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Actualités - CHRONOLOGIE

Un sujet brûlant : la surveillance des lignes

Les députés se penchent sur la proposition de loi relative aux écoutes téléphoniques comme s’ils tenaient une matière leur brûlant les doigts. La prudence excessive dont ils font montre les pousse à répéter plusieurs fois qu’il s’agit, non pas de réglementer ce système de surveillance, mais de définir un cadre juridique qui mettrait fin aux abus. Ils donnent l’impression qu’ils votent malgré eux la proposition de loi, ce qui, somme toute, est tout à fait compréhensible puisqu’ils approuvent un système qui constitue après tout une atteinte à l’intimité des individus, même s’il ne sera appliqué que dans des cas très précis, en rapport avec la sécurité de l’État. Aussi, plusieurs parlementaires formulent-ils des remarques générales sur le dossier des écoutes avant même de s’attaquer aux articles du texte. La plus importante est peut-être celle de M. Najah Wakim, dans la mesure où elle porte sur un élément concret à l’heure où le mystère le plus total entoure jusqu’aujourd’hui les écoutes téléphoniques dites illégales. Le député de Beyrouth déclare que l’ancien gouvernement avait confié à la société «Cable and Wireless, dont le conseil d’administration compte des Israéliens parmi ses membres, les travaux de réhabilitation du réseau téléphonique» et que cette société «a installé des systèmes d’écoutes dans plusieurs secteurs». Il rappelle qu’il avait déjà soulevé ce problème au Parlement et que les commissions parlementaires avaient adopté une recommandation demandant au gouvernement Hariri d’abroger le contrat conclu avec cette société. M. Wakim rappelle que le Cabinet n’avait pas tenu compte de cette recommandation et qu’il avait lui-même (entendre Wakim) présenté à la Chambre des documents étayant ses propos. M. Najah Wakim puis M. Nassib Lahoud insistent tous deux sur le fait que la surveillance des communications téléphoniques est répandue au Liban. «Elle s’est étendue au domaine économique», affirme M. Wakim. «Nous légiférons au moment où tout le monde sait que les écoutes sont pratiquées alors que ceux qui les pratiquent refusent de le reconnaître», indique M. Lahoud pour qui il est primordial d’interdire les écoutes, sauf dans les cas en rapport avec la sécurité. M. Bassem el-Sabeh abonde dans le même sens après avoir fait remarquer que «l’opinion publique croit à tort que le Parlement veut approuver les écoutes téléphoniques», pendant que M. Boutros Harb rappelle que la loi est destinée à «protéger la société et à garantir le respect des droits de l’homme». MM. Zaher el-Khatib et Jamil Chammas insistent tellement pour savoir ce qu’il est advenu du dossier de «l’espionnage téléphonique pratiqué pour le compte d’Israël» que c’est le chef du gouvernement qui répond, expliquant que l’affaire – révélée par l’ancien ministre de la Défense, M. Mohsen Dalloul – est aux mains de la justice. M. Hoss rappelle ensuite qu’il avait été le premier à avoir soulevé le problème de la surveillance des lignes téléphoniques à l’époque où M. Rafic Hariri était encore au pouvoir et qu’il n’avait pas été convaincu par la réponse du gouvernement. «Lorsqu’il nous a été confirmé que certains services surveillent des communications téléphoniques, nous sommes convenus avec les députés que les écoutes devraient être une exception, la règle étant qu’elles doivent être interdites», ajoute-t-il. Deux heures de débat L’examen de la proposition de loi donne lieu à un débat juridique minutieux, qui durera deux heures exactement. Aucun mot n’est laissé au hasard et six amendements sont introduits au texte – modifié une première fois en commissions parlementaires –, le principal étant l’interdiction de la surveillance des communications téléphoniques des ministres et des députés. C’est le chef du Parlement, qui avait présidé les réunions des commissions parlementaires, qui se charge de dissiper les doutes ou les craintes exprimés par certains parlementaires. Le projet de loi accorde au premier juge d’instruction de chaque mohafazat le droit d’ordonner la surveillance des communications d’une personne déterminée. Aux députés qui croient que