendre compte! [2]: tourné en anglais en v.o. La version française existe aussi! [3]: la compagne de Besson, révelée dans son «Cinquième élément», en 97. ÉLITE, EMPIRE/DUNES/ SODECO/SOFIL/ GALAXY/ MKALLÈS, ESPACE, St.-ÉLIE
C’est normal : devant sainte Jeanne, tout le reste (de la programmation) s’efface. Une programmation d’ailleurs peu prodigue en nouveautés : «Dudley Do. Right», de Hugh Wilson, est une modeste comédie de série. Si le film de Luc Besson va probablement attirer du monde, la réaction de notre public risque fort d’être mitigée. L’auteur de «Nikita» et de «Léon» (entre autres...