Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

La rencontre chrétienne ou le négatif de la guerre

La plate-forme d’entente commune au sujet des prochaines élections législatives et de la loi électorale, que la rencontre chrétienne a réussi à définir appelle quelques commentaires. La rencontre chrétienne a d’abord ouvert une lucarne par où un peu d’air frais est entré dans l’atmosphère confinée de notre quotidien politique. Ce succès renvoie immanquablement à d’autres assises chrétiennes élargies moins reluisantes, où les chrétiens n’ont pu afficher que la lutte acharnée pour le pouvoir à l’origine de leur naufrage. En décrivant tout ce que des élections libres et intègres ne devraient pas être, le communiqué de la rencontre chrétienne a décrit tout ce que les élections de 1992 et 1996 ont été. Il a développé un négatif photographique qui est, en même temps, le procès, ou plutôt l’instruction du procès de l’application de l’accord de Taëf, dit «d’entente nationale». Une entente qui a très vite tourné à l’aigre, et est apparue comme une entente forcée, parachutée, qui n’a pas réussi à réconcilier les Libanais, mais a entretenu leurs méfiances les uns à l’égard des autres. C’est l’une des articulations majeures du communiqué. L’unité nationale se fait de la base vers le sommet. Ce que la rencontre chrétienne essaie de dire sans l’articuler, c’est que l’on a fait le contraire. Que l’on a tenté de mettre les Libanais dans un moule, dans une gaine, plutôt que de permettre aux Libanais de se parler sans témoins, de s’expliquer, de se réconcilier. En outre, c’est le procès non seulement de l’accord de Taëf, mais des années de guerre, que le communiqué instruit. À la bonne heure. L’histoire du Liban en miettes doit être reconstruite, la mémoire collective retrouvée. La guerre n’a-t-elle pas consisté, à un moment donné, par la terreur s’il le faut, à empêcher les Libanais de se parler ? Le pluralisme Une autre articulation importante du texte est le passage sur le pluralisme culturel, superposé à la pluralité des communautés. Des élections libres et intègres, dit le communiqué, doivent assurer la représentativité non seulement numérique des élus, mais également leur représentativité communautaire. On entre là dans un terrain politique délicat, qui touche à l’essence de l’entité libanaise, à l’existence même du Liban. Qu’est-ce que le Liban ? Une fois pour toutes, les Libanais doivent régler leurs comptes et en avoir le cœur net de ce pluralisme qui les empoisonne. Mais ils doivent le faire sans ingérence, par le dialogue et non pas les armes. Le détonateur palestinien n’est plus, aujourd’hui, ce qu’il était au début des années 70. Les Libanais doivent sauver leur mémoire et écrire leur histoire et leur avenir. Qu’est-ce que la guerre au Liban ? Une lutte pour le pouvoir entre chrétiens et musulmans ? Une déstabilisation orchestrée de l’extérieur ? Un mouvement de libération nationale avorté ? La guerre des autres par Libanais interposés ? Rien ne doit être occulté, rien ne doit rester non-dit. Pour certains, la communauté maronite, dont les aspirations à l’indépendance ont été déterminantes pour la naissance du Liban, a mené un mouvement de libération nationale. Alors comment un projet de cette nature, qui contenait en lui les germes d’un dépassement de l’appartenance confessionnelle, a-t-il chaviré ? Est-ce parce que les maronites n’ont pas su ménager la place qui revenait à leurs partenaires musulmans, ou l’ont-ils fait avorter eux-mêmes dans la lutte sans merci pour le pouvoir qu’ils se sont livrée ? Tout cela peut n’être qu’hypothèses de travail. L’important, c’est de s’engager dans le travail de mémoire, dans ce travail de recherche d’un sens de l’histoire de la guerre, ou de plusieurs sens. Pour nous retrouver comme nation, nous réunifier, reprendre conscience de nous-mêmes et redonner au monde un modèle de vigueur intellectuelle et de convivialité, qui est le nom libanais de la fraternité.
La plate-forme d’entente commune au sujet des prochaines élections législatives et de la loi électorale, que la rencontre chrétienne a réussi à définir appelle quelques commentaires. La rencontre chrétienne a d’abord ouvert une lucarne par où un peu d’air frais est entré dans l’atmosphère confinée de notre quotidien politique. Ce succès renvoie immanquablement à...