Rechercher
Rechercher

Actualités - INTERVIEWS

Politique économique - Entretien avec le président de la Fédération des CCI Kassar appelle à une concertation accrue entre le gouvernement et le secteur privé(photo)

Le gouvernement de M. Sélim Hoss a construit un plan de redressement pour les cinq années à venir. Parmi les différentes réformes proposées, certaines ont trait à la fiscalité des entreprises et impliquent des changements importants, telle l’adoption d’un système de TVA. La réussite de ces réformes semble toutefois liée à la coopération d’un secteur privé pleinement participatif. Au cours d’un entretien accordé à L’Orient-Le Jour, M. Adnan Kassar, président de la Fédération des CCI du Liban, a confirmé un soutien de principe à ce programme, soutien conditionné toutefois par des consultations accrues entre le secteur privé et le pouvoir. Pour le «patron des patrons» libanais, le mouvement de réformes amorcé par le gouvernement peut être constructif pour le pays, dans la mesure ou les réalités économiques sont respectées, a fortiori durant la période de crise actuelle. Q. – Les organismes que vous représentez ont-ils trouvé un consensus avec le gouvernement actuel ? R. – «Fidèles aux intérêts économiques vitaux du pays et conscients du poids de leur rôle dans l’économie, les organismes qui représentent le secteur privé ont toujours œuvré à maintenir des relations de bonne entente et de coopération avec tous les gouvernements. Nos prédispositions envers le gouvernement actuel ne font pas exception à cette attitude de principe. Cependant, et vu la gravité de la situation économique, ces organismes voudraient voir allouer au secteur privé un rôle plus actif dans le processus de formulation de la politique économique. C’est l’attitude que nous souhaitons voir adoptée par l’équipe gouvernementale, attitude qui permettrait d’éviter toute erreur de jugement et toute défaillance dans l’exécution et la pratique». Q. – Les réformes fiscales sur les droits de douanes ont-elles un impact réellement positif sur l’économie libanaise ? R. – «Est-ce bien dans le but d’augmenter les revenus publics que les droits de douanes ont été majorés ? Cherchons-nous à produire un changement quelconque au niveau de la consommation ? Veut-on réduire le déficit de la balance commerciale, encourager la production locale, ou imposer excessivement les produits catégorisés “non-essentiels” ? Ces questions auraient dû être clairement posées dans un énoncé de la politique fiscale que le gouvernement entend exécuter. Dans une conjoncture de récession, tout excès dans l’imposition serait un facteur aggravant de la langueur économique générale. En effet, nombre d’activités commerciales ont déjà accusé un recul plus ou moins important et ne présenteraient, par conséquent, qu’une contribution réduite au Trésor public». « Les taux d’imposition de l’entreprise ne devraient pas depasser les taux actuels »... Q. – Le gouvernement devait-il augmenter, dès aujourd’hui, les taux de l’impôt sur le revenu ? R. – «À notre avis, et nous l’avons exprimé à maintes reprises, c’est par l’entremise d’une collecte efficace et systématique des dûs fiscaux que les recettes augmenteront, et cela avec beaucoup moins de dégâts économiques. Une politique instable de l’imposition affecte négativement attentes et décisions des investisseurs. Cependant, dans le cadre actuel et loin de minimiser l’importance du niveau de l’imposition sur les décisions d’investissement, nous dirons qu’en termes nominaux, les taux d’imposition de l’entreprise ne devraient pas dépasser les taux actuels. Bien entendu, d’autres charges qui alourdissent le bilan de l’entreprise devraient être réduites». Q. – Que pensez-vous de la politique qui consiste à imposer plus fortement les capitalistes plutôt que d’élargir l’assiette fiscale ? R. – «Élargir l’assiette fiscale revient à étendre l’imposition vers des secteurs d’activité professionnelle et d’affaires qui n’ont jusqu’à présent eu qu’une contribution minime aux rentrées de l’État en impôts directs. C’est donc à la fois pour des raisons d’équité et par souci d’efficacité économique que nous demandons une répartition optimale des impôts directs. C’est donc à la fois pour des raisons d’équité et par souci d’efficacité économique que nous demandons une répartition optimale des impôts sur une assiette fiscale élargie. En effet, une répartition déséquilibrée du fardeau fiscal créerait des distorsions dans l’économie privée et conduirait par conséquent à une allocation sous-optimale des ressources à moyen et long termes. J’ajouterai à cela que ni le Trésor ni l’économie en général ne gagneraient à alourdir d’impôts les sources mêmes de l’investissement». Q. – Le ministre des Finances se plaît à dire que la notion de paradis fiscal est un mythe pour pays sous-développés. Que pensez-vous de cette réflexion pour le Liban ? R. – «Les pays qui ont peu d’avantages comparatifs ne peuvent attirer