Rapports contradictoires de la Banque centrale russe et du ministère des Finances Pris en tenailles, Evgueni Primakov est acculé aux mesures minimales (photo)

Le premier ministre russe Evgueni Primakov, pris en tenailles entre communistes et réformateurs, a annoncé jeudi des mesures minimales pour sortir le pays de la crise, alors que la Banque centrale et le ministère des Finances défendaient des programmes radicalement opposés «Ces mesures sont le résultat de la politique médiane que veut faire M. Primakov. Entre deux programmes complètement différents, il prend le dénominateur commun et se limite à des mesures symboliques qui ne heurtent ni les uns ni les autres. Mais il n’y a toujours pas de programme fort», résume un expert économique occidental. Les mesures annoncées jeudi restent relativement creuses et floues et montrent que M. Primakov, tiraillé entre l’aile gauche de son gouvernement qui prône une émission monétaire et un soutien à la production nationale et l’aile réformatrice favorable à un mélange de libéralisme et de réformes modérées, n’a pas su définir de stratégie. Pour payer sa dette sociale, le nouveau Cabinet doit trouver de l’argent. Il n’y a guère d’autre choix que la planche à billets ou l’arrivée rapide, mais improbable, de crédits internationaux. C’est notamment sur ce point que s’opposent farouchement la Banque centrale de Russie (BCR) et le ministère des Finances, chargé chacun de rédiger un rapport présenté en Conseil des ministres jeudi. La BCR estime que le seul moyen de payer la dette budgétaire (salaires et retraites, factures aux entreprises...) est d’effectuer une émission monétaire. Son montant minimum d’ici la fin de l’année serait de 40-50 milliards de roubles (2,6 à 3,3 milliards USD), soit environ 1/6ème de la masse monétaire. Le président de l’institut d’émission, Viktor Guerachtchenko (très nettement orienté à gauche), s’est aussi prononcé pour le contrôle des prix et des changes afin de contrer l’hyperinflation qui suivrait inévitablement. A l’inverse, le rapport du ministère des Finances, rédigé sous la direction du vice-premier ministre réformateur Alexandre Chokhine, est nettement opposé à toute création monétaire. Une telle solution «entraînerait une aggravation de la dévaluation de la monnaie (...), une poursuite de l’augmentation des prix et une déstabilisation totale» du système monétaire, selon le rapport du ministère. M. Chokhine compte toujours sur les 4,3 milliards de dollars promis au précédent gouvernement par le FMI. «Nous comptons sur cet argent, nous en avons besoin», sinon, il faudra «mobiliser nos réserves intérieures», a-t-il expliqué.