Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

Monastères du Liban - Un lieu sacré, caché au milieu de la Qadischa L'histoire des maronites à Saydet-Qannoubine (photos)

Bien marqués sont les sentiers, tortueux mais larges, qui mènent au plus important monastère de la vallée de la Qadisha : Saydet Qannoubine. C’est là que l’histoire des maronites a été écrite. Vieux de plus d’un millénaire, ce couvent était, du XVe au XIXe siècle, le siège du patriarcat. Des milliers de pèlerins sont passés par là, des ermites y ont vécu, à diverses étapes des siècles passés. Indéniablement, son emplacement géographique fait de ce monastère le plus beau de la vallée. Car si l’architecture ne reflète pas la grandeur de son histoire, la sérénité et le silence des lieux se chargent de le faire. Quant aux paysages, ils rappellent au regard l’infatigable travail des moines, comme ces centaines de terrasses, autrefois cultivées, qui ont transformé les falaises en rizières. Il est difficile de trouver les mots qui illustrent la beauté particulière de ce site. Le petit couvent à moitié dissimulé par le rocher est l’un des plus importants vestiges de l’histoire des maronites au Liban. Siège du patriarcat durant les siècles passés, il est aujourd’hui habité, en été seulement, par quelques religieuses de l’Ordre des sœurs antonines qui veillent à la continuité des prières dans l’église et aux besoins des visiteurs dont le nombre peut dépasser les 3 000 à la belle saison. Que veut dire Qannoubine ? Pour comprendre le sens de ce mot, il faut relire l’histoire du monument. Habité dès les premiers temps de la chrétienté, le monastère a été organisé et établi par un saint anachorète, Théodose le Cénobiarque. Cet ermite d’origine palestinienne avait entrepris de canaliser la ferveur des ermites, qui vivaient alors dispersés dans toutes les grottes de la vallée, et les a rattachés à une grotte centrale appelée monastère, «Koinobion» en grec. Transposé en syriaque, il devient Qannoubine. Ce petit monastère va servir de point de rencontre aux ermites jusqu’à 1440. En cette année, le patriarche maronite Jean Jaji, obligé de fuir devant l’armée mamelouk, cherche refuge entre les murs de ce couvent. Pourquoi Qannoubine ? D’une part, la géographie des lieux (précipices et grottes) lui offrait un refuge naturel. D’autre part, il pouvait compter sur la protection du moukaddam de Bécharré. La vie des patriarches Pour les patriarches maronites, la vie était difficile. Vivant dans la misère totale, ils étaient obligés de travailler eux-mêmes la terre. Nuit et jour, qu’il pleuve ou qu’il neige, ils devaient fuir l’armée des Ottomans et se réfugier dans les nombreuses cavernes dispersées dans la vallée. Quant à l’accès aux villes côtières, il leur était strictement interdit, leur vie étant en danger même à la montagne. À l’époque, le monastère n’était formé que d’une série de petites chambres. Le siège patriarcal a été décrit par le père Goudard qui en a reconstitué les étapes grâce aux récits des voyageurs des XVe et XVIe siècles. Dans son livre La Vierge au Liban, il le décrit en ces termes : «C’était alors une cellule creusée dans le roc, si basse et étroite qu’à peine y peut loger une personne. Un enfoncement dans la muraille servait de cachette à la caisse d’un maigre trésor, une lucarne donne sur l’église : les patriarches y passaient souvent la nuit en prière, leur lampe posée dans un trou. Quant à leur mobilier, il se composait d’une chaise de bois, d’une tablette où sont quelques livres et de deux ou trois tapis sur le plancher qui, à la mode turque, sert au patriarche de table et de lit. De la cellule patriarcale, une fenêtre donnait dans l’église de telle sorte que le patriarche souvent y travaillait les yeux fixés sur la grande peinture murale commandée par Stéphan Doueihy et qui montre le couronnement de la Vierge». Dix-huit patriarches se sont succédé dans ce monastère. Certains, comme le patriarche Doueihy, ont raconté dans des livres leur histoire, celle de leurs prédécesseurs et même celle de toute la montagne libanaise. Ces documents constituent aujourd’hui encore la base de toute étude sur la région et les chrétiens du Liban. Un passé présent Actuellement, le couvent est parfaitement préservé. Rien dans son aspect n’a été modifié. Il est toujours modeste et simple. Entre ses murs, tout sent l’histoire. À l’intérieur de la petite église, heureusement non restaurée, les vieux bancs, couleur marron foncé, la peinture qui s’écaille, l’autel décoré de l’essentiel, attestent de la réalité du passé. Tout ici montre qu’entre ces murs, des hommes pieux ont vécu. «Ils n’ont que des crosses en bois, mais ce sont des évêques d’or». C’est en ces mots que le chevalier Laurent d’Arvieux, qui a visité le monastère en 1660, a décrit les patriarches et les moines du monastère. Quelques voyageurs racontaient que le paysan, longeant les bords du précipice, percevait le bruissement des chœurs syriaques, voyait des nuages d’encens monter de toutes les cellules. Malheureusement, aujourd’hui, la présence humaine manque dans la vallée. À part cinq maisons habitées par des personnes âgées, nul ne vit plus dans ce lieu saint. Même le couvent est fermé. Mais le silence qui enveloppe les lieux est «charismatique». L’aumônier du couvent, le père Antoine Chidiac, décrit cette vallée comme étant un lieu où «plus on descend, plus on s’élève vers le ciel». Le silence et la nature mi-sauvage inspirent une sérénité qui ne tarde pas à saisir le cœur. Les deux versants de la vallée offrent un éventail de couleurs vertes reposantes à l’œil et à l’âme. Les bons esprits veilleraient-ils à la tranquillité des lieux ? En tout cas, il est indéniable que l’endroit est d’une beauté si simple qu’elle paraît irréelle.
Bien marqués sont les sentiers, tortueux mais larges, qui mènent au plus important monastère de la vallée de la Qadisha : Saydet Qannoubine. C’est là que l’histoire des maronites a été écrite. Vieux de plus d’un millénaire, ce couvent était, du XVe au XIXe siècle, le siège du patriarcat. Des milliers de pèlerins sont passés par là, des ermites y ont vécu, à...