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Actualités - OPINION

Pourquoi bouder son plaisir?

On dira peut-être qu’il n’y a pas de quoi pavoiser. Mais il n’y a pas non plus de quoi bouder les bonnes nouvelles, surtout quand trois d’entre elles coïncident sur une durée de quelques jours. Ainsi nous avons eu droit, la semaine dernière, successivement, à une déclaration du président Lahoud mettant en garde contre l’alliance de la presse et du capital, à l’autorisation de vente, toujours par le chef de l’État ; d’un hebdomadaire de langue arabe qui attaquait le pouvoir libanais, et qui embarrassait les censeurs «de l’aéroport», enfin au refus du gouvernement de s’incliner devant le diktat du CNA qui recommandait de sanctionner (lourdement) une chaîne de télévision censément coupable d’avoir manqué à la règle du boycott d’Israël. Comment ne pas prendre acte de ces signes de liberté, de ces contributions à la sauvegarde des libertés, quand ils apportent un climat d’assainissement à une république soumise aux miasmes du doute ? Car, au-delà de la liberté d’expression et de la presse, directement concernée par ces mesures, le chef de l’État et le gouvernement ont fait la preuve de leur propre liberté de jugement et d’action, et, pourquoi avoir peur des mots, d’une certaine souveraineté. Tant de mots pour si peu de chose ? Il n’est pas inutile de citer Mar Raphaël Ier Bidawid, patriarche des chaldéens, qui déclarait il y a quelques jours à L’Orient-Le Jour, après avoir évoqué les régimes où sévit l’autoritarisme, c’est-à-dire, selon lui, ceux de toute la région : «Il n’y a que le Liban, et encore on le priverait volontiers de sa démocratie si on le pouvait». Cette remarque du prélat irakien vient, mieux que nous ne saurions le faire, mettre en relief la forte valeur symbolique qui s’attache, ici, à toute affirmation d’autonomie, à tout indice d’une liberté de mouvement. Et de quoi vivrait un pays, sinon de symboles ? * * * François Mauriac, disparu près de vingt ans avant la chute du mur de Berlin, répondait un jour à un interlocuteur qui l’interrogeait sur ses sentiments envers l’Allemagne qu’il aimait énormément le pays d’outre-Rhin : «Je l’aime tellement, dit-il, que je suis ravi qu’il y en ait deux». Cette boutade me vient à l’esprit quand certains me reprochent d’être hostile à la Syrie. Car j’aime la Syrie, son patrimoine, ses hommes, sa fierté, l’intelligence politique de ses chefs, et ceci sans aucune ironie. Ce que j’aime moins en revanche, c’est son péché pansyrien. Toute allusion à une Grande Syrie suscite en moi un certain frisson. J’y pense en apprenant que Moustapha Tlass vient de terminer une thèse de doctorat écrite sous la direction du géographe français Yves Lacoste sur la Syrie naturelle. Il n’est pas nécessaire d’avoir pris connaissance des 500 pages de ce travail de fond, et connaissant le nationalisme du ministre de la Défense d’Assad, pour se douter qu’en l’occurrence l’adjectif «naturelle» renvoie à ce vaste espace géographique, rêve, bien politique, lui, de plusieurs idéologies arabes. Mais ce serait faire un procès d’intention au thésard de Damas que d’extrapoler ainsi sans avoir lu sa prose. Et par crainte de voir les considération telluriques du général pousser les frontières «naturelles» d’un pays ami et voisin jusqu’à vouloir abolir les nôtres. C’était la petite paranoïa d’une fin de mois caniculaire...
On dira peut-être qu’il n’y a pas de quoi pavoiser. Mais il n’y a pas non plus de quoi bouder les bonnes nouvelles, surtout quand trois d’entre elles coïncident sur une durée de quelques jours. Ainsi nous avons eu droit, la semaine dernière, successivement, à une déclaration du président Lahoud mettant en garde contre l’alliance de la presse et du capital, à...