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Actualités - OPINION

Tribune La rançon de la paix

Ce ne sont pas les Libanais, encore moins les habitants de Jezzine, qui vont pleurer le départ de l’ALS et de ses maîtres. Quelles que soient les raisons de cette décision israélienne et quelles qu’en soient les conséquences, une évacuation est une évacuation et elle doit être saluée avec soulagement. Il appartient aux autorités d’assumer leurs responsabilités sécuritaires et de conjurer, s’il y en a, tout effet secondaire néfaste. Cependant, il est probable que l’affaire de Jezzine soit le commencement d’un compte à rebours dont on ne peut encore deviner le déroulement ni l’étendue. Très certainement, les signes annonciateurs d’une volonté négociatrice du côté israélien semblent incontestables : respecter les accords d’Oslo, essayer de résoudre le problème de Jérusalem et surtout inviter la Syrie à reprendre le dialogue là où Rabin et Peres l’avaient laissé, telles sont les promesses de M. Barak qui essaie de rallier un consensus israélien aussi large que possible (Likoud compris) autour de cette nouvelle orientation. Tout laisse croire que, cette fois, les ouvertures barakiennes ne sont pas de pure forme et qu’elles doivent être prises au sérieux, autant pour les bénéfices que pour le mal qu’elles peuvent produire. L’heure semble enfin venue des décisions difficiles dans les deux camps, arabe et israélien. Il faudra, de part et d’autre, beaucoup de détermination, de courage, d’imagination, de souffle, pour s’engager dans cette voie jalonnée d’obstacles à surmonter et de sacrifices à consentir. Il y faudra aussi des qualités exceptionnelles de leadership. Deux hommes, le président Sadate et M. Rabin, ont laissé leurs vies sur ce chemin balisé de trompe-l’œil et de ronces. Mais l’état de non-guerre et de non-paix ne peut durer indéfiniment, – d’autant que sur le territoire libanais, c’est plutôt la guerre. Ce sont les succès spectaculaires du Parti de Dieu qui ont incontestablement accéléré l’empressement israélien à mettre un terme aux pertes humaines et matérielles subies sur un territoire où l’occupation n’est pas gratuite. La paix comme la guerre a son prix. Il est vrai qu’elle exige d’immenses efforts, mais elle peut produire des fruits largement compensatoires. Si on la veut véritablement, on peut y aboutir malgré tout ce qu’il en coûte. Avec la prudence du chat échaudé, nous pouvons avancer à petits pas vers une solution, même si la pilule est difficile à avaler ; car elle suppose, en fin de course, l’acceptation définitive d’un usurpateur sur une terre arabe. Pendant longtemps, une telle reconnaissance apparaîtra comme une amère résignation devant la fatalité. Cependant, s’il est enfin possible que l’heure se mette à marcher à reculons, le rythme du compte à rebours importera peu ; viendra un jour où l’évacuation du Liban-Sud et de la Békaa-Ouest se réalisera. Ce sera un jour de bonheur ; car aucun pays n’aura autant mérité la paix que le Liban dont le martyre semble devenu un état chronique, de quelque côté que lui viennent les coups. Une page entièrement nouvelle de notre histoire s’ouvrira alors, dont le contenu est difficile à prédire. Ce pays dont l’identité a été si souvent mutilée, et si souvent piétinée, pourra-t-il recouvrer quelque chose de son ancien rêve : celui d’être un modèle de société mixte selon un concept qui a fait sa singularité et qui a donné sa raison d’être à l’existence même de l’État ? Ou devra-t-il se fondre dans un système monocolore qui ne le distinguera plus de son environnement ? Cela dépendra sans doute de ce que les Libanais veulent, mais aussi, peut-être bien, de ce que les puissants de cette terre voudront faire de nous. Surtout si nous choisissons de rester aphones pour toujours.
Ce ne sont pas les Libanais, encore moins les habitants de Jezzine, qui vont pleurer le départ de l’ALS et de ses maîtres. Quelles que soient les raisons de cette décision israélienne et quelles qu’en soient les conséquences, une évacuation est une évacuation et elle doit être saluée avec soulagement. Il appartient aux autorités d’assumer leurs responsabilités sécuritaires et de...