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Actualités - REPORTAGES

Société - Phénomène inédit de détention forcée Les employeurs partent en vacances, les domestiques sri lankaises prises au piège

On connaissait, en Occident surtout, le problème de l’abandon d’animaux, pendant les périodes de vacances. Au Liban, ce sont les domestiques qu’on abandonne, sans que nul n’y trouve à redire. Enfermées à double tour dans des appartements confortables peut-être mais déserts, sans passeports ou autres papiers d’identité, à la merci d’un malaise, les Sri lankaises et autres Éthiopiennes découvrent chaque jour que les mauvais traitements dans la bonne société libanaise sont sans plafond et que, souvent, la loi ne peut rien pour elles. Randunu Kumaralaghe Ranjani est arrivée à Beyrouth le 5 décembre 1998. Elle a laissé ses quatre enfants au Sri Lanka pour venir travailler chez un couple d’un certain âge. Elle ne connaît ni leur nom, ni leur lieu de résidence. Cela ne l’inquiétait d’ailleurs pas trop, jusqu’au jour où le couple a pris ses valises et a quitté l’appartement. Depuis le 5 février, elle n’a plus reçu de nouvelles. Elle erre dans l’appartement où elle est enfermée à double tour, ignorant tout des projets de ses employeurs et surtout sans papiers ou recours possible. Inquiète et commençant à éprouver des douleurs un peu partout (dues sans doute à l’angoisse), elle a finalement réussi à alerter une de ses compatriotes prénommée Saroja. Mais tant que la porte de l’appartement est fermée à clé, nul ne peut rien pour elle. Il y a quelques jours, elle a reçu la visite du fils de ses employeurs, venu lui annoncer que ses parents rentreront le 1er mars et lui demandant de tenir la maison prête pour leur retour… Abandonnée dans une maison encerclée de miliciens L’histoire de Sirani est encore plus étrange. Arrivée à Beyrouth en décembre 1998, par le biais d’un bureau de recrutement à Tyr, elle a été emmenée par ses employeurs à Yaroun dans la zone occupée par Israël, où ils résident. C’est déjà curieux qu’un bureau de placement à Tyr recrute le personnel de maison pour les villages de la zone occupée. Mais ce n’est là que la plus anodine des bizarreries du cas de Sirani. Car depuis quatre mois, ses employeurs ont quitté la bande frontalière, la laissant seule dans la maison entourée de miliciens, dont elle ignore l’affiliation politique, car elle ne sait rien de la situation libanaise, mais qui appartiennent probablement à l’ALS. Au début, la jeune domestique ne s’inquiétait pas trop, car elle pouvait se rendre à une sorte de central téléphonique privé, à partir duquel elle pouvait appeler sa sœur à Beyrouth. Mais depuis un mois et demi, elle n’a plus d’argent et ne peut donc plus donner de ses nouvelles. Elle se retrouve prise au piège, dans une zone de haute turbulence, abandonnée, sans passeport ou papier d’identité et sans ressources. Affolée, sa sœur multiplie les contacts pour tenter de la dégager de ce piège et aidée par certaines personnes de bonne volonté, elle tente de mettre à contribution la Croix-Rouge internationale. Dans un premier temps, le CICR pourrait acheminer la correspondance entre les deux sœurs, pour rétablir le contact entre elles, en attendant de trouver une solution à la situation de Sirani. Des Randunu et des Sirani, il y en a sans doute des dizaines, car au Liban certains employeurs croient avoir un droit de vie et de mort sur leurs domestiques. Étrange quand on a célébré avec faste le cinquantenaire de la Charte universelle des droits de l’homme.
On connaissait, en Occident surtout, le problème de l’abandon d’animaux, pendant les périodes de vacances. Au Liban, ce sont les domestiques qu’on abandonne, sans que nul n’y trouve à redire. Enfermées à double tour dans des appartements confortables peut-être mais déserts, sans passeports ou autres papiers d’identité, à la merci d’un malaise, les Sri lankaises et autres...