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Actualités - REPORTAGES

Célébration - Un sentiment indéchiffrable que la raison ne connaît pas La Saint-Valentin, ou l'art d'aimer

Sentiment indéchiffrable, impénétrable, bagage émotionnel foudroyant «que la raison ne connaît pas», l’Amour est aujourd’hui célébré, à l’occasion de la Saint-Valentin, par des millions de personnes de par le monde. Ce don exceptionnel de la nature, qui constitue la réponse par excellence à l’existence humaine, a toujours été entouré d’une sorte de halo sacré, qui le protège de toute tentative d’interprétation, de toute réflexion qui essaye de déceler à l’aide du rationnel ce qui semble relever uniquement de «l’espace cœur». Or, ce qui a souvent paru insaisissable, mystérieux, presque magique, devient aujourd’hui, au yeux des sciences humaines, plus cohérent, plus tangible, et par conséquent susceptible d’être compris et mieux géré si l’on peut dire. Erich Fromm avait même été jusqu’à parler de l’art d’aimer, une maîtrise à laquelle aboutirait tous ceux qui voudraient y consacrer l’effort nécessaire. Toute une pléthore de poètes, philosophes et écrivains ont, depuis la nuit des temps, tenté par tous les moyens de décortiquer ce qui, par définition, relève de l’ordre de l’affect, donc de la donne la plus complexe de la nature humaine. Et pourtant, alors que l’amour sollicite les sentiments les plus profonds, les plus agréables et les plus intenses d’une vie, il peut être également à l’origine de beaucoup de souffrance et de tragédies . Il est aussi la cause, directe ou indirecte, de l’échec de la vie de couple dans laquelle on se précipite sous l’influence de la fougue amoureuse, tout en ignorant que «l’ennemi premier du couple, c’est l’amour» dira Jean-Paul Kaufmann, dans un de ses ouvrages. Car, ajoutera-t-il, si le couple veut vivre tout le temps la force de l’amour, il ira chercher ailleurs. Mounir Chamoun, psychanalyste, va dans le même sens pour signifier que l’excitation première, l’attraction, le désir, «la fulgurance» causée par le sentiment amoureux, ne sont pas suffisants pour faire durer le couple. «Eros (l’autre pour moi), dit-il, ne peut pas construire une vie à deux, mais Agape (soi pour les autres ou charité) et Philia ( moi et lui ou sentiment régulateur) peuvent le faire», explique ce savant rompu aux secrets de l’inconscient. Le professeur Chamoun ne renie pas pour autant la complexité de la passion amoureuse et les méandres d’un sentiment qu’il n’est pas nécessaire de définir ou «de contenir dans une formule, pour se rassurer d’y être, ou tout aussi bien de n’y être pas», écrit-il. Mais alors qu’est-ce qui justifie que notre choix se porte sur celui-ci et non sur celui-là? Pourquoi une telle et pas l’autre. L’investissement dans l’autre est «d’une manière identificatoire et projective» comme une part de soi dans une perspective de complémentarité avec l’autre. «Il y a toujours dans une relation amoureuse une très grande part de projection, explique le professeur Chamoun. On essaye de retrouver dans l’autre ce qu’on est et ce qu’on n’est pas, ce qu’on voudrait être, ce qu’on a été pour soi, la manière dont on a été pour son père et pour sa mère» note-t-il. Ainsi, l’être aimé devient à la fois le père protecteur, le père nourricier, la mère nourricière, la mère protectrice. Petite musique de chambre Zeina, 20 ans, étudiante en journalisme, dira de son ami, à l’instar de milliers de femmes, «Gilbert est à la fois amant, ami et frère. C’est cette personne qui peut me comprendre intellectuellement et spirituellement». Puis elle ajoute : «Je l’aime, parce que je l’aime, tout simplement». Même chose pour Georgina, 20 ans, pour qui l’amour, «c’est trouver l’autre partie de soi-même. Je n’attends de lui que sa simple présence, dit-elle, et puis tout devient plus simple, tout est alors résolu». Nadine, 21 ans, pense que l’exemple d’amour lui a été fourni par ses parents : celui qui incarne «le respect mutuel». Ainsi, et par delà le romantisme absolu de l’être cher, aimé, adulé, et quoique l’on dise sur l’aspect mythique presque mystique de l’amour, une réflexion s’impose pour essayer de comprendre «ce réel mouvant, celui de l’âme, de l’affectif, de ce qui échappe au diktat, combien commode, du rationnel», comme le dit M. Chamoun dans un essai sur l’amour intitulé Petite musique de chambre. Tout en mettant en garde contre les «équivalences mathématiques» et le danger des concepts manichéens, le psychanalyste éclairé a su toutefois trouver une «formule heureuse» pour tenter de dresser une plate-forme qui devrait accompagner le couple dans sa recherche d’une stabilité et, peut-être, une forme d’amour plus permanente, par delà la fulgurance de la passion amoureuse. En termes de rationalité, cela donnerait le système LETCA – liberté, espace, temps, corps, argent – une équation du bonheur dès lors que ces éléments sont partagés de manière harmonieuse, dira le professeur et ce, sous trois conditions : l’entente profonde sur les valeurs de vie, l’admiration et l’estime réciproque, et un désir également partagé. Les deux premières conditions étant de l’ordre du rationnel, le dernier, de l’alchimie, combien mystérieuse qui déclenche l’action des neurones de l’amour. Bref, par delà l’effort «raisonnable» si l’on peut dire et l’apprentissage continu de «l’art d’aimer», par delà les équations et formules, le message reste celui d’un altruisme et d’une générosité sans frontières, qui nous pousse à sortir de soi pour aller vers l’autre et aimer, inconditionnellement, dans un esprit de renoncement. Citant l’ouvrage de Yvettes Sullerot «Pour le meilleur sans le pire», M. Chamoun affirme que les amoureux démissionnent aujourd’hui devant le pire. La faculté du «renoncement» aurait été abandonnée au profit d’un espace de liberté et de droits que l’on veut toujours plus grand, d’où une crise du couple qui reste «sous contrôle» au Liban. Toutefois, la seule valeur solide qui fasse tenir un couple est d’ordre spirituel et se situe bien au-delà des considérations sexuelles ou affectives, conclut M. Chamoun. En réponse à l’individualisme, Emanuel Mounier dira en parlant de l’amour que «la personne n’existe que vers autrui. Le Tu, et en lui le Nous, précède le Je, ou au moins l’accompagne. On pourrait presque dire que je n’existe que dans la mesure où j’existe pour autrui et, à la limite, être c’est aimer».
Sentiment indéchiffrable, impénétrable, bagage émotionnel foudroyant «que la raison ne connaît pas», l’Amour est aujourd’hui célébré, à l’occasion de la Saint-Valentin, par des millions de personnes de par le monde. Ce don exceptionnel de la nature, qui constitue la réponse par excellence à l’existence humaine, a toujours été entouré d’une sorte de halo sacré, qui le...