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Actualités - INTERVIEWS

Dans le monde Randa Chahal Sabbagh : civilisées, un film prioritaire pour les libanais(photos)

Au 56e Festival de Venise, tous les journalistes s’étaient intéressés à «Civilisées» : le public était vraiment curieux d’en savoir plus sur ce film libanais et les télévisions se sont arraché les entretiens avec sa réalisatrice. «Civilisées» présente de manière expressionniste, et parfois même crue, différents moments et personnages du conflit libanais ; mais pour Randa Chahal Sabbagh la violence dans son troisième long-métrage ne suffit pas à exprimer l’horreur de la guerre. Raya Abi-Rached avait suivi son parcours au Lido. L’Orient-Le Jour : Le film a-t-il mis beaucoup de temps avant d’être achevé? Randa Chahal Sabbagh : Comme nous travaillions avec un laboratoire en Suisse, chaque fois que nous avions besoin de quelque chose, il fallait attendre longtemps pour s’exécuter. Nous avons terminé le tournage le 14 juillet de l’an dernier, commencé le montage début novembre, puis les négociations pour la musique avec Ziad el-Rahbani (qui n’avait pas composé de bandes originales de films depuis longtemps) en décembre et cela a pris du temps. Pour composer, il voyait des morceaux du film. J’ai adoré sa musique. O-LJ : Vous avez choisi d’utiliser le son de manière particulière, par exemple de ne pas en mettre durant les moments les plus dramatiques, un peu comme le réalisateur Terrence Malick (A Thin Red Line), pourquoi? R.C-S. : Pour moi la bande sonore est primordiale. Le silence dans le cinéma est très important. Mon premier film, Écrans de sable, est construit de cette manière, plein de chuchotements. Les sons me font peur, je n’oublierai jamais quand j’étais très jeune, j’avais vu un film d’horreur à la Hitchcock, qui m’avait terrorisée, parce qu’on n’y voyait personne, on entendait uniquement des frôlements d’habits. Pour moi le son est un acteur dans le film, je l’étudie, j’y consacre du temps. O-L J : Beyrouth est-elle aussi pour vous un comédien dans le film, vu qu’on y revoit de manière récurrente des promenades dans la ville? R.C-S. : J’ai fait un film tourné au Caire nommé Les Infidèles, (une commande pour la chaîne Arte), une histoire d’amour entre deux hommes et les images sont filmées de manière identique en longs travellings, captant ma première impression de la ville. Les lieux, dans mes trois films, sont aussi importants que les comédiens. Cela dépend du metteur en scène. Certains réalisateurs aiment filmer des villes, d’autres préfèrent s’attarder sur des scènes de couples... O-L J : Parlez-nous des décors. R.C-S. : La maison libanaise dans le film était sublime, abandonnée depuis la guerre, on l’a redécorée à partir de rien, ce fut un travail colossal... O-LJ : Et comment avez-vous reconstitué les images de Beyrouth, les rues, les immeubles détruits durant la guerre, qui n’existent plus? R.C-S. : Ce sont de vieilles images que j’avais filmées depuis longtemps et qui sont en 16 mm, gonflées en 35 mm. Ce sont mes premiers plans tournés à l’âge de 22 ou 23 ans, durant les débuts de la guerre. Un jour, alors qu’on avait réouvert le centre-ville, j’ai pris ma caméra et filmé un long travelling sur Beyrouth. J’ai des milliers de mètres sur la ville. Il y a un projet de créer une cinémathèque au Liban (c’est fait! – NDLR), et je voudrais donner toutes mes archives pour les conserver. O-LJ : Seriez-vous prête à accepter une censure? R.C-S. : Pas pour tout, non. J’ai proposé de camoufler des injures comme le faisait Milos Forman. Contrairement au film de Ziad Doueiri, qui est plus fantaisiste et que j’aime beaucoup, le contenu de Civilisées vise surtout à faire revivre des moments de guerre difficiles et c’est cela qui dérange le plus. O-LJ : Vous choisissez de ne pas prendre parti, d’accuser tout le monde, pourquoi? R.C-S. : Parce que j’estime que tout le monde est responsable dans cette guerre. Tout le monde a tort, tout le monde a raison, on est tous impliqués. C’est notre guerre. O-LJ : On sent un désir évident de satire concernant vos personnages, était-ce votre intention initiale? R.C-S. : Je trouve que les Égyptiennes sont très proches de la réalité, très extraverties. J’ai passé beaucoup de temps au Caire et c’est cela qui m’a inspiré. Très vite, les Égyptiennes se mettent à danser, à dire des gros mots, à rire très fort. En ce qui concerne le personnage de Viviane, j’ai délibérément choisi de verser dans le burlesque. Je voulais qu’elle soit grossièrement vulgaire. O-LJ : Comment avez-vous équilibré les dialogues entre français et arabe? R.C-S. : C’était terrible et je ne ferai plus ça. Le film ayant obtenu des fonds français, les dialogues devaient être à moitié en langue française. Je pense doubler certains passages. J’ai d’ailleurs tourné certaines prises en deux versions, une sorte de «franc-banais». O-LJ : Un moment marquant du Festival de Venise? R.C-S. : Les applaudissements du public, lors de la projection. Alors que mon producteur, Daniel Toscan Du Plantier, avait prévu qu’il n’y aurait personne (le film était projeté en même temps que Holy Smoke, de Jane Campion), la salle était comble à toutes les séances. Que le film de Randa Chahal Sabbagh puisse avoir des «problèmes» au Liban, n’a rien d’étonnant, et c’est même probable. Sa sortie à Beyrouth, prévue pour janvier/février 2000, reste donc à confirmer.
Au 56e Festival de Venise, tous les journalistes s’étaient intéressés à «Civilisées» : le public était vraiment curieux d’en savoir plus sur ce film libanais et les télévisions se sont arraché les entretiens avec sa réalisatrice. «Civilisées» présente de manière expressionniste, et parfois même crue, différents moments et personnages du conflit libanais ; mais...