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Actualités - ANALYSE

Liberté d'expression - Marcel Khalifé et la statue de Aïn Mreissé L'opposition politise le débat

C’est décidément la loi des séries : dans la même semaine, l’affaire Marcel Khalifé puis celle de la statue à Aïn Mreïssé. Il ne faut certes pas beaucoup dramatiser. Dans le genre, on a vu bien plus grave : quand, par exemple, les petits boutiquiers se faisaient plastiquer ou assassiner à Saïda comme à Tripoli pour avoir vendu de la bière… Et puis l’intolérance offre l’avantage d’être œcuménique et polysociale. Il suffit souvent qu’on ait des idées pour en devenir fanatique. On se souvient ainsi des «glorieuses» années soixante ou soixante-dix quand des pièces de théâtre étaient interdites, ou qu’on refusait le droit de gesticuler à Johnny Hallyday qui en restait tout interdit. On se rappelle aussi l’histoire de Zahlé Desnuda, cette statue représentant la ville tenant une grappe qu’on avait dû faire reculer à l’entrée de la cité après les véhémentes protestations du clergé. Il n’en reste pas moins que l’art et la culture viennent d’être secoués deux fois sur la scène locale. Et que dans le domaine politique, beaucoup s’étonnent de la passivité, de la timidité d’un pouvoir qui se dit garant des libertés. Et se contente de rester les bras croisés quand elles sont attaquées. L’opposition saisit donc l’occasion pour relever que le gouvernement adopte devant les moindres épreuves la fameuse devise : courage, fuyons. Pour ne pas heurter des sensibilités, ni sembler prendre parti pour une fraction contre une autre, alors que c’est le droit qui est en cause. Ces opposants enfoncent habilement le clou en soulignant que la non-action du gouvernement contraste fortement avec les fermes déclarations de Baabda en faveur de la protection des libertés, notamment de la liberté d’expression. Autre sujet d’étonnement pour les adversaires de l’équipe Hoss : c’est à un moment où Beyrouth est déclaré par l’Unesco capitale culturelle du monde arabe que la culture y est impunément outragée. Les contestataires soulignent à dessein que «ce qui n’avait pas été fait sous Hariri l’est sous Hoss. En effet, rappellent-ils, la plainte contre Marcel Khalifé, pour un poème de Mahmoud Darwiche qu’il a mis en musique, remonte à plus d’un an. Elle avait été gelée et on la croyait discrètement classée. Mais lorsqu’un nouveau juge d’instruction a été nommé dans la capitale, il l’a ressortie des tiroirs. Sans en informer le ministre de la Justice, le parquet ou les autorités politiques». Parallèlement, à Aïn Mreïssé, les cercles du quartier proche de la mosquée ont protesté contre une statue représentant Vénus qu’on devait inaugurer dans le cadre des cérémonies pour le troisième millénaire. Ils se sont également élevés contre des inscriptions sur un tumulus de sel. Selon ces habitants, la statue est un signe de paganisme puisqu’elle porte le nom d’une déesse romaine qui de plus symbolise à leurs yeux la provocation sexuelle bien plus que la beauté féminine. Devant ces récriminations, les organisateurs ont dû obtempérer : ils ont biffé les inscriptions et reculé la statue. Comme à Zahlé… Ils auraient pu s’obstiner : ils étaient en principe légalement couverts. En effet ils avaient obtenu toutes les approbations requises de la municipalité comme du ministère de la Culture. Mais l’attitude fuyante des autorités a découragé ces organisateurs, confrontés à des menaces déterminées. Les opposants profitent donc de ces incidences pour demander: que fait l’État? Surtout quand sa propre image de marque en prend un coup à l’étranger. Le président du Conseil a certes rendu hommage à Marcel Khalifé, mais en se hâtant de préciser que l’affaire n’est pas de son ressort, qu’elle est aux mains de la justice. Le droit contre la loi en somme. N’est-ce pas là un sujet que par essence même le pouvoir public doit traiter ? D’autant que la question prend une dangereuse tournure confessionnelle en portant par exemple les instances chiites à critiquer au sujet de Khalifé les pôles sunnites. Mais le pouvoir saurait-il être à la hauteur quand on le voit laisser des magistrats se crêper le chignon par voie de presse ?
C’est décidément la loi des séries : dans la même semaine, l’affaire Marcel Khalifé puis celle de la statue à Aïn Mreïssé. Il ne faut certes pas beaucoup dramatiser. Dans le genre, on a vu bien plus grave : quand, par exemple, les petits boutiquiers se faisaient plastiquer ou assassiner à Saïda comme à Tripoli pour avoir vendu de la bière… Et puis l’intolérance...