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Actualités - INTERVIEWS

Interview - Lire en français et en musique 99 René de Obaldia, un regard excentré sur soi-même (photo)

René de Obaldia*, écrivain, poète et dramaturge semble avoir une prédilection pour les biographies hors normes. Près de 35 ans après Le centenaire, mémoires anticipées d’un vieil homme, véritable délire verbale tragico-comique sur la vieillesse, René de Obaldia remet cela avec Exobiographie, une biographie dans laquelle le regard du narrateur tente de rester extérieur à sa propre vie. Résultat, une approche toute en autodérision, qui n’est pourtant pas dépourvue de poésie. Pour Obaldia, écrire c’est avant toute chose une interrogation. Et pour cet esprit vif, tout questionnement semble devoir comporter une part de dérision. Discussion dans un coin paisible au cœur de Paris, dans le calme d’un bureau aux hauts murs lambrissés de boiseries sombres et tapissés de livres. Exobiographie, paru en 1993, est le dernier ouvrage de René de Obaldia. Se serait-il arrêté d’écrire ? «Pas du tout», souligne-t-il avec énergie. «C’est une idée fixe, comme disait Paul Valéry». Encore loin de la retraite, cet octogénaire affirme avoir «l’impression qu’avec tout ce que j’ai écrit, je n’ai rien écrit. Je me dis qu’il va falloir qu’un jour je m’y mette. Que je n’ai pas dit l’essentiel». «Je pense en fin de compte, qu’on ne peut pas dire l’essentiel, c’est indicible. L’écriture c’est déjà un pis aller», estime-t-il. Cela ne l’empêche pas de continuer à produire. La saison théâtrale parisienne passée a pu compter au nombre de ses spectacles les Obaldiableries, trois nouvelles pièces. Pas de fausse pudeur ni de palabres inutiles chez de Obaldia. Pas de concessions non plus. «Je n’ai aucun mérite à cela, ce n’est pas ma nature», fait-il remarquer. Et les interviews avec les journalistes sont loin d’être sa tasse de thé. Il évoque d’ailleurs, dans Exobiographie, un entretien qu’il a eu avec une consœur. Avec un humour mordant, il décrit la scène. Pourquoi cette désaffection des médias ? «Parce que pour un auteur, ce qui compte, ce ne sont pas ses goûts, ce qu’il aime ou n’aime pas, mais c’est ce qu’il écrit qui est important, son œuvre qui parle pour lui». Et de détailler : «De nos jours où l’œuvre est considérée comme un produit, il faut faire de l’après-vente. C’est un terme affreux. Les écrivains sont condamnés à passer à la télévision, à être séduisants, à dire des choses très anecdotiques». Et de faire remarquer, dans un rire, que «Stendhal, qui était très très laid, serait mal passé à la télévision. Alors que des gens comme Bernard Tapie passent très bien. Il y a des valeurs qui sont faussées avec la télévision». Bien que réticent à l’idée de parler de lui-même, René de Obaldia a écrit sa biographie. «C’est mon éditeur qui m’y a poussé», indique l’auteur. «J’ai un peu résisté. Puis je me suis dit : pourquoi pas ? Mais le problème, c’est que je n’ai pas de mémoire, et pour quelqu’un qui veut écrire les siennes, c’est plutôt embêtant. Je n’ai pas l’habitude de noter et je n’aime pas trop parler de moi». La solution était donc d’en parler mais avec un certain recul par rapport à soi-même. «Cette distance a toujours été essentielle, c’est une sauvegarde, de ne pas s’identifier complètement aux choses. Cela donne un éclairage plus juste. Et peut-être j’ai toujours eu un sentiment d’étrangeté par rapport à ma vie», souligne-t-il. «Kafka disait “J’ai peu de points communs avec moi-même.” Je comprends ce qu’il veut dire. Le fait d’exister est tellement invraisemblable que parfois je me regarde comme un spectateur regarderait quelqu’un d’autre». Pour René de Obaldia c’est également la façon d’échapper «à toutes ces autobiographies qui se répandent beaucoup, surtout chez les vedettes de cinéma. Et qui affichent en général une sorte de complaisance envers soi-même. Un nombrilisme qui ne m’intéresse pas». Un auteur de théâtre à succès Les pièces de théâtre signées René de Obaldia ont eu généralement du succès auprès des metteurs en scène et du public. Étonné de nature, comme il se qualifie lui-même, le dramaturge estime que «le succès est souvent un malentendu. Il y a des pièces qui n’arrivent pas au bon moment», constate-t-il. «Puis il y a un concours de circonstances, il y a une part de chance aussi. Et vous vous retrouvez sous les feux de la rampe. Mais il est parfois très difficile de différencier le succès de l’échec. Il y a des échecs qui valent mieux que des succès», affirme-t-il. Le théâtre offre à l’auteur une incarnation de ses personnages. «Et le rôle du metteur en scène est très important», reconnaît René de Obaldia. «Cependant, il se passe une chose très ridicule ces derniers temps, c’est la suprématie du metteur en scène. On entend dire, par exemple, “on donne «Hamlet» d’untel”. On sait, bien entendu, que c’est une pièce de Shakespeare, mais le metteur en scène a pris une place démesurée. Le théâtre est un travail collectif