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Actualités - REPORTAGES

Délinquance juvénile - Nouvel encadrement juridique Guérir plutôt que punir (photos)

Consacrer un système judiciaire spécial pour les délinquants mineurs, dont les méthodes seront plus tournées vers la réinsertion que vers la punition, tel est l’objectif du nouveau projet que le ministère de la Justice va mettre en œuvre en collaboration avec le Centre pour la prévention internationale du crime (CPIC) des Nations unies. Ce projet comporte tout d’abord une proposition de loi qui a été discutée pendant trois jours au cours d’une réunion à la Maison des Nations unies, et qui a regroupé des experts libanais et internationaux. Dans une seconde étape, un projet de coopération pour l’application de cette loi sera exécuté sur une période minimum de trois ans. L’Orient-Le Jour a rencontré les experts en droit des mineurs, Renate Winter, juge au siège central du CPIC à Vienne, Josine Junger-Tas, professeur de criminologie juvénile aux Universités de Lausanne et de Leyde, et Alexandre Schmidt, coordinateur du CPIC au Liban. Sur les principales modifications qu’apportera la nouvelle loi, M. Schmidt déclare : «Dorénavant, il ne s’agira plus de punir, mais de réparer bien sûr et de responsabiliser le mineur. Donc, il n’y a plus aucune idée de faute ni de vengeance». Pratiquement, cela se ramène à quoi ? Les mineurs vont-ils être mis dans des institutions spéciales ? «L’ancienne loi était très concentrée sur l’institution», fait remarquer Mme Junger-Tas. «À la moindre infraction, on enfermait le mineur. Alors qu’il y a d’autres options à exploiter avant cela. La mise en institution doit être une dernière ressource». «Il y a beaucoup de possibilités dont on peut profiter avant l’emprisonnement», renchérit Mme Winter. «D’abord, la loi essaie de faire une grande différence entre les enfants en danger et les délinquants. Ensuite, elle essaie de donner aux juges beaucoup de possibilités autres que celles d'enfermer le mineur dans une institution». Interrogée sur ces possibilités, elle dit : «Il y a la réprimande, les travaux imposés, et surtout la médiation. Celle-ci, qui consiste à confronter le délinquant et la victime, est très importante parce qu’elle contribue à la paix sociale. Cette méthode fait du bien aux deux parties en cause : d’une part, le délinquant prend conscience de la gravité et des conséquences de son acte, et d’autre part la victime s’exprime sur ses problèmes après l’incident». Mme Junger-Tas ajoute : «La médiation fait beaucoup de bien à la victime parce qu’elle lui permet de démystifier l’agresseur, de voir en lui une jeune personne comme les autres. Ça la rassure. Évidemment, médiation va de pair avec paiement de dommages (s’il y a eu vandalisme) réparation et compensation». 60% de détentions préventives «Il faut savoir qu’au Liban, poursuit M. Schmidt, la délinquance juvénile n’est pas une délinquance de criminalité, selon une recherche entreprise par le CPIC sur 1500 cas de mineurs. Nous avons trouvé que dans 8% des cas seulement, les mineurs avaient commis des crimes graves. Pour le reste, il s’agit de détentions pour vols de mobylette, des délits mineurs, et surtout des détentions préventives». «Seuls les délinquants violents ont besoin d’être incarcérés», souligne Mme Junger-Tas. «Il y a un taux énorme de détention préventive, 60%», ajoute M. Schmidt. «Les causes doivent être imputées au nombre trop restreint de magistrats, et à la lenteur des procédures». La loi prévoit-elle un système spécial pour les mineurs ? «Oui, justement», répond M. Schmidt. «Il est terminé le temps où l’enfant qui commet un délit est emprisonné en attendant que le dossier d’instruction soit complet. La loi prévoit beaucoup de méthodes qui permettent d’éviter l’approche carcérale». Y a-t-il de nouveaux centres ou institutions prévus par la loi ? «Oui, il va y en avoir», précise Mme Winter. «Mais ce seront de petits centres pour ceux qui en ont besoin. Toute une gamme va être créée, adaptée aux différentes sortes de délits et aux différents problèmes. Mais la détention reste le dernier recours. S’il est juste besoin de réprimander l’enfant et qu’il est possible de collaborer avec sa famille, pourquoi l’arracher à son milieu ?» Le rôle du CPIC et du ministère n’est pas seulement de mettre au point la loi mais de veiller à son application, comme l’assure M. Schmidt. En d’autres termes, avoir l’infrastructure et le personnel pour exercer les prérogatives accordées par la législation. «Veiller à l’application de la loi est prévu dans le cadre de nos activités», poursuit-il. «Nous ne sommes pas là parce que nous le voulons. C’est le ministère de la Justice qui nous a demandé de l’assister dans ses efforts. Nous lui avons proposé un document de projet d’assistance technique dans lequel il y a toute une réforme du système de justice des mineurs». M. Schmidt ajoute que la mise en œuvre du projet d’assistance technique durera au minimum trois ans. «Notre objectif c’est qu’au bout de trois ans, tout soit mis en place», dit-il. «Après cette période, notre rôle sera d’assister les personnes qui vont travailler dans le cadre du projet et de les réévaluer. On ne peut pas dire qu’au bout de trois ans, tous les problèmes seront réglés». Enfin, interrogés sur le taux de succès de telles méthodes dans d’autres pays, les experts affirment qu’il est très élevé. «Le taux de succès, c’est l’évaluation de la proportion de jeunes qui ont suivi les mesures sans les abandonner», expliquent Mmes Junger-Tas et Winter. «Il est à peu près de 90 %. Il y a environ 10 à 12 % d’échecs. C’est le même taux un peu partout dans les pays européens, depuis des années». Les experts insistent sur le fait que le Liban est le premier pays de la région à franchir ce pas. Le taux de succès qui y sera observé poussera peut-être d’autres pays à adopter ces mesures.
Consacrer un système judiciaire spécial pour les délinquants mineurs, dont les méthodes seront plus tournées vers la réinsertion que vers la punition, tel est l’objectif du nouveau projet que le ministère de la Justice va mettre en œuvre en collaboration avec le Centre pour la prévention internationale du crime (CPIC) des Nations unies. Ce projet comporte tout d’abord une...