et motiver l’investissement qu’en se transformant en paradis fiscaux. Cependant, et afin d’énoncer clairement la position des organismes économiques, nous affirmerons que si l’environnement de paradis fiscal n’est ni une condition suffisante ni même une condition nécessaire pour encourager l’investissement, il n’en reste pas moins que l’imposition accablante ne peut que décourager l’investissement. Dans le contexte libanais, il y a lieu de s’éloigner des deux pôles d’excès tout en œuvrant à stimuler les facteurs économiques et autres qui constituent les avantages comparatifs de nos secteurs et entreprises». Favoriser l’investissement Q. – La récession économique s’est accélérée durant le premier semestre. Cela est-il dû à la politique économique actuelle ? R. – «Nous nous devons de réaffirmer que l’investissement privé est le principal créateur d’emplois et le moteur de croissance économique. Toute entrave à cet investissement ralentit donc de facto l’activité économique. La conjoncture régionale, il faut bien l’admettre, renfloue l’incertitude aux niveaux politique et économique, mais n’est pas le seul responsable du recul des taux de croissance. Nous pensons qu’il n’y a pas eu de changement perceptible et décisif dans la politique économique qui est appliquée depuis 1993. Tout en admettant que cette politique a réussi au niveau de l’instauration et du maintien d’une stabilité monétaire tout au long de la phase initiale de la reconstruction, le cap des réussites de cette politique est toutefois dépassé et un changement s’impose dans la phase actuelle. Il n’est plus question à présent de mobiliser les ressources financières du pays pour subvenir aux dépenses de la reconstruction et de la modernisation de l’infrastructure comme il était le cas dans les années 1993-1997 ; il s’agit plutôt de mettre beaucoup plus de ressources à la disposition de l’investissement privé pour favoriser une reprise d’envergure au niveau des entreprises». Q. – Allez-vous soutenir la mise en place de la TVA ? De quelle manière ? R. – «C’est l’accession du Liban aux blocs régionaux de libre-échange, tels l’accord euro-méditerranéen de partenariat et de coopération et la zone arabe de libre-échange, ainsi que l’adhésion envisagée aux conventions de libre échange de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui vont nécessiter l’abolition par phases des droits de douanes. Cette forme d’imposition, qui peut, théoriquement, favoriser la production locale, sera remplacée par une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui devrait être appliquée uniformément sur tous les produits et services écoulés sur le marché local. Il est évident que, de prime abord, une ouverture multilatérale et totale de notre marché pourrait porter préjudice à nos industries manufacturières et à nos fournisseurs de services. Conscients de cette éventualité, nous devrions mettre sur pied un système de TVA visant à sauvegarder la viabilité de nos entreprises». Q. – Quelles perspectives dégagez-vous du plan de redressement proposé par le gouvernement, pour les cinq prochaines années ? R. – «Le plan de redressement proposé par le gouvernement démarque les préoccupations et priorités de l’équipe en charge de la politique économique, et il est bien clair que la reprise au niveau de l’économie privée ainsi que l’assainissement des finances publiques relèvent de questions prioritaires. Cependant, nous n’avons pu décaler dans la présentation de ce plan un programme d’action bien défini basé sur des simulations ou projections tenables. De ce fait, nous partageons l’avis du chef du gouvernement qui a parlé de “vision” gouvernementale pour le redressement plutôt que de “plan”. Nous pensons aussi que le gouvernement devrait repenser les notions de base de sa politique fiscale telle qu’énoncée dans le texte du plan de redressement. Nous ne sommes pas convaincus que l’imposition des sources mêmes de l’investissement puisse faciliter la reprise économique, surtout dans un cadre fiscal où la majoration parfois excessive des taux d’imposition n’a épargné ni la consommation ni les revenus. Nous notons de même que les attentes du gouvernement quant à l’apport de la privatisation dans la gestion de la dette publique ne correspondent pas aux chiffres et projections. Nous maintenons donc que, loin d’être final, ce plan devrait être remodelé dans un cadre de consultations soutenues et de coopération sans réserves entre le gouvernement et les organismes représentant le secteur privé. C’est notre espoir de diriger l’économie vers la voie de l’essor».
Le gouvernement de M. Sélim Hoss a construit un plan de redressement pour les cinq années à venir. Parmi les différentes réformes proposées, certaines ont trait à la fiscalité des entreprises et impliquent des changements importants, telle l’adoption d’un système de TVA. La réussite de ces réformes semble toutefois liée à la coopération d’un secteur privé pleinement...