dans lequel chacun a sa place, sa responsabilité, son rôle. Nous avons tous intérêt à ce qu’il fonctionne». Fonctionnant plus sur le mode de la complicité, René de Obaldia se dit fasciné par la machine qui se met en place et qui donne corps et réalité à ce qu’un auteur trace sur un papier. «C’est passionnant quand on voit les choses s’incarner», s’exclame-t-il. Comme un enfant émerveillé devant un tour de magie, il assiste aux répétitions. «Je n’interviens pas directement devant les comédiens», indique-t-il. «Je prends des notes, et nous en discutons ensuite avec le metteur en scène». Une production littéraire et théâtrale très importante. René de Obaldia a-t-il une préférence pour l’une ou l’autre forme d’écriture ? «J’ai la chance de pouvoir m’exprimer des deux manières. Mais je n’ai pas de réelle préférence pour l’une ou l’autre. Chacune a correspondu à un besoin en particulier». Le centenaire semble avoir une place à part dans le souvenir de René de Obaldia. Premier roman écrit à la première personne du singulier, «c’est une épopée de la mémoire. C’est un vieillard qui a une foi extraordinaire en l’avenir, le roman commence par “dans 13 ans, je serais centenaire”. Dans ce drame de la vieillesse, j’avais pu reconstituer une atmosphère à la fois tragique et comique. Mon vieillard est un vieillard très vert, qui a ses idées sur la vie, sa vie et sur certaine de ses expériences». Si on demande à René de Obaldia pourquoi il écrit, il répond du tac au tac ? «Aujourd’hui on pourrait renverser la question et demander pourquoi n’écrivez-vous pas, puisque tout le monde écrit ?». Puis après une petite pause de réflexion, il estime qu’en ce qui le concerne, «c’est une nécessité. Et, comme je l’écris dans Exobiographie, j’ai eu une enfance plutôt pauvre. Donc même si j’avais voulu être peintre ou musicien, il aurait fallu en avoir les moyens. Tandis qu’avec l’écriture, il suffisait d’un bout de papier et d’un crayon, pour m’exprimer. J’ai d’ailleurs commencé par la poésie». Le quotidien est le point de départ de l’écriture. «Toute existence est singulière», relève le romancier. «Je suis né en Chine d’un père panaméen et d’une mère française. J’ai retrouvé le Panama très tard, une famille merveilleuse, que j’ai eu la chance de ne pas subir». Pour lui, «on écrit à partir de l’interrogation sur soi-même et sur les autres. C’est avant toute chose une interrogation. Une curiosité, un intérêt pour les êtres et la société qui nous entourent». Et cet intérêt intéresse, puisque les œuvres de René de Obaldia ont été jouées sous des cieux très différents, d’Amérique latine en Europe de l’Est. Pour le dramaturge, cela prouve que «nous nous sommes retrouvés sur des problèmes majeurs qui touchent à l’homme, où qu’il soit». Une universalité qui ne doit rien au hasard. * Il signe son ouvrage au Salon «Lire en français et en musique 99» samedi 30 octobre, 20h, stand de la libriairie Dédicace. L’écrivain animera samedi 30 une soirée Spécial poèsie avec Michel Deguy et Venus Khoury Ghatta à 18h30, salle Georges Schehadé. Une pièce mise en scène à Beyrouth dans les années 70 «J’ai déjà été au Liban», souligne tout de go René de Obaldia. «Ce sera une redécouverte». C’était dans les années soixante-dix, «Jean-Marie Mechaka, un jeune metteur en scène montait “Du vent dans les branches de sassafras”», se souvient de Obaldia. «On m’avait demandé de céder une partie de mes droits d’auteur au profit d’une organisation humanitaire. J’ai, bien entendu, cédé tous mes droits, cela allait de soi. Mais, les organisateurs touchés par mon geste m’ont invité à venir à Beyrouth. Les choses avaient été prévues avec une telle générosité que je suis certain que les frais de voyage et d’invitation étaient largement supérieurs aux droits que j’ai cédés», se souvient-il encore. «C’était vraiment merveilleux. J’ai assisté donc à cette représentation qui était très bien mise en scène. Et j’ai visité le Liban. J’en garde un très beau souvenir». «Les Innocentines » ? Mon enfant chéri Son enfant préféré ? Les Innocentines, un recueil de «poèmes pour enfants et quelques adultes», précise de Obaldia. L’ouvrage comporte quelque 75 poèmes écrits il y a une vingtaine d’années, mais souvent réédités. «Je reçois beaucoup de lettres d’enfants à ce propos. Des poèmes accompagnés de dessins. Et j’en suis ravi», raconte-t-il, étonné de ce succès. «Et les mères quand elles me voient sont étonnées, parce que souvent elles me croient mort », indique-t-il amusé. «Étant donné que mes textes sont dans les manuels scolaires». Quelques Innocentines ont été montés en spectacle à Paris.
René de Obaldia*, écrivain, poète et dramaturge semble avoir une prédilection pour les biographies hors normes. Près de 35 ans après Le centenaire, mémoires anticipées d’un vieil homme, véritable délire verbale tragico-comique sur la vieillesse, René de Obaldia remet cela avec Exobiographie, une biographie dans laquelle le regard du narrateur tente de rester extérieur à...