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Actualités - ANALYSE

Un dilemme persistant : le financement de l'augmentation salariale dans la fonction publique

La logique gouvernementale est simple: pour éviter un clash entre Législatif et Exécutif autour de l’échelle des salaires, et pour prévenir la crise socio-économique qui en découlerait, il faut s’abstenir d’ouvrir une session extraordinaire d’été. Il est clair en outre, ajoute-t-on, que si M. Nabih Berry réclame à cor et à cri une telle session, ce n’est pas tant pour les beaux yeux des fonctionnaires que pour en découdre avec M. Rafic Hariri à l’approche de la présidentielle et dans la perspective des rapports de force intérieurs qui auront cours sous le prochain régime. Quant à l’échelle des salaires, qui joue à la fois le rôle de pomme de discorde et celui de paravent cachant la vraie cause du conflit, son réajustement effectif nécessite un consensus sur beaucoup de points: — Il faut d’abord qu’au sein même du Cabinet, les ministres, qui représentent des courants politiques divers, s’entendent sur les moyens à mettre en œuvre pour assurer des sources de financement, en préalable à l’ouverture d’une session extraordinaire. Cet accord paraît difficile à atteindre car, même si l’on met de côté le climat d’animosité qui marque les relations entre les différentes composantes du gouvernement, les vues divergent radicalement sur le plan financier pur. Grosso modo, le recours à des surtaxes indirectes, évidemment préconisé par le ministère des Finances, se trouve rejeté avec force par la majorité des ministres. Par démagogie sans doute. Mais aussi, semble-t-il, sur le conseil discret des meneurs de jeu. Dès lors, engager l’épreuve de force sur cette échelle des salaires poserait au chef du gouvernement un trop lourd dilemme. S’il mettait ses propositions au vote en Conseil des ministres, elles seraient rejetées et il n’aurait plus qu’à démissionner. Ou à s’incliner en acceptant une solution d’endettement qui aggraverait le déficit budgétaire, alors qu’un accord a été conclu au sein du pouvoir, aussi bien au niveau de l’Exécutif que du Législatif, qu’on ne devrait rien faire dans ce sens. Le chef du gouvernement pourrait théoriquement ignorer l’avis du Conseil et publier, avec l’accord du président de la République, les décrets d’application concernant le financement de l’échelle des salaires à sa guise. Mais il est évident que cela serait considéré comme un intolérable coup de force et provoquerait une révolte de rue. De plus, il n’est pas certain que le chef de l’Etat, qui souhaite partir en laissant aux Libanais un bon souvenir et non celui d’un homme qui les accable d’impôts, se montre coopératif. Place de l’Étoile — Du côté des députés, il faut qu’il y ait également entente sur les moyens de financement et sur la demande d’une session extraordinaire d’été. Or, malgré le forcing des partisans du chef du Législatif, la majorité pour une telle motion est très loin d’être assurée. Nombre de parlementaires, dont des opposants, jugent en effet plus fair-play de laisser le dossier explosif des salaires aux bons soins du prochain régime qui devra en tout cas en assumer la responsabilité de fait. Et qui aura les coudées plus franches, en bénéficiant de l’état de grâce, pour imposer éventuellement des mesures fiscales impopulaires. Les députés réticents s’inscrivent aussi dans la logique de la présidentielle. Une session extraordinaire pourrait en effet être utilisée, plutôt que pour des projets déterminés, à faire passer un amendement de l’article 49 de la Constitution. Une tentative qui risquerait de provoquer de fortes frictions politiques et de faire monter inutilement la tension, alors que la révision peut toujours se faire au dernier moment lors de la session ordinaire d’automne, sans douleur si on peut dire, si les décideurs devaient l’ordonner. Ces mêmes parlementaires font valoir que le président de la République et le chef du gouvernement ont pratiquement le moyen de torpiller une motion réclamant l’ouverture d’une session extraordinaire. En effet, l’article 33 de la Constitution stipule bien que « le chef de l’Etat est tenu de convoquer l’Assemblée nationale à une session extraordinaire si la majorité absolue des membres du Parlement le demande», mais ne fixe aucun délai impératif. Les dirigeants de l’Exécutif pourraient dès lors fort bien ne lancer la convocation en question qu’en octobre, à quelques jours de l’ouverture de la session ordinaire d’automne, et la Chambre se trouverait jouée. Et d’ajouter que sur le plan politique la confrontation ne peut pas être à l’avantage du Parlement. S’il devait aller jusqu’au bout pour être conséquent avec lui-même, il lui faudrait poser la question de confiance… et nul n’ignore que les décideurs lui interdisent de faire chuter le gouvernement. — Le troisième point sur lequel un accord préalable semble nécessaire avant l’adoption d’une nouvelle échelle des salaires dans la fonction publique, est celui d’une vraie réforme des mœurs politico-administratives, impliquant l’éradication de la corruption, du clientélisme et surtout une épuration venant élaguer fortement les rangs d’une Administration qui regorge de parasites sinon de pourris. L’opinion, on le sait, admet mal d’avoir à casquer le cas échéant, pour engraisser encore le mammouth. Pour faire accepter d’éventuelles surtaxes destinées aux fonctionnaires, il faut d’abord épurer l’Administration. C’est d’autant plus indispensable que l’Etat n’est techniquement pas en mesure de se surendetter pour payer l’augmentation. En effet, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et les différentes Caisses arabes qui aident le Liban ont prévenu Beyrouth qu’ils lui couperaient les vivres si son déficit budgétaire devait dépasser les 37%. C’est ce qu’a confirmé dernièrement le ministre de la Défense M. Mohsen Dalloul qui, on le sait, donne souvent le point de vue du camp haririen. Or si, pour éviter de faire assumer directement le fardeau au contribuable, le gouvernement devait emprunter pour financer l’augmentation des salaires dans le service public, le déficit budgétaire dépasserait immédiatement les 52%, et cela dans la projection la plus optimiste…
La logique gouvernementale est simple: pour éviter un clash entre Législatif et Exécutif autour de l’échelle des salaires, et pour prévenir la crise socio-économique qui en découlerait, il faut s’abstenir d’ouvrir une session extraordinaire d’été. Il est clair en outre, ajoute-t-on, que si M. Nabih Berry réclame à cor et à cri une telle session, ce n’est pas tant...