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Actualités - REPORTAGES

Chômage - De 8.5 à 25% de libanais en situation de sous-emploi Le marché saturé du travail

Le taux officiel du chômage au Liban ne dépasse pas les moyennes mondiales. Mais la situation spécifique d’un pays marqué par l’inflation, la pauvreté croissante et le développement d’activités marginales et non productives fait de la question du travail un des dossiers les plus brûlants de l’heure. Le fléau du chômage menace désormais toutes les catégories sociales, même si ses manifestations revêtent des aspects différents selon les secteurs professionnels, l’âge, le sexe ou les régions. Le ministère du Travail promet de trouver des solutions pour remédier au mal, mais pour le moment, c’est encore la désillusion qui règne dans de larges couches de la population. Après les espoirs d’embellie socio-économique du début de la décennie, la réalité a repris le dessus. Avec, au bout du chemin, l’inévitable spectre du chômage. Un spectre bien réel, malheureusement : les chiffres sont là pour confirmer le malaise général. L’Administration centrale de la statistique indique que 8,5 % de la population est au chômage, soit un total de 116 000 personnes. Mais l’enquête montre parallèlement que 11,7 % des personnes ayant un emploi actifs travaillent à temps partiel (une à trente heures hebdomadaires). Et 5,8 % n’ont qu’un emploi saisonnier. Il y a donc 17,5 % de personnes en situation de sous-emploi. Se basant sur ces chiffres, Antoine Haddad, consultant en développement, situe le taux de chômage réel à 15 ou 16 % de la population active. D’autres estimations font état de 18 %. Quant au ministre du Travail, il a récemment déclaré qu’en tenant compte du chômage déguisé, on atteint la barre alarmante des 25 %. Mais quels que soient les chiffres, le phénomène concerne un nombre de personnes plus important que les chômeurs comptabilisés par les instances officielles, car chacun se trouve désormais face à la hantise de la perte de travail. Et même ceux qui jouissent de la sécurité de l’emploi ne sont pas à l’abri du besoin, du fait de l’insuffisance des salaires. C’est là un aspect crucial, lorsqu’on sait que les personnes salariées représentent 65 % de la population active. De plus, c’est un phénomène de longue durée, l’attente pour trouver un emploi pouvant aller jusqu’à un an ou 18 mois, selon les secteurs d’activité. Il n’est pas étonnant que, dans ce contexte, se développent le phénomène de double-emploi et les activités marginales, sans grand profit pour la productivité globale. On n’a que trop lié le chômage à l’arrêt de la croissance et au marasme économique, facteurs bien sûr déterminants pour son expansion. Mais de l’avis de nombreux experts, la résorption du chômage n’est jamais le résultat spontané de la croissance économique : une politique sociale active doit être parallèlement implantée pour régler ce problème. La meilleure preuve du bien-fondé de cette opinion se trouve dans les résultats même du processus de reconstruction mené jusqu’à présent, qui attire la plus grande part des investissements, mais ne crée en fait que très peu d’emplois. La politique économique se désolidarise, à de nombreux égards, de la politique de l’emploi, laissée au bon vouloir du secteur privé dont ce n’est ni la priorité ni la vocation. Des secteurs à l’abandon L’effondrement de certains secteurs économiques n’a fait que rendre plus aigu le problème. L’agriculture et l’industrie souffrent de manques graves au niveau de l’infrastructure. Parallèlement à l’exode rural, dont les effets se font sentir tant dans les campagnes vidées que dans les villes accueillant les nouveaux demandeurs d’emplois, on assiste aujourd’hui à l’intensification des phénomènes de licenciement et de fermeture d’entreprises. Le secteur du tourisme, pourtant l’un des plus prometteurs, n’a pas été suffisamment développé au lendemain de la guerre. D’ailleurs, d’après l’expert économique Kamal Hamdane, «il présentait déjà, à la veille de la guerre, des signes de saturation au niveau de son infrastructure même». Loin de ces secteurs-clé, la majorité des offres se concentrent actuellement dans des activités de service marginales. Tous les discours insistent sur la nécessité d’encourager la création de petites et moyennes entreprises. Celles-ci seraient à même de prendre en main ce que l’État et les grandes entreprises privées ont ignoré, en dirigeant prioritairement leurs investissements vers des secteurs lourds et techniques, employant plus de machines que d’hommes et plus d’étrangers que de Libanais. Il est vrai qu’avec l’avènement d’un nouveau régime politique, une lueur d’espoir commence à poindre, alimentée d’abord par le discours d’investiture du président de la République, puis par les déclarations officielles successives mettant l’accent sur l’importance de la dimension sociale. Yasser Nehmé, responsable à la CGTL, et régulièrement en prise avec les gouvernements précédents, note que même si les relations avec le gouvernement actuel ne se sont pas encore concrétisées, il semble y avoir une vue commune sur les besoins des travailleurs. Nouveaux flux D’autre part, à côté des racines purement économiques du problème, il y a un certain nombre d’aspects démographiques et sociologiques qu’on ne peut ignorer et dont la solution réclame des moyens d’action spécifiques. Ainsi, si la force de travail a enflé au cours de ces dernières années, c’est aussi en partie en raison de l’inversement des flux migratoires. Les départs sont aujourd’hui moins nombreux que pendant la guerre. Beaucoup d’immigrés sont retournés au Liban, à cause de la réduction des opportunités autrefois disponibles dans les pays du Golfe, ou du fait de l’instabilité politique dans de nombreuses régions d’Afrique. Dans le même temps, le nombre de travailleurs étrangers ne cesse d’augmenter. De nouvelles catégories sont également arrivées sur le marché du travail, comme les femmes, de plus en plus nombreuses à chercher un métier. On note aussi une baisse sensible de l’âge d’entrée dans la vie active. Une analyse des statistiques de l’Office national de l’emploi, bien que n’étant pas représentative du phénomène sur la totalité du territoire, offre néanmoins quelques indices : ainsi, on note que 8 % des demandes présentées proviennent de personnes de plus de 50 ans (contre 5 % il y a seulement six mois), signe de désespoir face à la précarité et à la pauvreté croissantes.
Le taux officiel du chômage au Liban ne dépasse pas les moyennes mondiales. Mais la situation spécifique d’un pays marqué par l’inflation, la pauvreté croissante et le développement d’activités marginales et non productives fait de la question du travail un des dossiers les plus brûlants de l’heure. Le fléau du chômage menace désormais toutes les catégories sociales, même si...