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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Clergé - Ouverture de la 33e session de l'APECL à Bkerké Sfeir juge sévèrement la situation

Le discours prononcé hier par le patriarche maronite Nasrallah Sfeir, à l’occasion de l’ouverture de la 33e session de l’Assemblée des patriarches et évêques catholiques, à Bkerké, dresse un bilan plutôt négatif de la gestion actuelle du pouvoir en affirmant que l’accord de Taëf continue d’être appliqué de manière bancale. Le cardinal Sfeir aborde aussi la question des droits de l’homme «qu’on ne peut pas ignorer dans un pays qui prétend être démocratique». Évoquant la loi électorale, il met en garde contre le danger de l’adoption des grandes circonscriptions, susceptible d’alimenter chez les citoyens «l’indifférence» par rapport à la vie publique et nationale. Quant à l’abolition du confessionnalisme politique, Mgr Sfeir estime qu’elle reste prématurée dans la mesure où elle devrait être abolie des esprits avant d’être supprimée des textes. Or, souligne-t-il, «cela exige une éducation profonde qui peut prendre des siècles». Dans la partie temporelle de son allocution, le patriarche maronite a mis l’accent sur les conséquences sociales de la crise économique. Les écoles catholiques Il a soulevé dans ce cadre le problème des écoles catholiques à qui de nombreux parents d’élèves reprochent les bénéfices qui se traduisent «de temps à autre, par de superbes constructions, sans parler d’un train de vie de plus en plus éloigné de l’enseignement évangélique (…)». «Il en résulte qu’au lieu d’être reconnaissants à l’école, les élèves et leurs parents la critiquent amèrement», a-t-il dit avant de proposer une solution radicale au problème des écolages en recourant à «la carte scolaire qui permettrait à l’État d’aider matériellement les parents. Ceux-ci pourraient alors envoyer leurs enfants à l’école de leur choix au lieu de payer deux fois l’impôt : une première fois pour l’école officielle, une deuxième pour l’école privée (…)». Par ailleurs, le patriarche maronite a soulevé la question des hôpitaux privés «qui éprouvent des difficultés à continuer à rendre les services qu’on leur demande», en raison notamment du retard mis par l’État dans le règlement de ses dettes. «Cette situation se répercute négativement sur les congrégations religieuses qui dirigent ces établissements, surtout quand on recourt à des méthodes coercitives, comme retenir la dépouille d’un mort jusqu’à ce que ses parents aient payé ce qui est dû à l’hôpital (…)», a-t-il ajouté. Le cardinal Sfeir relève en outre une contradiction de taille dans la politique de logement adoptée par l’État. D’une part, la Banque de l’habitat prête de l’argent aux personnes déplacées pour la construction de logements dans les régions où ils ont trouvé refuge ; d’autre part, la Caisse des déplacés accordent à ceux-là des fonds qui leur permettent de restaurer leurs maisons dans les villages qu’ils ont dû quitter. Or, selon le prélat maronite, l’orientation à suivre dans ce cadre est claire : on doit aider les personnes déplacées à rentrer chez elles en vue de préserver la convivialité dans le pays. «Il y a la question des droits de l’homme qu’on ne peut pas ignorer dans un pays qui prétend être démocratique», ajoute le patriarche avant de se demander : «Comment justifier la mise à l’écart de ceux, parmi les hommes politiques, qui ont été marginalisés depuis des années, sans jugement ni condamnation ? Comment accepter des verdicts dans des affaires politiques et persuader les gens que ces jugements ne sont pas politiques ? Comment accepter qu’on laisse des personnes en prison pour une durée indéterminée, comme c’est le cas des jeunes de la région de Jezzine (…) ?» Le cardinal a également évoqué dans ce cadre le problème des responsables administratifs arrêtés pendant des mois sans jugement. Se posant des questions sur le sort des Libanais enlevés depuis des années et sur «les crimes commis en plein jour dont on ignore toujours les auteurs», Mgr Sfeir a affirmé que «ces choses ne sont pas de nature à consolider la confiance dans la situation qui prévaut. Nous n’en faisons pas assumer la responsabilité aux gouvernants autant qu’aux circonstances dans lesquelles ces gens exercent l’autorité», a-t-il dit avant d’ajouter : «Ces circonstances, personne ne les ignore. La souveraineté n’admet pas le partage, cela est bien connu aussi». La petite circonscription Se défendant de vouloir s’ingérer dans les affaires politiques en tant que responsable spirituel, le patriarche maronite a toutefois rappelé qu’avant d’être des hommes de religion, les membres du clergé sont des citoyens. D’où la nécessité, selon lui, de donner son opinion sur un certain nombre de points tels que la loi électorale. Il a développé à ce sujet l’argumentation suivante : «S’il y avait au Liban des partis politiques organisés et efficaces, les électeurs auraient pu voter pour une idée (…). Malheureusement, il n’existe pas au Liban des partis de ce genre», a-t-il déclaré, déduisant de ce fait la nécessité de tenir compte des relations personnelles entre le candidat et les électeurs. «On ne peut établir pareille relation que dans le cadre d’une petite circonscription», a précisé le cardinal Sfeir avant de poursuivre : «S’il en est autrement, on aura imposé aux électeurs des représentants avec lesquels ils n’auront aucune relation. De là est née l’indifférence des citoyens à l’égard de la vie nationale et politique, ce qui conduit à une rupture entre les députés et leurs électeurs, puisque ces derniers jouent un rôle secondaire dans la mesure où on les fait participer à l’opération électorale pour la forme». L’absence de réconciliation À l’occasion du dixième anniversaire de l’accord de Taëf, Mgr a rappelé que celui-ci n’avait été accepté que «comme moyen de mettre fin à la guerre». «Mais, constate-t-il, aucune réconciliation nationale n’a été réalisée bien que l’accord l’exige expressément. Les Libanais sont partagés jusqu’aujourd’hui entre vainqueurs et vaincus. De plus, a-t-il précisé, le pouvoir exécutif est désormais confié au Conseil des ministres et non plus au président de la République. (…) On peut espérer toutefois un avenir meilleur du moment qu’à la tête de l’État se trouve un homme dont les qualités et la totale abnégation inspirent confiance», a affirmé Mgr Sfeir. Quant à l’abolition du confessionnalisme politique également stipulée par l’accord de Taëf, le patriarche Sfeir souligne la nécessité de l’abolir des esprits avant les textes, une opération qui exige, selon lui, «une éducation profonde qui peut prendre des siècles». Et d’expliquer : «C’est que le Libanais a pris l’habitude, quand il rencontre des gens dont il ignore la confession, de faire tout son possible pour savoir de quelle région il est originaire. Aussitôt qu’il le sait, il tient un langage déterminé selon la confession de son interlocuteur». Le patriarche maronite conclut à ce sujet : «Tant que le Libanais jouit, pour ainsi dire, de deux identités, l’une libanaise et l’autre confessionnelle, la solution, même provisoire, serait d’adopter un régime conventionnel-confessionnel-démocratique qui donne à chaque confession ce qui est à elle (…)».
Le discours prononcé hier par le patriarche maronite Nasrallah Sfeir, à l’occasion de l’ouverture de la 33e session de l’Assemblée des patriarches et évêques catholiques, à Bkerké, dresse un bilan plutôt négatif de la gestion actuelle du pouvoir en affirmant que l’accord de Taëf continue d’être appliqué de manière bancale. Le cardinal Sfeir aborde aussi la...