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Actualités - REPORTAGES

Festival Ayloul - Traduction et lecture de la dernière pièce de Bernard-Marie Koltès Fadi Abou Khalil libanaise Roberto Zucco(photo)

Fadi Abou Khalil a dirigé une lecture de la pièce Roberto Zucco de Bernard-Marie Koltès. Les acteurs Renée Dick, Abla Khoury et Ali Matar ont récité le texte traduit en libanais par Abou Khalil qui a également participé à la lecture. Roberto Zucco est une pièce inspirée du personnage du meurtrier italien Roberto Succo qui, âgé de 26 ans, s’est donné la mort dans la prison de Vincence. Bernard-Marie Koltès a écrit cette pièce juste avant de mourir en 1989. L’auteur français a été fasciné par le «parcours invraisemblable et sublime de ce criminel vers sa propre mort». Pour lui, Roberto Zucco était «un personnage mythique, un héros comme Samson ou Goliath, monstres de force, abattus finalement par un caillou ou par une femme». L’acteur et metteur en scène libanais a été séduit d’emblée par les écrits de Koltès . «Le monde qu’il décrit est dur, la langue est rêche et transparente à la fois. Mais cette dureté apparaît comme un destin, une fatalité portée dans le silence, une morsure qui ne nous quittera plus». Dans Roberto Zucco, on voit, paradoxalement, que l’évadé n’est pas l’homme de la révolte. Il n’est pas non plus celui du nihilisme. «Zucco est l’homme du nouveau monde, l’homme de la pure correspondance. Koltès l’a voulu ainsi, comme sujet de sa dernière pièce, lui qui savait qu’il mourrait du sida», remarque Fadi Abou Khalil. «Le texte est dur à faire jouer par les acteurs, ajoute-t-il, parce que c’est un texte obsessionnel, qu’il ne faut pas déformer par des indications réalistes...». Koltès disait : «J’ écris comme j’entends les gens parler, la plupart du temps, et je ne sais pas trop comment c’est fabriqué, je ne suis pas un théoricien». Pour la traduction, Abou Khalil a fait de même. L’acteur et metteur en scène libanais a fait dix versions «libanisées» du texte de Koltès avant de se déclarer satisfait de la dernière. Il voulait surtout éviter une traduction littérale. Il fallait que les expressions et les phrases soient purement libanaises, sans aucune connotation de «traduit du français». Abou Khalil a donné un nouveau titre à sa traduction : «Je suis le rhinocéros». Explications : «Sans doute pour accentuer le cachet local . Et puis, je voulais y mettre de moi-même, même si cette phrase est tirée du texte original». Zucco tue sans raison. Il tue trois fois dans la pièce - dont un enfant - sans qu’on comprenne jamais pourquoi. Roberto est l’énigme même. Sa mère, qu’il va étrangler, s’écrie : «Comment as-tu quitté les rails, Roberto? Qui a posé un tronc d’arbre sur ce chemin si droit pour te faire tomber dans l’abîme ?». Il s’agit moins d’une chute que d’une aspiration au soleil ; et répétant son geste meurtrier Roberto s’enténèbre en se rapprochant de l’astre qu’il rencontrera dans la dernière scène, au sommet des toits de la prison. «Il tombe», crie une voix, mais il y a trop de lumière pour qu’on puisse encore apercevoir Zucco. Non sans ironie, la toute dernière scène du théâtre de Koltès se termine par une dérobade : celui qui a regardé la mort et le soleil en face est-il un Icare qui s’écrase au sol ? Ou un Edouard qui «disparaît dans l’espace» ? «Toutes les pièces de Koltès séduisent par cette combinaison si particulière d’acuité et d’énigme qui est sa marque, remarque Abou Khalil. Si déterminés que soient ses personnages à suivre le chemin qui les mène à un point lumineux ou à leur mort, ou à ce point obscur et lumineux qu’est leur mort – qu’on pense à Koch, au Client, ou à Zucco – on ignore toujours ce qui les meut. Car la question à poser est “comment” ? et non “pourquoi”». Quelle est l’impression d’ensemble que lui laisse la lecture des pièces de Koltès? «C’est une impression à laquelle je ne m’y fie pas au point de juger. Disons qu’elle est suffisamment forte (celle de la puissance d’un souffle, de l’ampleur du propos, de l’originalité du traitement) pour que l’envie naisse d’y aller voir de plus près. Cette envie, faisant son chemin de façon sinueuse et rencontrant les circonstances voulues, m’a amené à partir en exploration sur un fragment, le texte de Roberto Zucco. Or, au fur et à mesure que j’avançais, je voyais se déplier un univers illimité dans ses dégagements d’énergie, dans ses résonances et ses significations. C’est au niveau moléculaire du texte, où contenu et contenant sont indissociables, que l’évidence du génie m’apparaissait, source d’exultation». Quid de Roberto Zucco ? Voyons ce que le personnage du théâtre de Koltès dit à propos de lui-même . C’est l’histoire d’un gamin : «Je suis agent secret. Tu sais ce que c’est, un agent secret ? Un agent, en plus d’être secret, il voyage, il parcourt le monde, il a des armes. (...) Il voyage, il va en Afrique». C’est l’histoire d’un homme : «Si on me prend, on m’enferme. Si on m’enferme, je deviens fou. D’ailleurs je deviens fou, maintenant. Il y a des flics partout, il y a des gens partout. Je suis déjà enfermé au milieu de ces gens. (...) C’est parce que je suis un homme que j’ai la trouille». C’est l’histoire d’un vieillard, aussi : «Par le haut. Il ne faut pas chercher à traverser les murs, parce que, au-delà des murs, il y a d’autres murs. Il y a toujours la prison. Il faut s’échapper par les toits, vers le soleil. On ne mettra jamais un mur entre le soleil et la terre. (...) Tournez votre visage vers l’Orient et il s’y déplacera ; et si vous tournez votre visage vers l’Occident, il vous suivra». Fadi Abou Khalil espère pouvoir mettre en scène cette pièce. Il conclut : «Roberto Zucco, c’est la parabole d’un jeune homme qui devient un tueur parce que sa vision, sa perception des autres et du monde le terrorisent. La peur de Zucco convertie en crime, c’est la ré(tr)action quasi animale d’un être qui se sent menacé dans son existence par la peur criminelle des autres». Zucco n’arrête pas de se sentir devenir transparent, d’avoir le sentiment de perdre son identité, sa couleur et jusqu’à son nom en fondant comme un sucre (zucchero).
Fadi Abou Khalil a dirigé une lecture de la pièce Roberto Zucco de Bernard-Marie Koltès. Les acteurs Renée Dick, Abla Khoury et Ali Matar ont récité le texte traduit en libanais par Abou Khalil qui a également participé à la lecture. Roberto Zucco est une pièce inspirée du personnage du meurtrier italien Roberto Succo qui, âgé de 26 ans, s’est donné la mort dans la...