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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Communautés - Poursuite à Fatka des travaux du congrès des prélats Les Eglises catholiques d'Orient entre espérance et utopie

Pour rester dans cette partie du monde où la main du Père les a plantés, les chrétiens d’Orient doivent regarder la vérité en face. Du point de vue démographique, catholiques et orthodoxes réunis ne représentent au Moyen-Orient (Égypte, Liban, Syrie, Irak, Jordanie, Israël, Palestine), selon des chiffres remontant à 1995, que 6,1 % de la population. Pour certains historiens, si cette diminution en nombre se poursuit, le Moyen-Orient aura demain «le visage de l’uniformité». «Sans doute y aura-t-il encore des chrétiens en Orient au troisième millénaire, mais ils auront cessé de compter», souligne l’auteur anonyme d’un ouvrage volumineux intitulé Vie et mort des chrétiens d’Orient. Est-ce à dire que les patriarches et évêques catholiques d’Orient réunis à Fatka depuis dimanche pour leur premier congrès, écrivent-ils, en quelque sorte, la «chronique d’une mort annoncée» ? C’est la question que s’est posée en particulier l’archevêque de Téhéran des chaldéens, Mgr Ramzi Garmou. Brillant esprit, Mgr Garmou a été l’un des 13 évêques qui, dimanche et hier, ont tour à tour pris la parole pour présenter la situation de l’Église catholique dans leur pays. «Il nous faut aujourd’hui discerner ce qui est espérance basée sur l’Évangile de ce qui est rêve utopique», a affirmé Mgr Garmou, résumant parfaitement la situation. L’ensemble des chrétiens d’Iran représente aujourd’hui entre 78 000 et 100 000 personnes pour plus de 60 millions d’habitants, soit un pourcentage de 1,3 pour mille (chiffre de 1996). On pourrait croire que cette fragilité numérique serait source de solidarité. Mais non. Cette minorité est fragmentée en plusieurs ethnies et divisée en sept Églises. Pour Mgr Garmou, la vocation de l’Église d’Iran est aujourd’hui celle de s’efforcer d’être un «reste purifié» et un «germe sanctifié». Réalisme mais non pessimisme L’exposé de l’archevêque de Téhéran prouve que l’on peut être réaliste sans être pessimiste. Et que le poids politique n’est pas le seul qui compte. La situation de l’Église d’Iran se répète en Turquie (100 000 chrétiens pour 64 millions d’habitants), en Terre sainte (les chrétiens de Palestine et d’Israël sont approximativement 160 000, dont 50 % de catholiques, soit 2,5 % de la population), en Afrique du Nord (quelque 25 000 baptisés entre l’Algérie et le Maroc), en Jordanie (2,8 % de la population), l’Irak (2,9 %), la Syrie (6,4 %), l’Égypte (5,7 %). Dans tous ces pays, la présence chrétienne est toujours menacée par un ensemble de facteurs variant d’un pays à l’autre, en intensité et en pertinence. L’émigration en est un des principaux aspects. L’absence de liberté religieuse et sa conséquence, l’ignorance, viennent en seconde et troisième position. Des diverses présentations faites, il semble bien que, plutôt que victimes d’un complot occulte visant à les expulser, les chrétiens des pays d’Orient sont les victimes indirectes de situations d’instabilité, d’insécurité et de guerre qui prévalent dans leurs pays d’origine. L’Intifada pour la Palestine, les guerres irako-iraniennes puis la guerre du Golfe, pour l’Irak comme pour l’Iran, ont fortement accéléré les mouvements d’émigration, affirment les présentateurs. On pourrait y ajouter les guerres israélo-arabes pour l’Égypte, la guerre civile pour l’Algérie et, bien entendu, les guerres qui se sont succédé au Liban entre 1975 et 1990. Selon Mgr Béchara Rahi, qui a présenté la situation de l’Église au Liban, 1 370 000 personnes ont quitté le Liban entre 1975 et 1996, dont 822 000 chrétiens (60 %). Théocraties parlementaires Évidemment, vivre dans des «théocraties parlementaires» où ils sont incapables d’exercer correctement leurs droits religieux, pour ne rien dire de leurs droits politiques, est également un facteur de départ. C’est toute la question du rapport à l’État et de la démocratie qui se pose dans ce dernier cas, et l’émigration dont il s’agit dans ces derniers cas est, relativement, plus grave que celle du petit peuple. C’est celle des élites intellectuelles. Par ailleurs, même dans des pays où il existe des traditions de tolérance religieuse, la reconnaissance de la liberté de croyance peut être en partie contredite par le refus de la liberté d’exercice du culte, et notamment de l’enseignement du catéchisme. S’y ajoutent de difficiles rapports avec un État tracassier, l’impossibilité d’un accès libre aux médias audiovisuels, l’interdiction pure et simple de l’enseignement «missionnaire» (nationalisation des écoles en Syrie, en Libye), etc. À ces situations de tension et d’affaiblissement, les Églises catholiques locales ont réagi trop tardivement. Affaiblies par un environnement institutionnel, économique et politique défavorable, ces Églises – intérêt mal compris – s’affaiblissaient en outre mutuellement l’une l’autre, en se combattant sur le terrain pastoral. Le réveil, là où il a eu lieu, est tout récent. Toutes les structures de coordination datent, dirait-on, de la fin des années 80. Exception dans cet ensemble : le Liban. Notre pays peut ne pas être exemplaire sur la plan de la promptitude, mais c’est celui où le poids démographique des chrétiens est le plus important (40 % de la population, aux dernières estimations) et où les structures politiques sont authentiquement démocratiques, du moins dans les textes. Mais c’est singulièrement, c’est surtout le pays d’une formule de convivialité islamo-chrétienne unique au monde. Un trésor moral confié à deux religions qui, au long des siècles, se sont férocement combattues en divers points du globe, et jusque dans nos rues. Mais qui, pour diverses raisons dues à des bouleversements technologiques aussi bien que logistiques, militaires, voire culturels, ont figé le monde dans la nécessité de s’entendre. Une nécessité que les chrétiens ont le devoir de transmuer en amour. Pour citer à nouveau Mgr Rahi, «en dépit des avanies, de la méfiance, des malentendus et d’événements regrettables, en dépit des préjugés et de l’extrémisme, les rapports entre catholiques et musulmans au Liban ont été caractérisés à divers moments de l’Histoire par une convivialité unique au monde». Une convivialité caractérisée par une «communauté culturelle, doublée d’une égalité civique totale», pour reprendre les termes utilisés par le cardinal Lustiger lors d’une de ses visites au Liban. Champions du dialogue islamo-chrétien, enraciné sans retour dans le terreau de la civilisation arabe, le Liban de la convivialité doit rester fort, dans l’intérêt de toutes les Églises catholiques d’Orient, a encore fait valoir Mgr Rahi, citant l’Exhortation apostolique post-synode. C’est l’épilogue provisoire de ces deux premiers jours de congrès. On le savait quelque peu. Les Églises catholiques d’Orient l’ont réaffirmé. Mais beaucoup reste encore à dire - et surtout, à faire.
Pour rester dans cette partie du monde où la main du Père les a plantés, les chrétiens d’Orient doivent regarder la vérité en face. Du point de vue démographique, catholiques et orthodoxes réunis ne représentent au Moyen-Orient (Égypte, Liban, Syrie, Irak, Jordanie, Israël, Palestine), selon des chiffres remontant à 1995, que 6,1 % de la population. Pour certains...