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Actualités - CHRONOLOGIE

Cambodge - Les deux compagnons de Pol Pot reçus par Hun Sen à Phnom Penh Deux millions de morts sous la terreur khmère rouge : Khieu Samphan désolé (photo)

Deux des plus influents hiérarques du régime khmer rouge se sont dits «désolés» pour les crimes commis en son nom, pour la première fois publiquement, mais ils ont appelé à tourner la page du génocide. Les deux vétérans de la dictature ont fait allégeance mardi au nouveau maître du Cambodge, Hun Sen, au nom d’une «réconciliation nationale» scellant des décennies de guerre. En attendant un hypothétique procès. «Oui, je suis très désolé», a répété trois fois Khieu Samphan lors d’une conférence de presse à Phnom Penh. Mais il a immédiatement ajouté qu’il fallait «oublier le passé». Nuon Chea a lui aussi exprimé des regrets. «Naturellement, nous sommes désolés, pas seulement pour les vies humaines mais aussi pour les animaux. Ils sont tous morts parce que nous voulions gagner la guerre», a-t-il dit. Mais interrogé sur le nombre de personnes mortes, selon lui, sous le régime khmer rouge, il a répondu : «Je vous en prie, laissez cela à l’histoire. C’est de l’histoire ancienne, je vous en prie, laissez cela au passé». Le régime du Kampuchéa démocratique, sous la férule de Pol Pot, est tenu pour responsable de la mort de plus d’un million de Cambodgiens, peut-être deux, torturés, exécutés, affamés ou maltraités entre 1975 et 1979. Interrogé sur d’éventuelles poursuites judiciaires pour «crimes contre l’humanité» devant un tribunal international ou cambodgien, Khieu Samphan a répondu : «C’est à la nation et au peuple cambodgiens de se prononcer». Ralliés au gouvernement depuis Noël, Khieu Samphan et Nuon Chea ont été reçus par le Premier ministre Hun Sen dans sa résidence privée de Takmau. Ils avaient été amenés par hélicoptère depuis l’ancien fief rebelle de Pailin situé au nord-ouest du Cambodge. Leur ralliement a confirmé la décomposition complète du mouvement khmer rouge, anéanti militairement depuis des mois par l’armée de Hun Sen – du moins tel qu’on l’a connu jusqu’à présent. C’est la première fois depuis des années que les deux théoriciens communistes de la terreur khmère rouge retournaient dans la capitale. Khieu Samphan, 67 ans, qui fut chef d’État du Kampuchéa démocratique puis dirigeant politique de la guérilla, n’y avait pas remis les pieds depuis novembre 1991. Chargé alors de participer aux réunions du Conseil national suprême (CNS) dans le cadre des accords de paix de Paris, il n’était resté que quelques heures, chassé par une foule qui voulait le lyncher. Quant à l’énigmatique Nuon Chea, 71 ans, de son vrai nom Long Bunruot, on ne l’avait pas vu à Phnom Penh depuis 1979, lorsque l’armée vietnamienne avait chassé les Khmers rouges du pouvoir. Les deux vieillards, qui aspirent à redevenir des «citoyens ordinaires», sont apparus de santé fragile – Nuon Chea s’appuie sur une canne – mais souriants. Khieu Samphan a fait teindre en noir jais ses cheveux blancs. Ils étaient accompagnés par l’ex-bras droit et beau-frère de Pol Pot, Ieng Sary, installé à Pailin depuis son ralliement au gouvernement royal en juillet 1996. Après leur défection, il ne reste plus dans le maquis que l’insaisissable Ta Mok, dernier chef de guerre, surnommé Le Boucher en raison de sa cruauté, accompagné d’une poignée de fidèles. Affidés de Pol Pot, Khieu Samphan et Nuon Chea ont été – comme Ieng Sary – des membres éminents de l’Angkar, émanation suprême du PC cambodgien qui a dirigé dans l’ombre le Cambodge pendant près de quatre ans. Ils ont imposé un règne de terreur, légitimé par les diktats d’une utopie agrarienne délirante, d’inspiration maoïste, et d’un modèle radical d’expérimentation sociale. À ce titre, ils sont passibles de la justice. Toutefois, Hun Sen, officier khmer rouge jusqu’en 1977, a jugé préférable de les laisser en liberté, sans un procès à ses yeux «inutile». «Ceux qui, un jour, ont mené la guerre sont sur le point de réintégrer la société, c’est pour cela que nous devons les accueillir non pas avec des armes, des balles, des prisons ou des menottes, mais avec un bouquet de fleurs dans l’esprit de la réconciliation nationale», a-t-il expliqué lundi. «Nous devons creuser un trou pour y enterrer le passé et regarder le 21e siècle en repartant de zéro», a argué Hun Sen. Il a cependant ajouté qu’il ne pouvait leur garantir l’immunité en cas de mandat d’arrêt international : «Faire ou non un procès est au-delà de nos prérogatives gouvernementales». Un diplomate asiatique estime que Hun Sen fait passer son objectif de réconciliation nationale avant les pressions en faveur d’un procès. «Mais je ne pense pas qu’il ait vraiment exclu l’une ou l’autre perspective. Si les Khmers rouges recommencent à causer des troubles il peut toujours soulever à nouveau la question d’un procès», dit ce diplomate. «Il est très rusé, c’est un joueur d’échecs», note-t-il. Des citoyens ordinaires ne cachent pas leur détresse face à l’impunité dont pourraient jouir les dirigeants khmers rouges. «J’aimerais les voir fusiller», dit l’homme d’affaires Cheuon Heng, qui a perdu sept membres de sa famille, dont deux fils. «Nous voulons les voir condamner, au moins qu’ils soient jetés en prison pour qu’ils voient comment c’était pour les gens qu’ils ont fait souffrir. Mais les gens ordinaires comme nous n’ont aucun pouvoir». Une association occidentale de défense des droits de l’homme, Human Rights Watch, a réclamé que Khieu Samphan et Nuon Chea soient arrêtés et châtiés. Une équipe de l’Onu a enquêté au Cambodge le mois dernier sur les crimes des Khmers rouges en vue de l’établissement d’un tribunal international susceptible de juger les chefs polpotistes encore en vie. Mais la création d’une telle instance pourrait prendre des années. Pol Pot, lui, a échappé à la justice : il est mort en avril à l’âge de 73 ans, apparemment d’une crise cardiaque, dans la jungle cambodgienne.
Deux des plus influents hiérarques du régime khmer rouge se sont dits «désolés» pour les crimes commis en son nom, pour la première fois publiquement, mais ils ont appelé à tourner la page du génocide. Les deux vétérans de la dictature ont fait allégeance mardi au nouveau maître du Cambodge, Hun Sen, au nom d’une «réconciliation nationale» scellant des décennies de...