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Actualités - REPORTAGE

Des gains sérieux pour Bagdad, mais rien n'est définitivement acquis

Bagdad. — De Paul KHALIFEH Kofi Annan n’était donc pas un simple facteur. Il jouissait d’une marge de manœuvre assez large pour lui permettre de conclure un accord qui donne il est vrai satisfaction à Washington pour l’inspection des sites présidentiels, mais contient aussi des idées irakiennes, françaises et russes. Une lecture attentive de l’accord signé lundi entre Kofi Annan et Tarek Aziz et une analyse des commentaires des responsables irakiens, de diplomates en poste à Bagdad et de journalistes qui ont suivi la crise actuelle, montrent que l’Irak a enregistré plusieurs points dont il pourrait tirer profit à l’avenir. A condition bien entendu qu’aucun produit prohibé ne soit trouvé dans un des huit sites présidentiels qui seront inspectés. L’inspection de ces sites ne constitue pas une concession majeure des Irakiens, puisque dès le 27 novembre dernier, ils avaient donné leur accord de principe pour une ouverture conditionnelle des palais devant les experts internationaux. C’est au sujet des modalités des visites d’inspection que de profondes divergences étaient apparues entre Bagdad et Washington. L’Irak refusait d’une manière catégorique que les palais soient inspectés par l’UNSCOM dont il accuse le président, Richard Buttler et certains membres, d’être pro-américains et d’établir des rapports tendancieux. Un habile dosage La formule trouvée est un habile dosage entre les propositions avancées par l’Irak, la France et la Russie. Selon un diplomate occidental en poste à Bagdad, le compromis constitue effectivement un gain important pour l’Irak. Il retire à M. Butler une partie de ses prérogatives aussi bien au niveau des inspections que de la rédaction des rapports. Les visites auront lieu en présence de diplomates et d’un commissaire et M. Butler, qui devra remettre le rapport à M. Annan, n’aura plus de relation directe avec le Conseil de Sécurité. Si le président de l’UNSCOM est vraiment «partial et tendancieux», comme l’affirme Bagdad, ses présumées capacités de nuisance auront été considérablement réduites. La plus grande concession présentée par l’Irak concerne le délai des inspections. L’accord n’en prévoit aucun, alors que le gouvernement irakien insistait pour que toutes les visites des sites soient achevées en deux mois. Les propos tenus par M. Aziz à la télévision d’Etat irakienne montrant que cette question n’a pas été définitivement réglée. Le vice-premier ministre a prévenu qu’«il y aura résistance» de la part des autorités irakiennes si les inspecteurs en désarmement demandent à revenir dans un site qu’ils ont déjà fouillé sans rien trouver. L’Irak a enregistré des points encore plus importants. Il a réussi à réduire son isolement sur les scènes arabe et internationale. Les 500 journalistes représentant 70 médias de 35 pays ont montré à l’opinion publique mondiale les souffrances du peuple irakien soumis depuis sept ans à un embargo quasi-hermétique. La visite de M. Annan à Bagdad reste cependant le point fort de cette crise de quatre mois. Pour la première fois depuis 1991, le gouvernement irakien a pu exposer directement au secrétaire général de l’ONU son point de vue. Très sensible aux souffrances des Irakiens, M. Annan a pris la responsabilité d’examiner avec les membres du Conseil de Sécurité les moyens de lever le plus rapidement les sanctions, comme l’indique le paragraphe 7 de «l’accord de Bagdad». Ce document précise toutefois que l’embargo ne pourrait être levé qu’à condition que la commission du désarmement soit satisfaite des résultats de son travail. Les choses sont donc plus compliquées qu’elles ne le paraissent. Mais l’Irak est optimiste. M. Aziz a précisé que l’assainissement des relations entre Bagdad et l’ONU aura sans doute des répercussions positives sur les méthodes de l’UNSCOM. Il a estimé que des changements ont commencé à apparaître pendant la crise actuelle, avec la nomination d’un conseiller français de l’UNSCOM et l’entrée, pour la première fois dans la commission, d’experts chinois. Il faut ajouter à cela la prochaine désignation d’un vice-président russe. La crise actuelle a aussi montré que l’Irak a pu subtilement jouer sur les divergences entre Washington d’un côté, Paris et Moscou de l’autre, pour contrebalancer une influence américaine qui était sans partage depuis de nombreuses années. Enfin, les événements des dernières semaines ont mis en évidence les sentiments anti-américains dans le Golfe et dans les pays arabes et le refus des gouvernements de ces Etats de se ranger aveuglement dans le camp des USA. Le style Annan La crise irakienne a aussi dévoilé ce qu’on peut désormais appeler un «style Kofi Annan» dans la gestion des conflits. Comme l’Irak, le secrétaire général a su très habilement tirer profit des divergences au sein du Conseil de Sécurité pour jouer un rôle plus important que celui de facteur que voulait lui faire tenir Washington. A Bagdad, M. Annan n’a pas hésité à prolonger d’un jour sa visite. Et lors de la conférence de presse conjointe avec M. Aziz, après la signature de l’accord, il a tenu à ménager les susceptibilités de toutes les parties en choisissant soigneusement ses propos et en évitant de parler de vainqueur et de vaincu. D’ailleurs, l’accueil triomphal qui lui a été réservé à New York où les fonctionnaires de l’ONU l’ont reçu dans un tonnerre d’applaudissements, montre l’importance du succès qu’il a enregistré. Les Américains sont-ils sortis vainqueurs de cette guerre des nerfs de quatre mois? Les avis sont partagés là-dessus. M. Annan a tenu à leur donner du crédit en déclarant que la diplomatie soutenue par la fermeté et la force a finalement abouti. Les Etats-Unis ont aussi obtenu l’ouverture des sites présidentiels, même si l’Irak avait annoncé depuis plusieurs semaines qu’il était prêt à le faire. Les Américains sont convaincus que les autorités irakiennes dissimulent toujours des armes de destruction massives, mais l’UNSCOM n’arrive pas à le prouver. Et si rien n’est trouvé dans les sites présidentiels, qu’adviendra-t-il ensuite? Peut-être, souligne-t-on à Bagdad, que Washington voudra inspecter les mosquées, les églises et les lieux saints de Kerbala et de Najaf. D’autres crises éclateront alors et l’embargo ne sera pas levé. A moins que d’ici là, les rapports de force n’aient changé... P. Kh.
Bagdad. — De Paul KHALIFEH Kofi Annan n’était donc pas un simple facteur. Il jouissait d’une marge de manœuvre assez large pour lui permettre de conclure un accord qui donne il est vrai satisfaction à Washington pour l’inspection des sites présidentiels, mais contient aussi des idées irakiennes, françaises et russes. Une lecture attentive de l’accord signé lundi entre...