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Actualités - INTERVIEWS

Passé un certain délai, les habitants de Jérusalem qui l'ont quittée perdent le droit d'y revenir Sabbah : les chrétiens de Terre Sainte ne représentent plus que 3% de la population

À l’occasion de la réunion, au Liban, de l’assemblée générale du Conseil d’Églises du Moyen-Orient (Cemo), L’Orient-Le Jour a pu s’informer auprès du vicaire apostolique latin de Jérusalem, Michel Sabbah, de la situation des chrétiens en Terre sainte, et en particulier des incidents qui ont opposé à Nazareth des militants islamistes à la population chrétienne et à la municipalité de la ville, au sujet d’un terrain faisant face à l’église de l’Annonciation. Q.: Mgr Michel Sabbah, quelle est la situation des chrétiens de Terre sainte ? R.: À la veille du troisième millénaire, les chrétiens de Terre sainte ne représentent plus que 3% de la population, tous communautés et rites confondus. Leur situation n’a jamais été vraiment stable. Pour des raisons politiques liées à l’Intifada, aussi bien que pour ses conséquences économiques et sociales, les chrétiens ont quitté Bethléem, Jérusalem et d’autres régions de Terre sainte, et ont choisi de s’éloigner. Cet éloignement volontaire, qui était souvent provisoire, a été transformé par Israël en situation permanente. L’État hébreu a en effet décidé dernièrement que tous ceux qui quittent la Ville sainte pour une période déterminée perdent leur droit à retourner chez eux. Q.: Comment ont réagi les églises ? R.: Après une forte hémorragie démographique, les départs ont aujourd’hui diminué. Les églises ont décidé d’y remédier en construisant des logements, qui sont proposés à la vente ou à la location, sans aucun souci de profit. La fin de l’Intifada a également contribué à arrêter l’hémorragie. Restent, aujourd’hui, les tracasseries endurées par les chrétiens qui ont quitté Jérusalem et ne peuvent y revenir. Q.: Que s’est-il passé au juste à Nazareth, dernièrement ? R.: L’église de l’Annonciation est considérée comme la plus grande église du Moyen-Orient. Tout le monde sait que la municipalité de Nazareth a commencé les préparatifs pour la célébration du Jubilé de l’an 2000. Devant l’église, il existait une vieille école et la tombe d’un personnage qu’on dit musulman. L’État hébreu a fait don du bien-fonds à la municipalité, pour élargir la place devant l’église. Mais des musulmans venus de l’extérieur de Nazareth sont intervenus, ont dressé une tente sur cet emplacement et ont affirmé qu’ils comptent construire une mosquée sur place car le sol abrite les restes d’un de leurs hommes saints. Pourtant les titres de propriété sont clairs et leurs affirmations sont sans fondements. Des frictions ont eu lieu. Des devantures de magasins vendant des spiritueux ont été brisées. Des guirlandes posées pour Noël ont été arrachées. Des contacts diplomatiques entre le Vatican et l’État hébreu ont suivi, et ce dernier semble avoir adopté une attitude de neutralité. Mais certains assurent qu’il a exploité les différends à des fins électorales. Q.: Le conflit a-t-il été réglé ? R.: Le conflit sur le terrain n’est toujours pas réglé, et il faudra attendre que les élections du 17 mai soient terminées. Les instances administratives concernées sont trop occupées à organiser les élections. Il faut dire que des manifestations de solidarité émanant de musulmans de Nazareth ont été enregistrées. Ces derniers ont d’ailleurs eu leur part des atteintes provenant des musulmans de l’extérieur de la bourgade. Chrétiens et musulmans de Nazareth ont toujours vécu en bonne entente. Des messages de solidarité de musulmans ont également émané de Palestine et du Liban. Des provocations Q.: L’intégrisme musulman est-il en cause ? R.: Certes, le fondamentalisme est pour quelque chose dans ces tensions qui se manifestent en différents endroits de Terre sainte, mais il ne faut pas négliger les facteurs politiques. Ainsi, tout dernièrement, des provocations injustifiées se sont multipliées, comme celle qui s’est produite lors de la procession des rameaux, à Jérusalem. Une bagarre aux bâtons s’est soldée, ce jour-là, par plusieurs blessés. Q.: Le rapprochement entre les églises a-t-il apporté du positif ? R.: Le mouvement œcuménique est l’un des signes d’espérance aujourd’hui. Au sein de la commission Foi et unité du Conseil d’Églises du Moyen-Orient, pour la première fois depuis quinze siècles, les chefs des différentes églises se rencontrent pour envisager de mettre fin à leurs divisions. De grands progrès ont été accomplis durant les cinq dernières années. Ainsi, nous sommes parvenus à établir un texte unifié pour le Pater et le Credo. Mais des craintes continuent d’exister. Notamment de la part des églises orthodoxes, qui redoutent les défections intéressées vers d’autres églises. De même le fossé est grand entre catholiques et protestants au sujet des sacrements, de la primauté du pape et de la Vierge Marie. En échange, des accords significatifs sont intervenus sur la personne du Christ. Q.: Et le dialogue islamo-chrétien ? R.: Il ne faut pas attendre du dialogue islamo-chrétien qu’il résolve tous les problèmes d’un coup. Mais il faut progresser dans la connaissance mutuelle, au service d’une convivialité pacifique. Et bien entendu, nous ne voulons, ni ne devons aspirer à ce que quiconque change de religion. Q.: Quelle est la situation des maronites en Terre sainte ? R.: La présence des maronites en Terre sainte est ancienne. Elle remonte au IXe siècle. Puis des maronites sont venus avec les croisés, et ont servi d’interprètes aux Européens. Quand les franciscains sont arrivés en Terre sainte, des maronites sont arrivés dans leur sillage. Les maronites ont eu une présence pédagogique importante en Terre sainte (enseignement, traduction). La majorité des maronites de Terre sainte se trouve en Galilée, notamment à Haïfa (2 500 maronites) et à Nazareth (1 500). Certains des villages de la Haute-Galilée comptaient de nombreux maronites. Kfar Borhom était entièrement peuplé de maronites. Le village est aujourd’hui déserté, mais ses habitants le visitent constamment, y nettoient régulièrement l’église, et y célèbrent les grandes fêtes. L’été, des camps de jeunesse y sont organisés, pour que les nouvelles générations demeurent en contact avec leur patrimoine. Il existe en ce moment 5 prêtres maronites en Terre sainte, un diacre sur le point d’être ordonné et deux séminaristes.
À l’occasion de la réunion, au Liban, de l’assemblée générale du Conseil d’Églises du Moyen-Orient (Cemo), L’Orient-Le Jour a pu s’informer auprès du vicaire apostolique latin de Jérusalem, Michel Sabbah, de la situation des chrétiens en Terre sainte, et en particulier des incidents qui ont opposé à Nazareth des militants islamistes à la population chrétienne et à la...