cette mission doit être confiée aux procureurs généraux, M. Berry explique que si les juges d’instruction ont été choisis, c’est parce qu’ils ne recoivent pas d’instructions du gouvernement ou du ministère de la Justice. Sur proposition de M. Nassib Lahoud, l’article est toutefois amendé de manière à accorder, «en cas d’extrême nécessité, aux premiers juges d’instruction des mohafazats ainsi qu’aux juges chargés d’instruire les dossiers de certaines affaires commandant des écoutes», le droit de surveiller les communications entreprises par le biais d’un des moyens précisés dans le texte : les téléphones fixes et portables des réseaux étatiques ou cellulaires, les fax, le courrier électronique. L’article 9 est amendé de manière à ne pas fixer de délai précis pour la prorogation de la durée de mise sur écoute des communications d’un individu (fixée à deux mois). Le texte initial stipulait que cette durée pouvait être prorogée «pour une seule fois». Il précise qu’il appartient aux ministres de la Défense et de l’Intérieur de donner l’ordre d’une mise sur écoute, sur autorisation du chef du gouvernement. Mais M. Hoss aurait bien voulu que ce rôle lui soit épargné. Il ne le cache pas et proteste énergiquement contre cette clause parce qu’elle peut donner lieu, selon lui, à de la diffamation. Le délai prévu pour la destruction des rapports d’écoute suscite un vigoureux débat entre le chef du Parlement et M. Élie Hobeika. Cette discussion ne débouchera pas sur la modification de l’article sous examen, contrairement au débat qui marquera l’examen de l’article permettant la surveillance des communications des députés et des ministres, sur autorisation préalable des chefs du Parlement et du gouvernement. Ministres et députés étaient d’accord pour considérer qu’il ne faut en aucun cas surveiller les communications des hommes politiques, à l’exception de MM. Harb et Husseini qui pensent qu’il ne peut y avoir d’exception devant la justice. M. Hamadé demande à savoir quelle autorité autorisera la surveillance des communications des chefs du Parlement et du gouvernement et M. Chaker Abou Sleiman rappelle l’existence de l’immunité parlementaire. Puis le chef du Parlement intervient pour souligner que les lois libanaises prévoient des règles qui peuvent être appliquées lorsque des soupçons pèsent sur un membre de l’Exécutif ou du Législatif et qu’à son avis, il ne faudrait pas autoriser la surveillance des communications des ministres et des députés. Il rappelle que les lois françaises ne l’autorisent pas. «Mais elles ne l’interdisent pas non plus», intervient M. Harb, qui demande ensuite à M. Hariri si ses communications sont surveillées. «Oui», répond l’ancien chef du gouvernement. Un léger amendement est introduit à l’article 16 relatif à la formation d’une commission indépendante composée du procureur général près la Cour de cassation, du président du Conseil d’État et de deux députés pour s’assurer de l’application des mesures prévues par la loi. MM. Harb et Husseini protestent contre la présence de deux députés aux côtés de magistrats mais le ministre de la Justice, M. Joseph Chaoul, leur explique qu’il s’agit seulement d’une commission administrative. Le changement voté n’a toutefois rien à voir avec ce point mais avec la publication du rapport annuel de la commission. Ce rapport sera remis aux chefs de l’État, du Parlement et du gouvernement mais ne sera pas publié au Journal officiel comme le texte le prévoyait. Le dernier amendement concerne la validité des rapports, qui doit «être prouvée conformément aux règles en vigueur» et non plus «conformément aux dispositions de cette loi et sauf si elle est accompagnée d’un enregistrement». Le vote de la proposition de loi ne pose pas de problèmes. Seuls les membres du bloc parlementaire de M. Walid Joumblatt expriment leur opposition au texte.
Les députés se penchent sur la proposition de loi relative aux écoutes téléphoniques comme s’ils tenaient une matière leur brûlant les doigts. La prudence excessive dont ils font montre les pousse à répéter plusieurs fois qu’il s’agit, non pas de réglementer ce système de surveillance, mais de définir un cadre juridique qui mettrait fin aux abus. Ils donnent...