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Actualités - CHRONOLOGIE

Modes d'expression Le langage du corps

Aux États-Unis on ne jure que par lui : le «bodylanguage», cette nouvelle dialectique des gestes qui devient principal vecteur de la communication. Il n’y a pas longtemps, un pied de nez entraînait une gifle et les familles bien pensantes répétaient à satiété à leurs enfants que les jeux de mains étaient propres aux vilains. Aujourd’hui, à l’ère de l’image et de la télé-informatique, la parole n’est plus jointe au geste. Le corps acquiert un nouvel alphabet bien plus efficace, paraît-il, que celui des vieux abécédaires... Les psychotechniciens, spécialisés dans «l’image de soi», estiment que par ces temps où il faut aller très vite, comprendre très vite, réagir très vite, réussir très vite, les gestes sont des véhicules plus rapides que les phrases. Leur grammaire, de surcroît, est bien plus facile à retenir. À défaut de communiquer autrement on se branche, on clique, on accroche. Cette sémantique «active» définit et régit un nouveau langage corporel. Des ouvrages spécialisés, des guides et de nouveaux manuels expliquent ces arcanes. Par une gestuelle bien huilée, le corps énonce un message capté et décodé par une collectivité initiée à cette gestualité riche d’allégories et porteuse de promesses. Ainsi le chef (de bureau, d’atelier, de groupe, d’échoppe ou d’État) pose un bras paternel sur l’épaule, le coude ou le bras de son subalterne. Tel un père qui récupère son enfant à la sortie de l’école, il rassure par sa présence ; il le devance d’un demi-pas, il le précède à chaque passage. Il pénètre dans n’importe quel lieu sans frapper. Ses mouvements sont lents, pleins d’autorité et d’assurance. Faire durer un geste, ne serait-ce qu’une miette de seconde, est porteur de significations multiples : il souligne, il avertit, il éveille. Il indique surtout qui est «le maître»... Tout ça fait partie du comportement du «chef» (Chief Attitude), chapitre capital de la nouvelle science. Car tout se trouve répertorié, classé, expliqué de manière très scientifique dans des érits éclairant sur le graphisme corporel, «nouveau moyen de comprendre et de se faire comprendre, tout en se comprenant soi-même»... Décoder la mimique du patron aide à déchiffrer son humeur, entrevoir ses intentions, deviner ses ressentiments, devancer ses désirs. Un vrai passeport pour tous les alpinistes de la profession. À l’autre côté de la hiérarchie, la syntaxe gestuelle permet au chef de se faire comprendre à demi-mot, d’avertir avant d’imposer, d’éveiller la conscience sans user de la menace de décapiter, sans guillotine aussi... Les manuels sont clairs : on gagne du temps, on va loin, on économise discours, disputes et salive. On évite surtout de se laisser trahir par sa langue, toujours mauvaise conseillère et impatiente maîtresse... Le processus est valable pour les contacts d’affaires, les relations sociales, le badinage amoureux, les litiges d’héritage... Le verbe se raréfie, le geste se mesure. Le langage devient quasi maçonnique. On calcule, on mesure, on vise... Le tout en économisant. Un coup de pouce contre un coup de pied, un pied de nez en réponse au clin d’œil, un coup de coude contre un coup bas... Il ne reste plus qu’à trouver les troubadours qui sauraient chanter en mimant cette glorieuse chanson de gestes...
Aux États-Unis on ne jure que par lui : le «bodylanguage», cette nouvelle dialectique des gestes qui devient principal vecteur de la communication. Il n’y a pas longtemps, un pied de nez entraînait une gifle et les familles bien pensantes répétaient à satiété à leurs enfants que les jeux de mains étaient propres aux vilains. Aujourd’hui, à l’ère de l’image et de...