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Actualités - REPORTAGES

Reconstruction - Entre la nostalgie du passé et l'espoir d'un bel avenir Retour aux sources pour les anciens locataires du centre-ville(photos)

Miser sur l’avenir et se réinstaller au centre-ville. Beaucoup de commerçants qui sont parvenus à récupérer leur magasin dans le vieux Beyrouth n’hésiteront pas à le faire. Bénéficiant d’anciens contrats de location, ils ont préféré ne pas partir quand Solidere a estimé leurs locaux en vue de les échanger contre des actions de l’entreprise foncière. L’affaire, à long terme, serait de loin plus rentable. Jusqu’à présent, 141 immeubles ont été restaurés au centre-ville et plus de 200 locataires ont réussi à rouvrir boutique dans l’espace qu’ils occupaient avant la guerre. M. Georges Nour, directeur du département de gestion des propriétés au sein de Solidere, indique que «depuis le début des opérations de récupération des immeubles, 1 811 demandes de retour aux anciens baux commerciaux ont été déposées». «Environ 50 % de demandes ont été acceptées», ajoute-t-il. Certains ont rouvert leurs magasins, banques et entreprises, tandis que d’autres attendent encore que Beyrouth redevienne la place commerciale qu’elle était avant les événements. Dans quelles conditions ces anciens locataires ont réussi à récupérer les locaux qu’ils occupaient au centre-ville ? L’article 63 des statuts de Solidere fixe les conditions du retour aux anciens baux commerciaux. Les locataires désireux de reprendre l’espace qu’ils occupaient avant la guerre devraient se manifester dans un délai maximal de deux mois après la récupération du bien-fonds par son propriétaire. Notons que chaque opération de ce genre est publiée dans le Journal officiel. Beaucoup de locataires, notamment ceux dont les commerces étaient situés dans les premiers immeubles récupérés, ne sont pas parvenus à reprendre le bail. Au début, une frange non négligeable ignorait le parcours à suivre. Une fois l’espace récupéré, le locataire devrait participer avec le propriétaire du bien-fonds à la restauration du bâtiment. Et tout comme le propriétaire, il devrait payer à la société foncière une somme représentant 10 % du prix d’estimation du local, cette somme contribuant à résoudre le problème des déplacés qui avaient élu domicile durant la guerre du Liban au centre-ville. Des prix qui semblent dérisoires D’autres formalités dépendent uniquement du propriétaire du bâtiment et des anciens locataires. Dans ce cadre, le locataire devrait payer par exemple le quart ou la moitié des loyers dus jusqu’au jour où il a récupéré le local en question. Même accumulées, ces sommes semblent dérisoires. Ainsi un même local peut être coté à 20 000 dollars pour un nouveau locataire, et à 7 000 dollars pour un ancien locataire. Il est donc plus rentable pour les propriétaires de récupérer des immeubles vides, où ils peuvent louer le mètre carré d’un magasin, situé au rez-de-chaussée par exemple, à 500 dollars annuels. La tâche de certains locataires qui tiennent à retourner au centre-ville demeure cependant difficile. M. Nour indique à ce propos qu’afin «que l’ancien contrat sur le loyer ne soit pas rompu, il faut que le locataire ne change pas l’utilisation ou le nom du bail». Le problème se pose souvent, quand les héritiers n’exercent pas la même profession que leurs ascendants. Le directeur du département de gestion des propriétés note également qu’il «a été impossible à certains locataires qui ont rempli toutes les conditions de récupérer l’espace qu’ils occupaient». Ils exerçaient des métiers nuisibles à l’environnement (garagistes, soudeurs…) désormais interdits au cœur de Beyrouth. Les anciens locataires, selon les sources de Solidere se sont réinstallés dans tous les secteurs restaurés du centre-ville, notamment la rue des banques, le quartier Foch-Allenby, ainsi qu’une partie de Kantari et de Saïfi. Pour plusieurs anciens locataires, le vieux Beyrouth est «la maison-mère». L’endroit où ils ont démarré, où ils ont entamé leur carrière. C’est à partir de là qu’ils se sont lancés dans le commerce. Ils ont été contraints de quitter le centre-ville avec la guerre et de s’établir ailleurs. Cependant le mythe du vieux Beyrouth ne forme pas l’unique motif du retour. Les locataires sont unanimes : «Pour le paiement des indemnités, la société foncière a estimé les locaux à des prix forts modestes», disent-ils. De plus, ces commerçants misent sur l’avenir de la ville. «Plus tard, affirment-ils, les régions marchandes qui ont vu le jour avec la guerre sont vouées à disparaître et c’est le centre-ville qui prendra le dessus». Travailler à perte Parmi les locataires qui ont récupéré leur fonds de commerce, il y a ceux qui remettent à plus tard la date du retour. Ils attendent que le centre-ville se remette un peu à vivre. La grogne commence cependant à se manifester chez les commerçants qui se sont réinstallés. Miser sur l’avenir n’est certes pas une chose aisée. Beaucoup suivent l’activité de la rue des banques : ils ouvrent leurs magasins de 8 heures à 13 heures. Ils savent également qu’ils ne vont pas réaliser des gains substantiels dès leur retour dans le vieux Beyrouth. Les problèmes se posent ailleurs. Durant plusieurs mois, l’accès aux services publics a été impossible. Propriétaires ainsi que nouveaux et anciens locataires ont vécu sans électricité, sans téléphone et sans eau. Jusqu’à présent tous les immeubles du centre-ville sont alimentés en électricité par des groupes électrogènes. De plus, bien que la société foncière vante les mérites du secteur Foch-Allenby, les anciens commerçants de la zone se plaignent. Pour eux, le Beyrouth d’aujourd’hui, malgré les travaux de restauration et les efforts déployés par la société foncière, n’a pas récupéré son charme d’avant-guerre. Certains sont contre l’organisation de l’exposition “Souk el-Barghout” dans le plus beau secteur de la ville. «Le marché aux puces de la capitale se tenait jusqu’au début des années cinquante à proximité de l’actuel immeuble des Lazaristes», disent-ils. D’autres refusent que le nom des rues Foch et Allenby soit attribué au même secteur. Ils racontent qu’avant «la guerre, la rue Foch était consacrée à la quincaillerie, tandis que la rue Allenby logeait les meilleurs marchands de tissus du pays». Les anciens locataires, les nouveaux venus et les propriétaires, se plaignent tous de la société foncière chargée de la reconstruction du centre-ville. Chacun a une histoire à raconter pour dénoncer le comportement de Solidere. Ils citent à titre d’exemple le cas d’un shopping mall dont l’édification a été suspendue faute de permis de construction, le recours à plusieurs consultants et responsables pour la pose d’une unique boîte téléphonique, les récupérations d’immeubles sous des prête-noms, les magasins restaurés qui se louent à des prix compétitifs… Solidere est chargée de la reconstruction et du développement du centre-ville. Il est déjà difficile de réhabiliter un espace ayant une superficie d’un million de mètres carrés; que serait-ce alors de devoir le repeupler ?
Miser sur l’avenir et se réinstaller au centre-ville. Beaucoup de commerçants qui sont parvenus à récupérer leur magasin dans le vieux Beyrouth n’hésiteront pas à le faire. Bénéficiant d’anciens contrats de location, ils ont préféré ne pas partir quand Solidere a estimé leurs locaux en vue de les échanger contre des actions de l’entreprise foncière. L’affaire, à long...