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Actualités - REPORTAGES

Recherche scientifique - Le secrétaire général du CNRS expose la situation de son institution La relance se confirme, mais la route est longue (photo)

L’une des principales victimes de la guerre et de la crise économique qui l’a suivie est la recherche scientifique. Constamment relégué au second plan, ce secteur pourtant vital souffre aussi de la concurrence étrangère. Après avoir interrogé les directeurs des quatre centres relevant du Conseil national de recherche scientifique libanais (CNRS), «L’Orient-Le Jour» a rencontré le secrétaire général de celui-ci, M. Mouin Hamzé. Tout en insistant sur les réalisations de son institution, M. Hamzé expose le principal problème du CNRS qui est le manque d’effectifs, rappelant aux universités et au secteur public qu’il n’y a pas d’excellence sans recherche. «Soutenir les projets de recherche des professeurs et des chercheurs libanais est l’activité primordiale du CNRS», précise d’emblée M. Hamzé . «Actuellement, le CNRS couvre plusieurs disciplines qui font partie de son mandat : les sciences de base et les sciences appliquées. Cela se traduit par des projets de recherche dans les sciences médicales (et santé publique), l’environnement, l’agronomie, les sciences de base, les sciences de l’ingénieur». Le CNRS a accepté de financer 87 projets cette année, répartis assez inégalement entre les universités et les centres de recherche du conseil : les centres de télédétection, d’énergie atomique, de géophysique et de marine. Considérez-vous que votre budget soit insuffisant ? «Il l’est évidemment», répond M. Hamzé. «La loi stipule que le CNRS a droit à 1 % du budget national. L’important dans ce chiffre n’est pas le montant fixe qui devrait nous être alloué, mais plutôt les revenus fixes que nous devrions assurer et qui nous permettraient de planifier sur plusieurs années. Les projets durent plus d’un an, ce qui implique que nous nous engageons pour plusieurs années avec le chercheur et nous devons assurer un budget fixe pour honorer nos engagements». Il ajoute : «Comme nous avons présenté un bon programme cette année à la commission parlementaire, nous avons obtenu 30 % d’augmentation de notre budget. Nous travaillons actuellement avec 6 milliards de livres. Si nous devions toucher 1 % du budget national, nous aurions l’équivalent de 86 milliards. Évidemment, nous serions satisfaits d’une telle augmentation. Mais je vous le dis franchement : aujourd’hui, nous n’avons pas les ressources humaines nécessaires pour utiliser une telle somme à bon escient». La répartition du budget du CNRS se fait de la façon suivante : 20 % pour les frais administratifs (un excellent pourcentage selon M. Hamzé), 20 % pour soutenir les projets de recherche, environ 20 % pour l’octroi de bourses, l’organisation de séminaires et les publications scientifiques, et 40 % pour le financement des centres. Chercheurs et professeurs : situation identique ? À la question de savoir si les centres du CNRS ont le droit de faire des bénéfices, M. Hamzé répond par l’affirmative. Mais il précise qu’ils n’ont pas le droit de garder ces bénéfices puisqu’ils travaillent pour l’État. Des gains supplémentaires comptent-ils dans une éventuelle augmentation du budget ? «Cela compte plutôt dans l’évaluation du travail», répond-il. «Nos chercheurs ont des salaires semblables à ceux des professeurs de l’UL, note-t-il. Mais à mon avis, ils devraient toucher davantage. Dans tous les pays, le chercheur a un salaire de 20 à 30 % plus élevé que celui du professeur». Depuis quand les chercheurs sont-ils considérés comme employés de l’État ? «Depuis l’adoption de leur statut en 1994», se souvient M. Hamzé. Que se passe-t-il pour les chercheurs qui étaient actifs avant cette date ? Y a-t-il un effet rétroactif notamment pour les indemnités ? «Nous avons rencontré une difficulté pour compter le nombre des années de service de ces chercheurs», répond-il. «Très récemment, le conseil d’administration a pris la décision de rectifier la situation». Pas de confiance, pas de développement Trouvez-vous que la recherche scientifique est assez bien valorisée au Liban et que les ressources nationales sont bien exploitées ? «J’ai deux idées à vous exposer», répond M. Hamzé. «La première est la suivante : la reconstruction du Liban ne devrait pas se limiter aux seules infrastructures matérielles. Elle doit englober les ressources humaines. Deuxièmement, le secteur de la recherche génère un grand nombre d’emplois. Il a donc un rôle primordial dans le développement». Comment se fait-il que les centres du CNRS soient peu connus ? «Nos chercheurs travaillent dans la discrétion», répond M. Hamzé. «Mais nous sommes sollicités aujourd’hui par les médias et les décideurs qui nous demandent de parler de ce qu’on fait. Voilà pourquoi nous changeons de politique au CNRS. Nous allons organiser à partir du 15 janvier des journées portes ouvertes, au cours desquelles le grand public pourra visiter nos centres». Mais n’est-ce pas un gaspillage de demander à des experts étrangers d’effectuer des études quand il existe des centres nationaux qui peuvent s’en charger (ce qui est arrivé souvent) ? S’agit-il d’un manque de confiance ou d’une absence d’information de la part des autorités ? «À mon avis, il y a les deux», souligne M. Hamzé. «Mais je ne crois pas que les décideurs soient les seuls responsables. Souvent, les bailleurs de fonds (étrangers) exigent d’avoir recours à leurs propres experts pour la réalisation des études. Mais certaines organisations internationales n’hésitent pas à recourir aux chercheurs du CNRS». Toutefois, la situation s’améliore, constate-t-il. Les relations avec les ministères sont bonnes. «Je ne sais pourtant pas pourquoi certains organismes étatiques (qu’il n’a pas nommés) préfèrent confier leurs projets à des boîtes privées et étrangères», déplore-t-il. Que pensez-vous de l’avenir de la recherche au Liban ? «On dit qu’on veut faire du Liban l’Hôpital de l’Orient, l’Université de l’Orient, voire l’Hôtel de l’Orient», déclare-t-il. «Mais comment peut-on réaliser tout cela sans acquérir un bon niveau dans la recherche scientifique ?» Avez-vous peur pour l’avenir du CNRS (des rumeurs avaient fait état d’une intention de le dissoudre) ? «Je ne vois aucune raison pour cela», dit-il. «Le président de la République et le chef du gouvernement nous ont assurés de leur soutien. Et puis le CNRS ne fait double emploi avec aucune autre agence de l’État. Récemment, le gouvernement a renouvelé sa confiance dans cette institution en reconduisant M. Georges Tohmé à la tête du conseil d’administration». Mais l’augmentation du budget et l’activité débordante du CNRS ne font pas oublier les problèmes auxquels font face cette institution et tous les chercheurs du Liban. Le principal obstacle ne réside-t-il pas dans le profond désintérêt des responsables autant que dans la population ainsi que la crise économique aiguë que traverse le pays ? Les liens entre recherche scientifique et développement durable ont pourtant été consacrés récemment par l’Unesco…
L’une des principales victimes de la guerre et de la crise économique qui l’a suivie est la recherche scientifique. Constamment relégué au second plan, ce secteur pourtant vital souffre aussi de la concurrence étrangère. Après avoir interrogé les directeurs des quatre centres relevant du Conseil national de recherche scientifique libanais (CNRS), «L’Orient-Le Jour» a rencontré le...