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Actualités - CHRONOLOGIE

Dans le land du sud, l'homme politique est jaugé à sa descente et son coup de fourchette En bavière, la vérité est au fond du bock

L’issue des élections régionales en Bavière, décisives pour l’avenir de l’Allemagne, se noue autant, sinon plus que sur les places publiques, dans les brasseries et sous les tentes à bière où un homme politique est jaugé aussi à sa «descente» et son coup de fourchette. Chrétien ou social-démocrate, il faut à tout candidat qui se respecte prouver qu’il rivalise de sel avec la roborative cuisine locale et qu’il possède cette «suprématie aérienne sur les tables d’habitués» prêtée au chef du gouvernement régional sortant, le conservateur Edmund Stoiber. Brasseries et Bierzelte, ces immenses chapiteaux sous lesquels des milliers de Bavarois font bombance, sont à la Bavière ce qu’étaient l’agora et le forum à l’Athènes et la Rome antiques. Bière blonde et cuissot de porc en plus. La kermesse d’Abensberg achevait d’en convaincre lundi. Y a-t-il une autre manifestation en Allemagne qui réunisse le même jour, à la même heure, à quelques dizaines de mètres l’un de l’autre, le chef de file régional des conservateurs (Edmund Stoiber), celui des sociaux-démocrates (Renate Schmidt), la figure de proue de l’écologie nationale (Joschka Fischer) et un des caciques libéraux (le comte Otto Lambsdorff)? Chacun sous son chapiteau tendu des couleurs bleue et blanche de la Bavière, chacun sous l’enseigne d’un brasseur différent, Hofbraeuhaus, Pils Brauerei Schieding... «Ein Prosit!» «On ne serait pas pris au sérieux si on ne venait pas ici», indique Renate Schmidt. 3.500 hommes et femmes pesamment attablés l’avaient entendue entonner «Ein Prosit, Ein Prosit», balançant son verre de bière au rythme des cuivres avant d’entamer son discours. «La» Renate s’y entend pour «mettre de l’ambiance», convenaient ses auditeurs dans l’entrechoquement des bocks et le va-et-vient incessant des serveuses. Cette faculté a grandement contribué, avec ses rondeurs rassurantes pour une foule ventripotente, à la popularité de «Renate la Rouge». Elle en tire quelque orgueil: «Je fais partie de ces responsables qui savent faire ça», se flatte-t-elle enserrée dans un costume traditionnel de rigueur, ensuite échangé contre une tenue plus citadine avant un meeting à Nuremberg. Son rival Stoiber, ajoute-t-elle, fait semblant. Quant au comte Lambsdorff, il avait attiré si peu de monde qu’il avait renoncé à parler, se gausse-t-elle Quand il harangue les culottes de peau et les chapeaux à queue de chamois, Edmund Stoiber s’appuie autant sur son bilan que sur une chope. Mais les connaisseurs ne s’y trompent pas. «L’ascète» ne touche au breuvage vénéré que du bout des lèvres. Et sa «suprématie aérienne», il ne la doit sûrement pas à sa dextérité dans le lever du coude, quand bien même on lui offrait à Abensberg un schnaps à 56% d’alcool, score espéré dimanche. Si Armin Truebwetter, agriculteur de 50 ans, a trouvé Edmund Stoiber «puissant», c’est qu’il décèle le nerf sensible sous le cuir épais de Bavarois dont il ne rechigne pas à endosser le costume et la langue: criminalité, immigration, défense de la Bavière, «mon pays chéri», contre la «racaille de gauche» et la bureaucratie bruxelloise... A l’heure où l’ancien chancelier social-démocrate Helmut Schmidt s’afflige de «la campagne la plus superficielle depuis des décennies», Renate Schmidt dément que les Bierzelte portent la démagogie en soi: «Vous m’avez entendue faire du populisme?» demande-t-elle. «On nous dit: c’est de l’esbroufe, c’est un peu vrai, mais c’est aussi de l’information politique», abonde Edmund Stoiber qui, peu après, fendent la foule de la kermesse à la tête d’une batterie-fanfare. Joschka Fischer prouve qu’Edmund Stoiber et Renate Schmidt n’ont pas forcément tort. Lui aussi fait chapiteau comble. Il n’a pourtant pas l’accent, il n’est pas Bavarois. Et il ne boit plus une goutte d’alcool depuis qu’il suit un régime draconien. (AFP)
L’issue des élections régionales en Bavière, décisives pour l’avenir de l’Allemagne, se noue autant, sinon plus que sur les places publiques, dans les brasseries et sous les tentes à bière où un homme politique est jaugé aussi à sa «descente» et son coup de fourchette. Chrétien ou social-démocrate, il faut à tout candidat qui se respecte prouver qu’il rivalise de...